Diffusée l’été dernier en Australie, la série All My Friends Are Racist s’est dévoilée au public français, ayant été présentée en avant-première lors du festival Séries Mania à Lille. Chapeautée par Enoch Mailangi et comprenant au casting Davey Thompson, Tuuli Narkle, Elizabeth Cullen, Lisa Kay, Leah Purcell ou encore Damion Hunter, cette comédie se centre sur deux jeunes adultes d’une vingtaine d’années, d’origine aborigène, décidant de dénoncer le racisme ordinaire…

Pour son premier projet en tant que showrunner, Enoch Mailangi s’amuse à mettre face à ses contradictions une société où l’hypocrisie règne en maître, All My Friends Are Racist donnant lieu à une satire plutôt bien sentie qui profite de son format court pour ne pas retenir ses coups.

Composée de cinq épisodes d’une quinzaine de minutes chacun – dont trois ont été diffusés à Séries Mania – la série ne perd pas de temps pour taper dans le vif du sujet, ce format renforçant le rythme chaotique voulu par Mailangi et sa co-scénariste Kodie Bedford – symbole d’une époque où le sens de l’immédiateté fait tourner le monde à une vitesse folle, avec l’avènement des réseaux sociaux et flux d’informations continus. Dans un style bling-bling propre aux millenials, cette génération biberonnée par ces applications telles que Facebook, Twitter et Instagram, l’équipe créative joue la carte de l’irrévérence en se consacrant au parcours de deux colocataires qui, à la suite d’une soirée, vont se mettre à dos leurs amis et provoquer malgré eux le buzz. De descendance aborigène, notre tandem a répertorié tout ce que leur entourage a pu commettre comme fait raciste, que ce soit par leurs paroles ou leurs actes. Des faits d’armes peu glorieux, exposé sur un mur tenu à l’écart des regards – du moins c’est ce que pensaient Casey et Belle – jusqu’à ce que quelqu’un divulgue sur internet cette œuvre secrète. Point de départ des mésaventures de nos inséparables grandes gueules, reines de la réplique cinglantes et des coups d’éclat.

N’hésitant pas à placer le curseur à la limite de la caricature, All My Friends Are Racist dénonce les privilèges à travers le prisme de l’excentricité, ce qui n’est pas toujours des plus fin mais au fur et à mesure des épisodes, cet aspect volontairement ‘over the top’ fait le charme du show. Pour couper court au bad buzz en approche, Casey, influenceur et représentant de la cause Queer, embraye sur une vidéo explicative destinée à sauver la mise, qui a un effet plutôt inattendu sur son quotidien et celui de sa comparse, les présentant sous une nouvelle lumière. Si pour Belle, avocate en devenir, cette mise en avant bouleverse ses plans de carrière, perturbant sa recherche de stage, pour sa moitié, cette exposition lui sert de moteur pour toucher de nouvelles personnes et décupler son influence. Son combat ? s’attaquer à cette problématique du racisme, du privilège blanc ainsi que de la colonisation. En mettant les pieds dans le plat en connaissance de cause, Enoch Mailangi trouve un angle intéressant dans la mesure où l’excès aide à faire passer la pilule. La tonalité absurde employée sert à donner un certain sens aux messages délivrés. Pour preuves, entre autres un numéro d’artiste malaisant démontrant l’appropriation culturelle ou une expérience de ‘décolonisation’ en entreprise, mise en place par une patronne venant de découvrir qu’elle avait 0,001% de sang aborigène.

Des situations ridicules servant à pointer du doigt une réalité sur la multiculturalité de l’Australie, celle-ci s’étant forgée au détriment de son peuple originel, forcée à s’effacer à l’arrivée des colonies successives sur le territoire. Un passé tumultueux, qui se doit d’être rappelé – ce que la jeunesse fait, plus ou moins maladroitement comme l’indique la série – peu importe le ton employé, comme ici la comédie (notons que l’équipe technique est quasiment composée de personnes issues de la culture aborigène). Ce sens de la légèreté fonctionne d’ailleurs bien, avec une atmosphère glam-chic tape à l’œil, que l’on doit à la mise en scène du réalisateur Bjorn Stewart – venant rajouter une couche de superficialité bienvenue à ce délire un brin barré.

Tirant profit d’un format court qui lui va comme un gant, All My Friends Are Racist mitraille à tout va et dénonce via le prisme de l’absurde de nombreuses thématiques actuelles qui vont de la cancel-culture à la woke-culture, du racisme au phénomène du white-savior, pour une satire plaisante à suivre (les épisodes filent à une vitesse folle, ce qui en fait sa force), porté par un tandem Davey Thompson/Tuuli Narkle qui s’éclate à l’écran. Une bonne petite surprise venue d’Australie.

© ABC iview

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