[Critique réalisée en partenariat avec Cinétrafic dans le cadre de l’opération DVDtrafic (un grand merci au site ainsi qu’à l’éditeur 20th Century Studios pour cette collaboration). La fiche Cinetrafic du Dernier Duel, à consulter à […]
Après une absence de quatre ans, Ridley Scott a opéré un retour en force sur grand écran en 2021, nous gratifiant de deux nouveaux longs-métrages à savoir House Of Gucci ainsi que Le Dernier Duel, qui nous accapare ici. Passé plutôt inaperçu lors de sa sortie cet automne, ce drame historique comprenant au casting Adam Driver, Jodie Comer, Matt Damon et Ben Affleck est désormais disponible depuis ce 18 février DVD, Blu-ray et 4k (et depuis le 10/02 en VOD). De quoi pouvoir rattraper ce film nous plongeant dans une France moyenâgeuse marquée par les ravages de la Guerre…
Renouant avec le genre médiéval, qu’il a déjà exploré à travers Les Duellistes, Kingdom Of Heaven ou encore Robin Des Bois, Ridley Scott se livre à un exercice de style maitrisé où les tumultes du passé servent de miroir réfléchissant à des problématiques actuelles, donnant lieu à un drame âpre se destinant à pointer les bassesses de l’Homme. Ainsi, dans un climat de défiance, orgueil et préjugés viennent s’entrechoquer sur l’autel de la violence, pour une œuvre sombrement réussie.
Se situant en pleine Guerre de Cent Ans, le long-métrage relate une histoire véridique, telle que décrite dans Le dernier duel : Paris, 29 décembre 1386 l’ouvrage d’Eric Jager, celle entourant l’ultime duel judiciaire – aussi appelé Jugement de Dieu – s’étant déroulé dans notre pays. Un combat à mort pour l’honneur et la vérité servant de clé de voûte à l’intrigue ici développée par le trio Nicole Holofcener/Ben Affleck/Matt Damon, qui s’attarde sur la notion de perception – pour mieux appréhender les enjeux et donner du corps aux messages véhiculés. Ainsi, de ce qui était au départ le bourgeonnement d’un conflit intestin entre deux frères d’armes se dessine une analyse sur les rapports de domination gangrénant la société.
Un regard critique, nourrissant une réflexion sur la nature humaine et ses bas instincts, trouvant un coffre de résonnance à travers l’escalade de violence venant mettre un terme à l’amitié liant Jean de Carrouges et Jacques Le Gris, jusqu’à un point de non-retour. Entre jeux de pouvoirs et convoitises, les deux hommes s’engagent sur un chemin tortueux teinté de sang, où la victime n’est pas celle que l’on croit. En déconstruisant la linéarité du scénario, Holofcener, Affleck et Damon remettent constamment en perspective ce délitement en se consacrant sur le point de vue de chaque parti au cœur de ce duel judiciaire. Nos deux ennemis en devenir certes mais également Marguerite, la femme de Jean de Carrouges, se retrouvant bien malgré elle au centre de cette guerre d’ego.
De cette division en trois chapitres, Le Dernier Duel puise sa force, avec un sens du détail – aussi bien au niveau de l’écriture que de la mise en scène – aidant à faire du spectateur le seul juge de cette sordide histoire. En privilégiant silences et et jeux de regards, Ridley Scott instaure une atmosphère glaçante où l’ambiguïté est reine, afin de provoquer le malaise. Selon les versions de nos protagonistes, la vérité s’obscurcit et les rapports de force prennent une autre saveur. Mieux encore, ce choix scénaristique se montre pertinent dans sa peinture de la condition féminine, à une période où la femme ne bénéficiait d’aucun statut juridique sans le soutien de son mari. Un manque de considération terrible dans un monde où la misogynie est banalisée, se traduisent à l’écran de manière brutale et ce afin de mieux déstabiliser.
Mission réussie, le parcours de Marguerite se révélant être le point fort du film, son combat pour la justice donnant un réel contrepoids à la rivalité de ces messieurs, qui brillent par leur suffisance, leur soif de pouvoir. Devant la caméra de Ridley Scott, Jodie Comer tient par ailleurs la dragée haute à Matt Damon et Adam Driver, aussi bons soient-ils. De cette partition collégiale de qualité, Le Dernier Duel se dote d’un autre atout de taille. Découvert au format Blu-ray, notons que cette immersion abrupte en période moyenâgeuse est visuellement irréprochable, avec un soin particulier porté aux scènes de batailles présentes ci et là, avec une piste son 7.1 venant renforcer les silences, les coups d’épée, la brutalité. Un portage d’excellente facture.
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