Aux manettes de son premier long-métrage, intitulé La Troisième Guerre, le réalisateur Giovanni Aloi s’intéresse au monde militaire, au travers le quotidien des soldats de l’opération Sentinelle et pour s’y […]
Aux manettes de sonpremier long-métrage, intitulé La Troisième Guerre, le réalisateur Giovanni Aloi s’intéresse au monde militaire, au travers le quotidien des soldats de l’opération Sentinelle et pour s’y faire s’entoure d’une distribution comprenant Anthony Bajon, Leïla Bekhti, Karim Leklou, Arthur Veret, Jonas Dinal, Raphaël Quenard ou encore Esdras Registe.
Avec La Troisième Guerre, Giovanni Aloi fait planer le spectre du terrorisme sur un thriller paranoïaque sachant ménager ses effets, mêlant examen de conscience et peinture d’une France traumatisée, le tout par le biais d’une immersion plus ou moins prenante au sein du corps militaire – où derrière la rigueur propre à la fonction, se cache des doutes ainsi que des failles.
Film d’atmosphère avant tout, cette première œuvre se repose sur cette menace invisible pouvant frapper à tout moment, instaurant un climat anxiogène pouvant dénaturer nos repères du quotidien, que ce soit nos lieux de vies, notre état d’esprit. Une réalité de ce monde post-2015, qui transparaît dans le travail du réalisateur et de son co-scénariste Dominique Baumard, qui dépeignent dans leur script les colères et frustrations que peuvent susciter une telle situation, ce flou lui étant propre venant perturber notre perception des choses. Ainsi, présent en filigrane, ce sentiment d’instabilité s’immisce subrepticement dans tous les ports du métrage, pour mieux nous amener sur le terrain du drame.
Ce danger impalpable est ce qui fait la force de La Troisième Guerre, l’attente d’une probable attaque étant dans les esprits des hommes et femmes affectés à l’opération Sentinelle. Leurs déambulations hebdomadaires dans les rues de la capitale s’apparentent à la traversée d’un champ de mine, nos soldats devant constamment être sur le qui-vive à chaque pas, toute personne, tout objet pouvant être suspect. Une urgence permanente qui réclame un sang-froid à toute épreuve, les réactions en chaînes émanant de décisions prises sous le coup de l’émotion pouvant amener au pire. Sur ce point-là, Giovanni Aloi et Dominique Baumard visent juste, les rondes parsemant le long-métrage ne manquant pas de rappeler la difficulté à appréhender des cas de figures tels qu’un sac abandonné ou un véhicule suspicieux. Face à une pression de tous les instants, provenant également des rapports avec la population ou les forces de l’ordre, garder la tête froide est un défi.
Si l’on pourra regretter des passages quelque peu clichés et faiblards dès lors que l’on entre au sein de la caserne, le virilisme ainsi que la rigidité du fonctionnement militaire servent à nourrir l’analyse développée par le metteur en scène, à savoir que malgré la camaraderie et l’encadrement, les troubles de chacun ne sont parfois pas décelables sous l’uniforme. La psychologie est de ce fait le second élément clé abordé par le scénario, qui prend corps dans le parcours de trois personnages, Corvard, Hicham et leur supérieur Yasmine, exploités à des degrés divers mais interprétés avec intensité par Anthony Bajon, Karim Leklou et Leïla Bekhti, tous excellents. De la solitude en passant par l’adversité, surlignée avec pertinence en pointant du doigt l’épreuve pour une femme de s’imposer dans un milieu masculin, nos protagonistes ont leurs problèmes personnels à régler en plus de devoir assurer la protection de la population.
Ce conflit interne et intime, devant rester en sommeil, prend alors progressivement de la place dans l’intrigue et – telle un cocotte-minute – se réveille de manière bouillonnante dans un dernier acte tendu, qui vient achever le film sur une note sombre, où l’humain se voit déstabilisé, fracturé, désabusé. Une intensité grimpant en crescendo, qui doit une part de sa force à la réalisation de Giovanni Aloi, qui a su instaurer cette ambiance paranoïaque de part sa mise en scène, les rues de Paris étant filmés sous un jour particulier, avec une photographie grisâtre et des plans larges se resserrant graduellement, enfermant les personnages dans un cadre qui devient peu à peu étouffant. L’image répond au texte et cette association vient nourrir le propos de La Troisième Guerre, où la défiance est de mise.
Malgré quelques défauts, Giovanni Aloi ne démérite pas pour sa première opération au commandement d’un long-métrage, La Troisième Guerre sachant être un drame immersif parvenant à aborder avec tact les traumatismes liés au terrorisme, le tout à travers une étude de personnages réalistes, devant sa qualité à son atmosphère paranoïaque et à la prestation de son trio principal – en particulier Anthony Bajon, qui prend du galon niveau jeu.