[Critique] Omar la Fraise, les sentiers de la perdition
Cinq ans après s’être fait repéré à la Quinzaine des Réalisateurs avec le court-métrage Un Jour de Mariage, Elias Belkeddar est revenu en mai dernier sur la Croisette pour présenter […]
Pour ceux qui se font des films en séries
Cinq ans après s’être fait repéré à la Quinzaine des Réalisateurs avec le court-métrage Un Jour de Mariage, Elias Belkeddar est revenu en mai dernier sur la Croisette pour présenter […]
Cinq ans après s’être fait repéré à la Quinzaine des Réalisateurs avec le court-métrage Un Jour de Mariage, Elias Belkeddar est revenu en mai dernier sur la Croisette pour présenter son premier film en séance de minuit, Omar La Fraise. Porté par Reda Kateb, Benoît Magimel et Meriem Amiar, le long-métrage (désormais sorti dans les salles obscures) nous entraîne en plein cœur de l’Algérie, terre d’accueil de deux malfrats devant se faire discrets…
Approfondissant les thématiques abordées dans son court-métrage, Elias Belkeddar soigne son entrée en scène dans le milieu du septième art, adoptant avec style le ton de la tragi-comédie pour dresser le portrait d’un inséparable duo de gangsters en cavale sur le territoire algérien. Ou quand un retour (forcé) au pays amène à une remise en question de ses principes, de son mode de vie, entre spleen et coups d’éclats. Voilà la base d’Omar la Fraise, récit qui conjugue amitié et goût pour l’interdit avec une nonchalance qui lui sied plutôt bien.
Donnant rapidement le tempo d’un drame décomplexé, où les répliques et les excès de violence fusent dans une ambiance bon enfant (l’influence de Tarantino se fait parfois ressentir), ce premier essai se révélait prometteur mais malgré un départ en fanfare, force est de constater que le délire ne tient pas sur la durée, l’intrigue tissée par le cinéaste et ses coscénaristes Jérôme Pierrat et Thomas Bidegain ne sachant plus réellement quelle direction prendre à mi-parcours, tâtonnant pour trouver une porte de sortie au pérégrinations criminelles de notre tandem principal. Devant prendre la poudre d’escampette et quitter la France face au spectre d’une vie sous les barreaux, Omar, accompagné de son frère d’arme Roger, se doivent de se mettre au vert et de commencer une nouvelle vie loin de Paris, loin du monde de la pègre. Mais chassez le naturel, il revient au galop – après une petite traversée du désert tout de même.
De cet exil se met dès lors en place un chant du cygne flamboyant pour ces figures de la pègre qui, en dépit d’une certaine mélancolie retrouvent vite leurs repères dans un microcosme où la tentation est forte. Rester droit dans ses bottes s’avère plus compliqué que prévu pour ces bandits à l’ancienne qui se pensaient les rois du monde, habitués à mené la grande vie. Un existence qui n’était pourtant plus qu’un mirage et pourtant, en cumulant magouilles avec les jeunes des environs ou encore reprise douteuse d’une usine de biscuiterie, nos associés à la vie à la mort ne peuvent s’empêcher de replonger dans leurs vices. Pourtant, malgré la ficelle s’étirant devant nos yeux, dont on devine aisément où elle mènera, les scénaristes tentent de jouer la montre en se perdant sur d’autres chemins, dont celui de la rédemption. Mais, faute d’une structure réellement solide, ces détours affaiblissent le long-métrage, la fougue des débuts laissant place à une certaine monotonie.
Ni les effets clinquants propre à la mise en scène d’Elias Belkeddar ni l’abondance de violence ne parvient à changer la donne, le soufflé retombe malheureusement en fin de parcours. Ne capitalisant pas sur son postulat, Omar la Fraise a pourtant un atout indéniable, la prestation de haut vol des truculents Reda Kateb et Benoît Magimel, attachants dans la peau de ces anti-héros pourtant détestables, se montrant tantôt menaçants tantôt ridicules. Les extravagances de ce tandem complice sont l’attraction du métrage, aidant le public à suivre jusqu’au bout les exactions d’Omar et Roger. N’oublions pas non plus Meriem Amiar, qui parvient à exister face à nos trublions, apportant une certaine fraîcheur dans le rôle de Samia, qui aurait gagné à prendre encore plus de place.
Malgré un duo Reda Kateb/Benoît Magimel complice et la mise en scène stylisée d’Elias Belkeddar, Omar la Fraise s’enlise malheureusement sur les sentiers de la perdition, la faute à un scénario ne tenant pas la distance. N’en reste pas moins un premier essai qui a de la gueule même s’il s’essouffle trop rapidement, introduisant une figure émergente du cinéma français qu’il sera intéressant de suivre.