Trois ans après Us, Jordan Peele fait son retour derrière la caméra avec Nope, qui comprend au casting Daniel Kaluuya, Steven Yeun, Keke Palmer, Michael Wincott, Brandon Perea ou encore Keith Davis et se centre sur la découverte d’un élément hors du commun par des habitants d’une vallée perdue du fin fond de la Californie…

Elargissant progressivement ses horizons au gré de son exploration du septième art, Jordan Peele s’essaye à un mélange des genres pour sa troisième réalisation, Nope, conviant le fantastique à l’horreur afin de nourrir sa vision de la machinerie hollywoodienne, qui prend corps dans une œuvre nébuleuse dans la pure tradition de La Quatrième Dimension – confirmant la mue du cinéaste en Rod Sterling post-moderne.

Fidèle à lui-même, Peele profite du cadre choisi pour aborder de front des questions sociétales, principalement concernant la cause afro-américaine, offrant une caisse de résonnance différente de Get Out et Us mais toute aussi pertinente avec notamment la thématique de l’invisibilisation – présente dans toutes les strates sociales, le monde du cinéma y compris. S’élabore alors dans l’esprit du réalisateur une entreprise de réappropriation, à travers des codes populaires de cet art dans lequel il s’épanouit depuis quelques années, afin de proposer une odyssée spectaculaire où l’écriture et l’esthétisme se rejoignent pour tenter de marquer les esprits. Le but ici est de démontrer de cette nécessité de mener des batailles, en l’occurrence ici pour prouver sa valeur à une caste élitiste – que ce soit devant ou derrière la caméra. Ce qui se traduit par un combat pour l’honneur, pour la reconnaissance.

Au cœur du récit, les difficultés d’un frère et d’une sœur à reprendre en main leur héritage, à la suite d’un malencontreux accident ayant coûté la vie à leur père, spécialisé dans le dressage de chevaux pour le cinéma et la télévision. Peu considéré par leurs pairs, le duo va faire face à des phénomènes inexpliqués, aux frontières du réel, point de départ d’une quête commune pour OJ et Emerald : lever le voile sur ce qui se trame au-dessus de leur tête et être les pionniers de cette découverte, peu importe les risques. S’engage alors une trame lorgnant du côté du western, avec l’émergence d’un duel au soleil entre nos héros et une force invisible, un simili David contre Goliath dans les vastes plaines désertiques de la Californie. Si l’on pourra regretter que la parabole sur le mirage Hollywoodien ne soit pas plus subtile, car doublement appuyée à l’aide d’une sous-intrigue sur les problématiques d’un système répétant sans cesse ses erreurs – qui alourdit le propos central – dans sa forme Nope se démarque davantage.

Dans ce contexte d’appropriation, Jordan Peele joue au petit malin en apposant sa patte particulière sur des référentiels bien connus de la culture populaire, pour un exercice de style réussi – particulièrement en matière d’ambiance. S’il invoque tout d’abord l’aura Spielbergienne par le biais son concept, proche de Rencontre du Troisième Type, en privilégiant l’aspect humain sur l’échiquier de la science-fiction, ce dernier bascule vers l’horreur alors que la brume se dissipe et que les enjeux du film se précisent. Savamment dosée, cette balance alimente une ultime ligne droite où nos protagonistes cherchent à débusquer cette menace fantôme, qui commet ses atrocités dans l’ombre. Quand l’heure de capturer – sur pellicule – l’essence même de cette entité vient finalement, le scénario enclenche la seconde et fonce sur le terrain de l’épopée, trouvant sa raison d’être dans sa confrontation finale, le spectacle étant au rendez-vous.

Un sens du divertissement maîtrisé, grâce au sens de la mise en scène du réalisateur (et de la sublime photographie de Hoyte Van Hoytema) dont l’inspiration permet des grandes envolées lyriques en terme de construction de séquences – à l’image d’un attaque cauchemardesque tirant sa puissance du hors-champ ou encore d’un jeu du chat et de la souris final cumulant les trouvailles visuelles pour clore cet ovni sur une excellente note. Ajoutons à cela une direction d’acteurs tout en flegme, permettant au tandem Daniel Kaluuya/Keke Palmer de porter le long-métrage sur leurs épaules, bien aidés par leurs camarades de jeu, de Steven Yeun à Michael Wincott.

Avec Nope, Jordan Peele révèle l’horreur brillant sous les étoiles d’Hollywood à travers un objet filmique non identifié qui, à travers ses métaphores (parfois trop appuyées), pointe du doigt un système malsain et inégalitaire.

© Universal Pictures

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