En 1993, Bernard Rose réalisait Candyman, l’adaptation de The Forbidden – nouvelle horrifique écrite par Clive Barker (Hellraiser) – un long-métrage qui laissera son empreinte sur le genre, son succès d’estime amenant au développement d’une franchise avec la conception de deux suites. Vingt-huit ans plus tard, sous l’impulsion de Jordan Peele, qui a su se faire un nom en tant que réalisateur/producteur depuis Get Out, un nouvel opus consacré au célèbre boogeyman est sorti de l’ombre, mis en scène par Nia DaCosta. Sobrement intitulé Candyman et comprenant au casting Yahya Abdul-Mateen II, Teyonah Parris, Nathan Stewart-Jarrett ou encore Colman Domingo, ce nouveau départ de la saga se concentre sur Anthony McCoy, un artiste peintre en quête d’inspiration s’intéressant à la légende urbaine entourant le quartier de Cabrini Green…

Redonner un coup de fouet à une franchise malmenée, une tendance qui est monnaie courante dans le microcosme horrifique, permettant de remettre en lumière un bon nombre de propriétés intellectuelles au fil des années telles que Halloween, Vendredi 13, Chucky, Les Griffes De La Nuit…avec plus ou moins de réussite. Nouvelle entité à renaître de ses cendres, Candyman, qui était repartie dans les limbes après deux suites inutiles fourvoyant l’œuvre de Bernard Rose. Pour cette remise au gout du jour, Jordan Peele s’est associé à Nia DaCosta, qui se voit ainsi confier son premier long-métrage. La réalisatrice est-elle parvenue à donner un second souffle à la franchise ? Malheureusement non.

Se voulant à la fois une relecture de même qu’une suite au film de Bernard Rose, Candyman version Nia DaCosta court après deux lièvres à la fois, ce qui est à la base une bonne idée. Sauf qu’en ne parvenant pas à concilier volonté de continuité et apport de sang neuf, cette suite/reboot a des difficultés à rattacher ses wagons et finit par dérailler. Une malencontreuse sortie de route qui vient ternir la teneur des message véhiculés, qui n’ont pas l’impact escompté à cause d’une écriture des plus maladroites, la finesse n’étant pas de mise. L’aspect sociologique propre à l’œuvre de Bernard Rose, qui s’inspirait de l’essence de la nouvelle de Clive Barker pour pointer du doigt la part sombre de l’Amérique – notamment concernant la cause afro-américaine – prend ici davantage d’ampleur mais la lourdeur du propos vient mettre à mal sa pertinence. Si dans l’opus original, les inégalités ainsi que le spectre de l’esclavagisme se reflétaient dans le miroir tendu par le metteur en scène aux spectateurs, dans le cas présent, Jordan Peele et son co-scénariste Win Rosenfeld prennent à cœur de faire ressurgir de leur récit les fantômes du passé et de les accoler aux menaces actuelles. Ces dernières années, les tensions raciales se sont ravivées sous une présidence Trump qui a laissé des marques, ce que l’humoriste devenu réalisateur/producteur démontre par le biais de ses films engagés (Get Out, Us…), Candyman ne faisant pas exception.

De cette colère froide, légitime, accouche un simili pamphlet qui pêche par son absence de nuances, martelant sans cesse ses accusations contre une société à deux vitesses, ce qui lui fait perdre de sa puissance. Ajoutons en plus de cela un ancrage malencontreux dans le monde de l’art contemporain, diminuant l’impact des problématiques sociétales mises en exergue et nous avons une intrigue se prenant plus d’une fois les pieds dans le tapis à défaut de pleinement convaincre. Les turpitudes de notre personnage principal, Anthony McCoy, un peintre en mal d’inspiration, ne sont pas des plus enthousiasmantes à suivre, dénotant avec le parcours de Helen Lyle – héroïne du premier opus – qui permettait une immersion dans le fameux quartier de Cabrini Green (situe à Chicago), mettant en perspective l’horreur de la réalité face à celle de la légende urbaine. Cette plongée dans un milieu vaniteux ne rend ni service aux protagonistes ni aux thématiques développées, créant une sorte de déconnexion entre la forme et le fond, dommageable à l’ensemble du métrage.

En s’accaparant du mythe de Candyman, Jordan Peele et Win Rosenfeld veulent taper du poing sur la table et témoigner de la violence de ce monde envers les afro-américains, une démarche honorable mais à frapper à tout bout de champ sans se concentrer un minimum sur la portée des coups donnés, les deux hommes s’essoufflent pour un rien, le combat finissant par être vain. Comme attendu, la quête personnelle d’Anthony le mène sur le chemin du fameux tueur au crochet, engageant alors le scénario vers l’horreur, le nom de ce dernier étant prononcé cinq fois. Alors que le croque-mitaine sévit à travers les miroirs et autres objets réflectifs, semant des corps à chacune de ses apparitions, nous est alors exposée une nouvelle conception de la mythologie, venant se lier aux évènements du film originel et apporter un éclairage inédit sur cet esprit vengeur, canalisant des siècles de souffrances, de tortures. Une expansion de l’univers qui se tient, avec un potentiel certain mais qui perd tout son sens dans un dernier acte où une machination alambiquée vient parachever une analyse manichéenne. La gentrification et les violences policières sont des réalités qu’il ne faut pas nier et leur dénonciation aurait gagné à être moins théâtrale, moins grandiloquente. Cette absence de nuances nuit à la qualité intrinsèque de ce Candyman alors qu’il y avait du matériel exploitable pour vraiment marquer les esprits.

Héritant d’un scénario partant dans tous les sens, Nia DaCosta ne démérite pas et réhausse le niveau de par sa réalisation léchée, avec un petit côté ‘arty’ qui lui sied plutôt bien. Cette plongée dans le monde de l’art contemporain a sans nul doute inspirée la cinéaste, qui en plus d’un soin particulier porté au cadre, s’autorise quelques instants de poésie, notamment en donnant de l’ampleur à des peintures, celles mettant à l’honneur notre boogeyman. Notons également les séquences animées destinées à expliciter la légende de Candyman, visuellement réussies grâce à un jeu d’ombre de qualité, amenant à un aspect glauque, contrastant avec l’imagerie lisse présente d’un bout à l’autre du long-métrage. Globalement, cette première œuvre vaut le coup d’œil pour sa mise en scène.

Si l’idée de dépoussiérer le mythe Candyman était louable, avec des thématiques pertinentes à la clé, le résultat laisse pourtant à désirer. Malgré de belles promesses, cette relecture s’embourbe dans une intrigue foutraque et maladroite, ne parvenant pas à canaliser son propos, préférant jouer la carte du manichéisme – ce qui lui porte préjudice. Reste la réalisation de Nia DaCosta, qui s’en tire plutôt bien avec le matériel proposé, sa mise en scène apportant une plus-value au long-métrage.

© Universal Pictures

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