[Critique] The Power Of The Dog, les fleurs du mâle
Douze ans après Bright Star, Jane Campion fait son retour dans le milieu du septième art avec The Power Of The Dog, l’adaptation du roman éponyme de Thomas Savage, développé […]
Pour ceux qui se font des films en séries
Douze ans après Bright Star, Jane Campion fait son retour dans le milieu du septième art avec The Power Of The Dog, l’adaptation du roman éponyme de Thomas Savage, développé […]
Douze ans après Bright Star, Jane Campion fait son retour dans le milieu du septième art avec The Power Of The Dog, l’adaptation du roman éponyme de Thomas Savage, développé pour Netflix. Comprenant Benedict Cumberbatch, Kirsten Dunst, Jesse Plemons et Kodi Smit-McPhee, le long-métrage se centre sur Phil et George Burbank, deux frères à la tête du plus gros ranch de la vallée du Montana, au caractère diamétralement opposés…
Passée une courte parenthèse télévisée avec Top Of The The Lake, Jane Campion se remet en selle et effectue un retour en force aux manettes d’un long-métrage, s’attelant à la mise en scène d’un drame sec et aride interrogeant la masculinité ainsi que sa toxicité via l’utilisation des codes du western – pour une déconstruction du genre qui porte ses fruits.
En s’appropriant le récit de Thomas Savage, la réalisatrice s’embarque dans une chevauchée sauvage à travers la terre des hommes, bien destinée à mettre un coup de pied dans une fourmilière où la virilité règne en maître, afin de mieux dénoncer un modèle de domination obsolète aux conséquences nocives. Se met ainsi en place un acerbe jeu du chat et de la souris, qui gagne progressivement en tension alors que l’atmosphère tend à devenir électrique sous la moite chaleur des vallées du Montana (en réalité des reliefs de la Nouvelle-Zélande, contrée natale de Campion). Sachant savamment positionner ses pions, le scénario s’affaire à faire flancher lentement mais sûrement cette partie se déroulant devant nos yeux pour prendre un chemin tortueux, donnant lieu à une séance de torture psychologique. Sous un soleil de plomb, les esprits s’échauffent et nous, spectateurs, attendons patiemment que les choses se corsent.
Avec The Power The Dog nous est conté le destin de deux frères qui, malgré les différences – l’un est rustre, l’autre sophistiqué – ont toujours vécu de manière fusionnelle, travaillant de concert pour faire fructifier leurs affaires. Aux commandes de l’un des plus grands ranchs de la région, Phil et George Burbank consacrent leur vie à leur métier, qui n’est pas de tout repos. Une existence laissant peu de place à une vie privée, la solitude primant généralement pour nos cow-boys de l’Ouest américain. Lorsque le cadet de la famille déroge à cette règle en trouvant l’amour et sa marie à une veuve, les rapports de force entre les deux hommes s’en voient modifiés, au grand dam de l’aîné – un personnage acariâtre qui est hermétique à tout changement. Ce nouveau paradigme sert d’élément déclencheur au long-métrage, les dissonances entre nos différents protagonistes nourrissant une intrigue s’articulant autour de la sensibilité. Quand le mâle distille son venin, s’en suit une inéluctable réaction en chaîne faisant craindre le pire.
Dans ces étendues du Montana, se referme un piège pour Rose, la femme de George, et son fils, Peter, qui emménagent dans la maison familiale – sans savoir dans quel univers ils mettent les pieds. Ce cocon pouvant devenir un refuge pour chacun se transforme petit à petit en prison pour la mère et son garçon, qui deviennent la cible de la haine de Phil, déterminé à montrer qui est le patron en ces terres, par le biais de manigances insidieuses. Torturant psychologiquement ses invités, ce dernier instaure un climat délétère, qui fait la force de ce drame. Tout comme dans le roman d’origine, cet ancrage dans le monde du western aide à remettre en perspective cette notion de masculinité, Jane Campion faisant souffler le chaud et le froid sur le genre, grattant à la surface pour mieux en extraire les nuances. Derrière les apparences, se cachent diverses facettes, bien moins virilistes que l’on veut bien nous le montrer. De ce conflit intestin entre notre quatuor principal, qui se plaît à être malsain, naît une forme de sentimentalisme – sachant poindre le bout de son nez quand il le faut, sans jamais chercher à jouer la corde sensible (expression qui trouve d’ailleurs son intérêt dans le climax du film).
En privilégiant l’ambiguïté, la réalisatrice, qui officie seule à l’écriture, trouve l’angle idéal pour alimenter à la fois sa narration et sa mise en scène, qui se veut contemplative. Sublimés par sa caméra et la photographie d’Ari Wegner, les décors naturels néo-zélandais font offices de personnages à part entière, leur étendue venant renforcer cette volonté d’ambivalence, Jane Campion perdant ses acteurs et actrices dans ces vastes pleines pour mieux symboliser la solitude de chacun des personnages, pris en étau aussi bien physiquement que psychologiquement. Ajoutons à cette scénographie des plus soignées la performance sans faille d’un casting dirigé d’une main de maître. Si Jesse Plemons est comme à son habitude impeccable, ce dernier ne peut que rester en retrait face au trio Benedict Cumberbatch/Kristen Dunst/Kodi Smit-McPhee, qui prennent toute la lumière dans ce western austère du plus bel acabit. Si le premier a été unanimement salué par la critique – à raison – avec une performance magnétique à souhait, Dunst et Smit-McPhee ne sont pas en reste, lui tenant la dragée haute avec panache.
Avec The Power Of The Dog, qui signe son retour aux affaires, Jane Campion se livre à une déconstruction en règle de la masculinité toxique, trouvant dans le roman éponyme de Thomas Savage de quoi nourrir son propos. En résulte un excellent drame, au climat anxiogène et malsain, qui allie scénario solide, réalisation soignée et casting habité, pour une virée en terre sauvage crépusculaire.
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