Un an à peine après Goliath, Frédéric Tellier effectue son retour sur grand écran avec L’Abbé Pierre – Une Vie de Combats, qui rassemble Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot, Michel Vuillermoz, Chloé Stefani et Xavier Mathieu au casting. Au programme de ce biopic, la mise en lumière du parcours d’un homme dévoué corps et âmes aux causes qu’il défend, à savoir Henri Grouès…

Figure populaire qui aura fait de la solidarité un mot d’ordre, L’Abbé Pierre a su marquer son époque en œuvrant pour aider son prochain avec une combativité à toute épreuve – forçant le respect de ses pairs, de la classe politique et plus largement de la population. Si la plupart d’entre nous connaissons les principales actions de ce homme de foi, le portrait de ce dernier n’a jamais été brossé dans les largeurs, notamment sur grand écran, les deux longs-métrages produits jusque-là (Les Chiffonniers d’Emmaüs et Hiver 54) se concentrant uniquement sur une période précise de son existence. D’où la démarche de Frédéric Tellier de proposer un biopic en bonne et due forme, voulant éclairer le grand public sur les multiples chemins empruntés par Henri Grouès, l’ayant amené à prendre son destin en main et à tendre la sienne vers les autres.

Doté d’un beau budget, L’Abbé Pierre – Une Vie de Combats se veut un écrin de choix pour saluer la mémoire de l’une des personnalités les plus marquantes du XXe siècle, permettant au réalisateur de se donner les moyens d’une fresque romanesque à travers les décennies, nous entraînant à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale jusqu’au milieu des années 2000 afin de mieux de saisir l’humanité de ce protagoniste. Pour y parvenir, le chemin tracé par Frédéric Tellier et son coscénariste Olivier Gorce est des plus linéaires, le but étant de montrer les évolutions de la société au gré des conflits, des luttes, allant de pair avec les actions de l’Abbé. Le tout en près de deux heures vingt de métrage, imposant un cahier des charges dense. De quoi augmenter les risques de manquer sa cible, un projet de cet envergure pouvant se vautrer dans l’hagiographie pure et simple tombant dans le pathos ou se contenter d’enchaîner les moments clés sans jamais développer son sujet.

Des bancs de l’Eglise à ceux de l’Assemblée Nationale, l’Abbé Pierre aura su se démarquer par son abnégation et son insatiable envie de justice, se battant comme un damné pour tenter d’apporter de l’espoir à ceux qui n’ont plus rien. De la lutte pour la liberté à celle pour l’entraide, sa volonté d’améliorer les conditions de vie des plus précaires, à sa petite échelle, qui n’aura cessé de prendre de la hauteur au fil du temps, ce que souligne parfaitement le film, n’occultant pas la place prépondérante de Lucie Coutaz dans cette bataille. L’occasion de revenir en détails sur la création du mouvement Emmaüs, le fameux appel de l’hiver 1954 puis l’inauguration de la fondation Abbé-Pierre, des travaux entrepris dans la difficulté, qui auront fait beaucoup pour la cause des démunis. S’il évite le mélodrame, ce biopic n’évite pas tous les pièges à sa portée, tentant maladroitement le lyrisme de temps à autres (à l’image d’un tableau onirique poétiquement plat) et finissant par suivre une frise chronologique bâclée dans son dernier tiers.

D’où un rythme en dents de scie et un certain académisme en terme de structure, qui parfois diminuent l’impact de certains messages délivrés. Ce qui est dommage car niveau mise en scène, des moments touchants viennent nous montrer que le potentiel était là pour marquer davantage les esprits, les silences et les gestes étant plus forts que des paroles vaines et une bande originale forçant le trait pour chercher l’émotion. Lorsque se dévoile sans artifices au détour d’une séquence les conséquences de la guerre et de la pauvreté, où plane le spectre de la grande faucheuse, le résultat est plus efficace. Dans tous les cas, s’il est trop long pour son propre bien et se retrouve balisé par les codes du biopic, L’Abbé Pierre – Une Vie de Combats peut compter sur la direction d’acteurs de Frédéric Tellier pour palier à ces faiblesses, le cinéaste offrant un boulevard à Benjamin Lavernhe pour capter l’attention du public, le pensionnaire de la Comédie-Française se laissant absorber par le personnage qu’il incarne avec conviction aux différentes étapes de son périple sur cette terre. Pour l’accompagner dans cet exercice, Emmanuelle Bercot n’est pas en reste, apportant un supplément d’âme à cet ouvrage en prenant cette place en or de soutien moral, incarnant avec force et tendresse la femme de cœur de l’Abbé Pierre, Lucie Coutaz.

S’il n’évite pas tous les pièges propres au biopic, s’étirant plus que de raison, L’Abbé Pierre – Une Vie de Combats, permet à Frédéric Tellier de saluer la bonté d’un homme de foi dévoué et d’offrir un bel écrin à Benjamin Lavernhe et Emmanuelle Bercot.

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