[Critique] The Nest, famille déracinée
Neuf ans après Martha Marcy May Marlene, le réalisateur canadien Sean Durkin est de retour derrière la caméra avec The Nest, un drame porté par Jude Law, Carrie Coon, Charlie […]
Pour ceux qui se font des films en séries
Neuf ans après Martha Marcy May Marlene, le réalisateur canadien Sean Durkin est de retour derrière la caméra avec The Nest, un drame porté par Jude Law, Carrie Coon, Charlie […]
Neuf ans après Martha Marcy May Marlene, le réalisateur canadien Sean Durkin est de retour derrière la caméra avec The Nest, un drame porté par Jude Law, Carrie Coon, Charlie Shotwell, Oona Roche, Adeel Akthar, Michael Culkin et Anne Reid, nous fait suivre une famille s’expatriant en Angleterre, dans l’espoir d’un nouveau départ… Auréolé de trois Prix lors du 46e Festival du Cinéma Américain de Deauville (Grand Prix, Prix de la Révélation, Prix de la Critique), le long-métrage passe directement par la case télévision, se voyant diffusé en exclusivité sur Canal + et sur la plateforme Canal Play.
Avec The Nest, Sean Durkin prend un malin plaisir à détricoter les fondements de la cellule familiale – sacrifiée sur l’autel de l’ambition – pour nous plonger dans un drame aux allures de thriller qui doit beaucoup à la prestation de son tandem principal.
Ce second essai confirme le style du scénariste/réalisateur, qui imagerie intimiste et ambiance anxiogène pour traiter de son sujet. Tout comme dans Martha Marcy May Marlene, il est question d’isolement, de déracinement et de la difficulté de se faire à une nouvelle vie. Après avoir abordé les sectes, son intérêt se porte cette fois sur le capitalisme et à sa fonction dissidente sur l’équilibre d’un foyer. Une analyse pertinente qui se traduit par la dislocation du lien émotionnel et social d’une famille, qui se fissure à la suite d’une expatriation. Un changement de cadre, habituellement symbole de renouveau, qui devient finalement synonyme de déclin pour nos personnages.
En nous plongeant dans les années 1980, Sean Durkin perfectionne sa critique de ce modèle économique, cette période marquant l’essor des Golden Boys, ces hommes aux dents rayant le parquet, prêt à tout pour faire fortune. Ainsi, nous suivons Rory, un ancien courtier devenu un ambitieux entrepreneur, qui a décidé de quitter le confort d’une banlieue huppée des États-Unis pour s’installer en Angleterre, son pays de naissance en compagnie d’Allison, son épouse et leurs deux enfants. Un choix annonciateur de jours meilleurs pour la fratrie, l’ambition dévorante du patriarche devant lui permettre de devenir riche et subvenir aisément aux besoins des siens. Sauf que ses plans ne se déroulent pas comme prévu et que son ego surdimensionné met en péril la stabilité de ses finances, de son couple. Un graduel pourrissement de la situation se met alors en place, faisant exploser les tensions, les rancœurs.
Face au capitalisme, la notion de famille est altérée, celle-ci ne devenant plus essentielle, ce que l’on constate à travers le parcours de nos principaux protagonistes. Les relations entre parents et enfants se désagrègent, le tout dans une ambiance délétère. L’harmonie régnant au sein de ce nid s’évapore au profit de la division, de la solitude, le nœud central du film. Cet isolement transparaît avant tout par l’entremise d’Allison, pour qui ce déracinement est l’équivalent d’une descente aux enfers, cette dernière perdant ses repères et devant garder malgré tout la tête haute. Face à un Jude Law impeccable en connard arrogant, Carrie Coon tire son épingle du jeu et se révèle être l’atout numéro un de The Nest.
Son interprétation au cordeau, oscillant entre fragilité et robustesse, insuffle une force de caractère à son personnage – riche en nuances – et l’on suit avec intérêt sa trajectoire, où la mère de famille disparaît pour faire renaître la femme libre qui sommeillait. Le tandem qu’elle forme avec Jude Law est explosif et leur saillies verbales – particulièrement dans le dernier quart d’heure du film – sont acerbes, pour notre plus grand plaisir. Cet éclatement de la cellule familiale transparaît également dans la mise en scène classieuse de Sean Durkin, qui privilégie l’établissement d’une atmosphère chaleureusement glauque, rendu possible par le choix du huis-clos et d’une bâtisse immense à l’architecture baroque. Ce lieu aide à l’instauration de la distance entre les différents membres avec un soin particulier porté à la photographie (très bon travail de la part de Mátyás Erdély) et au cadre – précis, millimétré – témoin de l’éloignement progressif de cette famille désunie.
Avec The Nest, Sean Durkin effectue un retour remarqué dans l’univers du septième art en signant une fable familiale féroce nous montrant les ravages d’un système sur la bonne santé du noyau familial, une critique du capitalisme qui vaut le coup d’œil grâce à une réalisation exigeante et une direction d’acteurs solide. Si la forme employée pourra en décontenancer certains, dans son ensemble ce drame est convaincant., particulièrement grâce à l’abattage du duo Jude Law/Carrie Coon.