Passée une parenthèse télévisuelle avec la série S-F Ad Vitam, diffusée sur Arte il y a de cela cinq ans, Thomas Cailley effectue son retour au cinéma avec Le Règne Animal, qui comprend Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos, Billie Blain ou encore Tom Mercier au casting et nous plonge dans une dystopie où l’être humain arrive à un nouveau stade de son évolution…

Sorti tout droit de la FEMIS, Thomas Cailley a su se faire repérer dès son premier essai, Les Combattants, qui était reparti de la 40e cérémonie des César auréolé de trois trophées (Meilleure actrice pour Adèle Haenel, Meilleur espoir masculin pour Kevin Azaïs mais surtout Meilleure première œuvre). Près d’une décennie plus tard, le cinéaste transforme l’essai et signe un retour pour le moins remarqué dans le milieu du septième art avec Le Règne Animal, une quête intimiste à la lisière du fantastique pour évoquer avec un certain symbolisme le changement de paradigme entre l’Homme et la Nature.

A l’origine de cette proposition originale, une idée de la scénariste Pauline Munier, dont le script avait tapé dans l’œil du réalisateur, amorçant une collaboration entre les deux pour écrire un long-métrage basé sur son concept quant à l’art de la métamorphose. S’ancrant dans une France – littéralement – en pleine mutation à cause d’un mystérieux virus métamorphosant l’humain en créature, Le Règne Animal nous fait suivre un père et son fils devant composer avec cette problématique. Ayant vu son foyer impacté par ce phénomène hors du commun, qui a touché sa femme, François n’a nul autre choix que de migrer vers le sud du pays pour tenter d’ouvrir un nouveau chapitre, au plus près de l’amour de sa vie. Un déménagement mal perçu par le jeune Emile, marqué par une telle épreuve – qui se révèle n’être que la partie immergée de l’iceberg sur lequel il repose avec son paternel.

Suite à un concours de circonstances, plus précisément un accident, nos protagonistes se retrouvent à naviguer à vue dans un monde en proie au changement, où ce retour à l’instinct primaire change la donne et ce dans chaque strate de la société. Ce que chacun découvre malheureusement à sa manière, François au travers la recherche de sa bien-aimée, perdue en pleine nature et Emile par le biais d’un passage déterminant à l’âge adulte. Sans repères, François mais surtout Emile, ne peuvent que se confronter à l’inexplicable transformation de l’être et tenter de trouver la route adéquate sur ce carrefour de la vie, aussi cruelle soit-elle. Faisant doucement grimper les enjeux et élargissant progressivement son champ de vision, en couplant notamment l’évolution propre à l’adolescence à ce fameux postulat surnaturel, Thomas Cailley et Pauline Munier trouvent la porte d’entrée idéale pour que le spectateur se laisse embarquer dans cet univers à la lisière du réel, en se reposant sur des notions universelles – le sens de la famille ou la peur du rejet amenant aisément à la compassion pour notre tandem principal et l’environnement se développant au gré du métrage.

Si l’on pourrait pinailler sur quelques facilités en terme d’écriture, dans l’ensemble, le scénario aide à nourrir un drame teinté de merveilleux se voulant un film d’ambiance à part entière, cherchant à nous déboussoler dans un premier temps tout comme ses personnages avant de tracer avec précision le chemin à arpenter. La trame tissée permet d’aborder avec pertinence des thématiques d’actualité quant à l’acceptation de l’autre et le vivre-ensemble et ce avec une certaine poésie. Ce dont témoigne les passages où le magnifique bestiaire imaginé par le réalisateur prend subrepticement la lumière, à l’image de l’homme-oiseau incarné par Tom Mercier, faisant office de moments suspendus. Apprécions également la direction d’acteurs, la part belle étant laissée à Romain Duris, impeccable en père déterminé à ne pas lâcher les siens, ainsi qu’à Paul Kircher qui se démarque avec son jeu en intériorité, où la gestuelle remplace progressivement la parole pour démontrer de la trajectoire évolutive d’Emile. Cela peut parfois dérouter mais au final, cette volonté créative porte ses fruits, en particulier dans l’acte final du film.

Comme il nous l’avait prouvé par le passé, Thomas Cailley aime sortir en douceur du cadre et le confirme avec ce bien bel ouvrage qu’est Le Règne Animal, synonyme de voyage entre les genres à l’imagerie onirique et à la mise en scène léchée, sublimée par la musique envoûtante d’Andrea Lazslo De Simone.

© NORD-OUEST FILMS – STUDIOCANAL – FRANCE 2 CINÉMA – ARTÉMIS PRODUCTIONS

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