[Critique] La Grande Magie, illusions illusoires
Cinq ans après Demain et tous les autres jours, Noémie Lvovsky revient derrière la caméra pour s’atteler à l’adaptation de La Grande Magia, pièce de théâtre du dramaturge italien Eduardo […]
Pour ceux qui se font des films en séries
Cinq ans après Demain et tous les autres jours, Noémie Lvovsky revient derrière la caméra pour s’atteler à l’adaptation de La Grande Magia, pièce de théâtre du dramaturge italien Eduardo […]
Cinq ans après Demain et tous les autres jours, Noémie Lvovsky revient derrière la caméra pour s’atteler à l’adaptation de La Grande Magia, pièce de théâtre du dramaturge italien Eduardo de Filippo et pour s’y faire la cinéaste s’est entourée de Denis Podalydès, Judith Chemla, Sergi López, Rebecca Marder, Damien Bonnard ou encore François Morel. Présenté en avant-première à la vingt-troisième édition de l’Arras Film Festival, le long-métrage nous entraîne dans un hôtel situé en bord mer où un spectacle de magie distrait les clients désœuvrés…
D’humeur badine, Noémie Lvovsky se livre à un exercice de style bon enfant avec La Grande Magie, qui s’amuse à réadapter la pièce d’Eduardo de Filippo afin d’en proposer une transposition musicale intentionnellement désuète empruntant les codes de la comedia dell’arte pour pointer du doigt – sous une douce mélodie – les petits travers du genre humain. En clair, un petit objet filmique se voulant iconoclaste dans sa forme pour mieux nous tromper sur le fond, pour un spectacle tirant profit de sa troupe de comédiens, prompts à la fanfaronnade.
Accompagnée de Florence Seyvos et Maud Ameline à l’écriture, la réalisatrice s’approprie l’essence de l’ouvrage ici porté à l’écran, pour en faire ressortir les arômes les plus parfumés, cherchant ainsi à créer une ambiance enlevée. Au programme de cette représentation théâtrale aux sonorités aériennes, le jeu de dupes s’installant entre un groupe de saltimbanques et les clients d’un hôtel, dans l’extravagance propre aux années 20. Divisé en trois actes, le long-métrage prend un malin plaisir à passer de l’illusion à la désillusion, se concentrant sur les conséquences d’un tour de passe-passe ne se déroulant pas comme prévu.
Passés maîtres dans l’art de l’embrouille, Albert et ses acolytes se plaisent à entourlouper leur public, pour mieux leur en mettre plein la vue. Lorsque le coup de la disparition permet à une femme malheureuse d’échapper à son mari jaloux, le facétieux prestidigitateur va devoir rivaliser d’imagination pour que la situation ne tourne pas au vinaigre pour lui et les siens. Point de départ d’une manipulation insidieuse, dans le but de sauver la réputation de nos magiciens du dimanche face à un homme leur demandant de faire réapparaître sa bien aimée. Conservant la trame originale, cette version revue et corrigée de La Grande Magie tente de se distinguer en se dirigeant la fleur au fusil sur le terrain de la comédie musicale, un choix scénaristique synonyme de saut vers l’inconnu.
Restant constamment sur le fil du ridicule, la partition proposée ne pourra que diviser selon les sensibilités de chacun, les numéros émaillant l’intrigue étant inégaux – malgré les efforts évidents de Feu ! Chatterton pour que le public se laisse embarquer dans le délire de Noémie Lvovsky. Les morceaux composés spécialement par le groupe ont leurs qualités mais ils ne se marient pas toujours avec les intentions d’ordre scéniques, où l’exagération est de mise. De quoi créer un joyeux bordel, finissant par trouver sens. De ces balbutiements artistiques finit par s’opérer le charme, alors que le scénario bifurque de l’insouciance à la mélancolie – non sans une pointe d’ironie – tandis que Charles, ce jaloux de première, se laisse bercer par les mensonges de ses compagnons des mauvais jours.
Ce qui referme le film sur une meilleur note qu’au commencement et permet à nos nombreux pensionnaires de la Comédie Française, Denis Podalydès, de jouer les funambules en oscillant entre pas de danses et élucubrations en toute décontraction. Il n’y a qu’à voir François Morel se prendre pour un cerf pour constater que acteurs et actrices s’éclatent à prendre part à cet ovni musical orchestré par leur réalisatrice.
Malgré quelques fausses notes, la partition jouée par La Grande Magie se révèle agréable à l’oreille, l’enthousiasme de Noémie Lvovsky ainsi que son sens de la fantaisie aidant à se laisser embarquer dans cette adaptation quelque peu barrée de la pièce de théâtre d’Eduardo de Filippo – servie par une troupe ravie d’y prendre part.