Six ans après La Corrispondenza, le réalisateur italien Giuseppe Tornatore nous revient avec un documentaire, intitulé Ennio qui, comme son titre l’indique, se consacre à l’un de ses compatriotes – […]
Six ans après La Corrispondenza, le réalisateur italien Giuseppe Tornatore nous revient avec un documentaire, intitulé Ennio qui, comme son titre l’indique, se consacre à l’un de ses compatriotes – le compositeur Ennio Morricone – figure emblématique du septième art, qui nous a quitté en 2020.
Bien décidé à rendre un hommage en bonne et due forme à son ami de longue date, Giuseppe Tornatore se met à la baguette d’un documentaire fleuve à la partition soignée, célébrant à la fois l’homme et le prodige de la musique à travers des morceaux de vies (et de bandes originales) – fortifiant ainsi la légende du maestro.
Avec près de cinq cent compositions à son actif, Ennio Morricone a laissé une trace indélébile dans le milieu du septième art, son style avant-gardiste – tout d’abord mal considéré – témoignant d’une signature unique, souvent imitée mais jamais égalée. Comment évoquer le temps d’un long-métrage une carrière qui fût l’une des plus prolifiques de la profession ? Pour s’y faire, le cinéaste s’opère à un mariage de saveurs, mettant en lumière le travail du musicien à travers différents angles, revenant ainsi sur sa faste carrière via une rétrospective le tout accompagnée de témoignages mais surtout d’un entretien avec Ennio en personne. D’habitude si discret, notre homme s’est laissé allé à la confidence devant la caméra de Tornatore, quelques temps avant de disparaître. Un témoignage rare et des plus éclairants pour comprendre les rouages alimentant son processus créatif, conférant ainsi un supplément d’âme à ce documentaire qui, rien que pour cette prise de parole, vaut le coup d’œil.
D’une durée avoisinant les deux heures quarante, Ennio se veut une dédicace à l’artiste, saluant son savoir-faire par le biais d’une rétrospective tentant d’être la plus complète possible, ce qui se révèle une tâche ardue car avec un tel tableau, des choix ont dû être faits quant aux œuvres et périodes abordées. De quoi avoir quelques regrets, notamment concernant la partie francophone de son catalogue, rapidement esquissée alors qu’il y avait beaucoup à dire, mais vu l’ampleur du sujet ces décisions créatives sont compréhensibles et n’entachent en rien le visionnage de ce documentaire, qui n’en reste pas moins très fourni, avec d’excellentes images d’archives venant rappeler de l’importance de son travail, ses partitions étant l’âme des projets auxquels il participait, renforçant ce lien entre l’image et la musique.
Preuve en est (parmi tant d’autres, les exemples sont légions d’un bout à l’autre du long-métrage), sa relation avec Sergio Leone (qu’il a connu à l’école primaire), dont le fructueux pas de deux à donner un coup de fouet au monde du cinéma et plus particulièrement au western spaghetti, le sens de la mise en scène du second étant sublimé par les instrumentalisations expérimentales du maestro. Sa musicalité à nul autre pareil a inspiré bon nombre de cinéastes, puisant dans les notes du chef d’orchestre pour nourrir leur réalisation. D’ailleurs en revenant sur l’éclectisme de ce dernier au gré de ses rencontres et compositions, Ennio montre et démontre de l’indéniable talent de ce chef d’orchestre qui ironiquement ne se destinait pas à une telle carrière, lui qui rêvait durant son jeune âge à une carrière de médecin. Pouvant compter sur une longue liste d’intervenants, de Dario Argento à Bruce Springsteen en passant par Quentin Tarantino, sans oublier lui-même, Giuseppe Tornatore souligne l’impact de Morricone dans le septième art, dans la sphère musicale mais également dans le domaine de la télévision – où il a fait ses armes.
Si l’on aurait pu se passer de quelques interlocuteurs, dont les louanges n’apportent pas de plus-value à cet objet cinématographique, au contraire les anecdotes racontées ci-et-là par ses fidèles collaborateurs agrémentent le tableau dépeint par le metteur en scène, tirant son chapeau à un artiste de génie avec classe. Autre motif de satisfaction, (ré)entendre sur grand écran les titres phares du musicien et découvrir des morceaux moins connus du grand public. Un ravissement pour les oreilles, réaffirmant le savoir-faire unique d’Ennio Morricone, un touche-à-tout totalement dévoué à son art.