Pour son premier long-métrage, le documentaire Loin de chez nous, le réalisateur libanais Wissam Tanios pose son regard sur Milad et Jamil Khawam, deux frères syriens cherchant à quitter leur […]
Pour son premier long-métrage, le documentaire Loin de chez nous, le réalisateur libanais Wissam Tanios pose son regard sur Milad et Jamil Khawam, deux frères syriens cherchant à quitter leur pays pour espérer vivre de meilleurs lendemains, point de départ d’un parcours du combattant entre deux continents.
Passé dans le circuit des festivals durant près de deux ans, avec son lot de récompenses à la clé, Loin de chez nous termine son long périple en arrivant dans les salles obscures, donnant finalement l’occasion de découvrir cette première œuvre de Wissam Tanios, relatant d’un sujet universel – le touchant personnellement. En effet, à travers ce documentaire, le réalisateur aborde la question migratoire et ses conséquences en suivant la quête personnelle de membres de sa famille, ayant fait le choix de quitter leur terre natale pour tenter leur chance dans un autre pays. Une démarche et un ancrage faisant la force de ce témoignage couché sur pellicule, en renforçant son poids émotionnel.
De ce cadre intimiste s’exposent les aspérités inhérentes à ce changement de vie drastique, qui se retrouvent traitées avec une forme de pudeur, rendant ce périple vers l’inconnu profondément humain aussi bien dans le fond que dans la forme. Ce qui prime ici, sont les sentiments contradictoires occupant l’esprit des deux cousins du réalisateur, Jamil et Milad Khawam, alors arrivés à une étape cruciale de leur existence. S’ils ont des caractères différents, un but commun les rassemblent, cette envie irrépressible de recommencer à zéro, dans un environnement plus paisible que celui dans lequel ils naviguent, où ils pourraient s’épanouir. Devant la caméra de Tanios, les frères s’engagent dans leur quête émancipatrice, amorçant une phase transitoire qui n’est pas sans répercussions, comme le souligne la chronique se dessinant petit à petit sous nos yeux.
S’il se veut l’histoire d’un renouveau, Loin de chez nous est tout autant le récit d’une séparation, le départ des deux hommes sonnant le glas d’une époque pour leur cercle familial, à commencer par le metteur en scène, qui symbolise cette césure par un rappel constant à ce qui l’unit à ses proches, à ses cousins. En utilisant des images d’archives personnelles, souvenirs de l’insouciance propre à l’enfance, ce dernier met en avant les liens du sang avec une place prépondérante laissée à la thématique de l’héritage, de la culture, qui trouvent une caisse de résonnance en se partageant entre passé et présent. Un élément central, conférant une âme particulière à ce documentaire, qui suit Milad et Jamil dans les étapes charnières de leur long et lent voyage vers des lendemains qui chantent. S’étirant ainsi sur cinq ans, le long-métrage démontre de la difficulté de suivre ce chemin escarpé menant à d’autres contrées et d’y trouver sa voie.
Un double danger, se traduisant par une succession d’épreuves pour chacun, l’un décidant de partir vers la Suède et l’autre vers l’Allemagne, un aller sans retour s’accompagnant de sentiments partagés. Entre le passage périlleux des frontières, qu’elles soient terrestres ou maritimes ou encore la peur de se faire arrêter avant d’arriver à destination, la réalité de l’immigration est dépeinte sans fards – mais sans misérabilisme – l’abnégation et l’optimisme primant à l’image. Malgré sa dureté, le passage d’un continent à un autre, aussi important soit-il, ne marque pas le point final de l’expédition, s’adapter à sa patrie d’adoption n’étant pas à éluder. Ce que Wissam Tanios n’oublie aucunement, laissant ses cousins exprimer à l’écran leurs états d’âmes dans un dernier acte refermant ce chapitre pivot de leur vie sur une note sensible, d’où germent les graines de l’espoir, au doux son de la trompette de Milad.
Avec Loin de chez nous, Wissam Tanios livre un documentaire sensible abordant avec sincérité de la question migratoire, prenant corps à travers un périple vers de meilleurs lendemains à dimension humaniste.