Tandis que Thor : Love and Thunder a électrisé les salles cet été, l’heure de la conclusion a sonné pour la Phase 4 de l’Univers Cinématographique Marvel, qui se sera étendue sur sept longs-métrages, sept séries et deux ‘specials’ en l’espace d’un an et demi. La tâche d’achever ce chapitre sur grand écran – qui aura fait office de transition après la Saga de L’Infini – a été confiée à Black Panther : Wakanda Forever de Ryan Coogler, un opus à l’aura particulière car devant s’établir sans son principal interprète, Chadwick Boseman…

Après une introduction au cours de Captain America : Civil War, le personnage de Black Panther a volé de ses propres ailes dans un film solo synonyme de succès retentissant – avec plus d’un milliard de dollars de recettes au box office mondial. De quoi laisser présager d’une future place cruciale pour le super-héros et son interprète principal, Chadwick Boseman dans l’échiquier du MCU. Hélas, le destin en aura décidé autrement.

Disparu tragiquement en 2020 des suites d’une maladie, l’acteur a laissé un grand vide dans le cœur des fans et de ses pairs, qui le récompenseront notamment d’un Golden Globe du meilleur acteur pour sa performance dans Le Blues de Ma Rainey, son ultime ouvrage. Une épreuve difficile, qui a nourri le travail du réalisateur Ryan Coogler, bien déterminé à rendre hommage à son ami à travers cette suite de Black Panther. Comment se reconstruire et avancer après une telle perte ? Une interrogation servant de moteur au long-métrage, qui aborde frontalement la question du deuil avec une famille meurtrie et une nation en plein doute suite à l’absence de T’Challa, un fils, un frère, un ami, un roi. De ce contexte pour le moins dramatique, trouver la tonalité adéquat pour saluer la mémoire de l’artiste et de son alter-ego héroïque paraissait ardu mais en restant sincère dans sa démarche, l’équipe créative s’en sort du mieux qu’elle peut.

Par contre, concernant son intrigue, Wakanda Forever part quelque peu à la dérive en se retrouvant pris au piège de courants contraires. Si l’adieu à Chadwick Boseman sonne juste et permet de développer la notion de transmission aussi bien au niveau personnel que protocolaire, notamment via ses proches (Ramona, Shuri, Nakia,…), tout ce qui lui est périphérique manque de solidité, prenant petit à petit l’eau. Laissant poindre une problématique géopolitique intéressante inhérente à la situation inédite dans laquelle se retrouve le pays, devant continuer à exister sans son protecteur, le scénario co-écrit par Coogler et Joe Robert Cole préfère se concentrer sur un conflit larvé se dispersant plus que de raison, atténuant l’impact de celui-ci. En s’éparpillant sur deux heures quarante-et-une, le film montre malheureusement que le temps imparti était bien trop long, amenant à d’évidentes longueurs et redites.

Le potentiel est pourtant là, notamment dans une première heure convaincante, mais une fois semées, les graines de la colère mènent à un affrontement rentrant davantage dans les clous quant à la formule Marvel Studios – l’humour en moins ce qui est déjà ça de pris. Ainsi, ce second volet de Black Panther s’aventure dans les eaux profondes de l’Atlantide, d’où surgit un certain Namor. Incarné par le novice Tenoch Huerta Mejía, le Prince des Mers – dont les origines ont été grandement modifiées – vient se confronter au peuple wakandais pour le meilleur et pour le pire. Faisant figure d’antagoniste ambivalent, le souverain de Talokan se veut une menace sérieuse pour nos protagonistes, mais malgré les batailles et retournements de situation, cette guerre ouverte manque de profondeur et de clarté. D’autant plus lorsqu’il faut penser à l’avenir du MCU, amenant à l’introduction de Riri Williams alias Ironheart ainsi qu’à la présence de Valentina Allegra de Fontaine – qui prend progressivement ses aises depuis Falcon et le Soldat de l’Hiver.

Resserrer l’intrigue et le cadre de Black Panther : Wakanda Forever aurait été plus judicieux, l’intimisme fonctionnant davantage que le grand spectacle, comme le démontre son dernier acte où les scènes d’action sont brouillonnes avec des effets spéciaux laissant encore à désirer – ce qui a été une constante durant cette Phase 4 avec d’innombrables incrustations hideuses. Pour voir le verre à moitié plein, notons une amélioration par rapport au final de son prédécesseur, où les CGI piquaient les yeux en s’approchant d’une cinématique pour consoles next gen. Ryan Coogler maitrise un peu mieux sa mise en scène, il y a une marge de progression. Là où le cinéaste s’en sort avec les honneurs, c’est dans la direction d’acteurs. On ressent la peine de l’équipe créative devant et derrière l’écran, facilitant les instants sensibles. Que ce soit l’excellente Angela Bassett, Letitia Wright, Lupita Nyong’o ou Danai Gurira, toutes apportent de la nuance en matière d’émotion et cela fonctionne à l’écran – sans nécessité d’en faire trop. Les femmes du Wakanda portent avec force cette suite sur leurs épaules. Malgré des hauts et des bas, de nouvelles bases ont été posées – parfois au forceps – et n’y a plus qu’à voir ce que le futur réserve à notre Black Panther maintenant que le passage de flambeau a été effectué.

Devant faire face à une tâche difficile, dire au revoir à son interprète principal, Black Panther : Wakanda Forever se veut un hommage sincère à Chadwick Boseman de la part de Ryan Coogler et de l’équipe du film, apportant une émotion non feinte à une suite malheureusement en demi-teinte, la faute à une intrigue prenant progressivement l’eau malgré des pistes intéressantes.

© Marvel Studios

Laisser un commentaire