Sept ans après Seul dans Berlin, Vincent Perez se réinstalle au poste de réalisateur pour mettre en scène Une Affaire d’Honneur, porté par Roschdy Zem, Doria Tillier, Guillaume Gallienne, Damien Bonnard, Noham Edje ou encore Myriem Akheddiou. Film d’ouverture de la 24e édition de l’Arras Film Festival, ce drame historique nous plonge dans le Paris de la fin XIXe, où le sort d’un duel fait basculer le quotidien d’un maître d’armes chevronné…

En près de quarante ans de carrière, s’il y a bien un genre dans lequel s’est illustré Vincent Perez, c’est celui de cape et d’épée, que ce soit dans Le Bossu ou encore La Reine Margot et Fanfan la Tulipe. Devenu au fil des films une fine lame, l’acteur ressort cette dernière de son fourreau pour recontextualiser une époque où tous conflit était propice à un règlement de compte en bonne et due forme, avec le très codifié duel. Une pratique voulue pour réparer les torts mais surtout laver son honneur, quitte à verser le sang par pêché d’orgueil, dénaturant la fonction première de celle-ci qui fût de rendre justice.

Mais quand l’Homme se confond dans sa bassesse d’esprit et son refus d’évoluer avec son temps, ne perd-il pas toute boussole morale ? C’est une question à laquelle tente de répondre Une Affaire d’Honneur, qui fait parler les armes pour confronter les vestiges d’un ancien monde à ses zones d’ombre. Pour s’y faire, Vincent Perez s’appuie sur l’Histoire et convoque notamment l’esprit de Marie-Rose Astié de Valseyre, journaliste et militante féministe, afin de peindre un tableau tout en nuances de gris de la Troisième République, phase transitoire où les fantômes du Second Empire hantent encore les institutions et la population, empêchant un réel changement de la société. Ce dont témoigne le parcours parallèle des deux principaux protagonistes du long-métrage, Clément Lacaze, maître d’armes reconnu se retrouvant aspirer dans un cycle de violence et donc madame Astié de Valseyre, qui manie la plume pour lutter contre un patriarcat bien tenace, étant d’ailleurs la première femme à tenter de faire abroger l’ordonnance de 1800 – qui interdisait aux femmes de porter un pantalon sans l’autorisation du Préfet de Police.

Un tandem se retrouvant à faire front commun, pour l’honneur, les amenant à faire un pas de deux faces à des hommes abusant de leur position, de leur pouvoir. Car même si au XIXe siècle le duel est déjà considéré comme illégal (il faudra attendre la Seconde Guerre Mondiale pour le voir disparaître), il reste pourtant populaire dans les différentes strates de la société, réglant selon les règles préétablies des rivalités et autres boursoufflures d’ego. Tout un système détaillé avec soin par le scénario écrit à quatre mains par le réalisateur et sa femme Karine Silla, qui met en exergue ses rouages – quitte à se montrer un brin didactique. Heureusement, dans sa seconde partie, Une Affaire d’Honneur fend l’armure et oublie peu à peu la prose pour se servir des silences, des non-dits afin de gratter à la surface de son sujet. Derrière cette violence, se cache des êtres meurtris par le spectre de la guerre, celle contre la Prusse, qui en aura traumatisé plus d’un. De quoi nourrir un sous-texte alors quant à la difficulté de s’extirper d’un cycle brutal, de s’orienter vers des horizons plus lumineux, plus respectueux.

Quand la lame se fait le prolongement de l’âme, la remise en question s’impose alors, ce que souligne ce drame dans sa dernière ligne droite, qui permet à Vincent Perez de donner la part belle à Roschdy Zem et Doria Tillier, qui se complètent niveau jeu. Si l’écriture montre parfois quelques signes d’essoufflements au gré des passes d’armes, Vincent Perez donne le change en terme de direction d’acteurs et de mise en scène, entre autres durant les différents duels dépeints à l’écran, la photographie naturelle couplée aux angles de caméra s’alliant bien à la volonté de proposer des tableaux dynamiques pouvant à tout moment être teintés d’un rouge sang. Ce qui permet au cinéaste de prouver qu’il s’y connaît en matière d’escrime, sachant capter l’effervescence propre aux croisements de fer, avec des chorégraphies millimétrées à la clé.

Avec Une Affaire d’Honneur, Vincent Perez signe à la pointe de l’épée une remise en perspective de la notion de justice à travers l’analyse du duel et ce que qui anime l’homme à verser le premier sang. Doté d’un bel écrin, ce film historique se veut la confrontation de deux mondes (et deux sexes) qui ne se comprennent pas à la sortie d’une période troublée qui, en dépit de quelques tressaillements en terme d’écriture, s’avère pertinente et touche sa cible.

Guy Ferrandis – 2022 – Gaumont – France 2 Cinéma

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