Après plus d’un an et demi d’absence, la série britannique Sex Education, conçue par Laurie Nunn, a finalement effectué sa rentrée sur la plateforme Netflix pour une troisième saison, nous ramenant dans les couloirs du lycée de Moordale en compagnie d’Asa Butterfield, Gillian Anderson, Emma Mackey, Ncuti Gatwa, Connor Swindells, Aimee Lou Wood, Kedar William-Sterling, Mimi Keene, Alistair Petrie et leurs autres camarades, pour un nouveau semestre pour le moins survolté.

Alors qu’elle s’était faite attendre, la pandémie de COVID-19 repoussant son tournage de plusieurs mois, il est enfin temps de se replonger dans l’univers de Sex Education avec cette troisième salve de huit épisodes, qui approfondit ses thématiques sentimentales afin de se diriger pas à pas vers l’ère de la maturité – tout en conservant une part d’irrévérence, qui est tout de même l’une des marques de fabrique de la série depuis ses débuts. Le tout pour une saison transitoire qui parvient à éviter l’essoufflement.

Si les fameuses sessions tenues par Otis et Maeve sont devenus de l’histoire ancienne, la saison 2 ayant mis fin à l’élément fondateur du drama adolescent, la sexualité continue d’être l’un des piliers de la création de Laurie Nunn, servant de moteur à la quasi-intégralité des intrigues développées. Entre légèreté et pédagogie, la showrunneuse et son équipe de scénaristes n’oublient pas cette valeur cruciale et se montrent toujours aussi pertinents et pragmatiques lorsqu’il s’agit d’évoquer ces sujets, qu’il soit question de rapports intimes ou d’identité sexuelle, évoquant notamment la non-binéarité avec l’arrivée du personnage de Cal (interprétée par l’artiste Dua Saleh, elle-même non-binaire, qui trouve ici son premier rôle), qui va se frotter aux idées conservatrices de la nouvelle proviseure de Moordale, Hope Haddon – incarnée par Jemima Kirke (Girls) – qui est bien décidée à redorer la réputation de l’établissement, surnommée – à raison – “l’école du sexe”. Une prise de fonction qui va gagner en intensité au fur et à mesure que les épisodes avancent, la bienveillance du départ cachant rapidement de plus sombres objectifs, l’ouverture d’esprit n’étant plus la norme, la neutralité devenant un artifice pour faire rentrer les élèves dans un moule. En gommant toutes les aspérités propres à la différence et en prônant l’abstinence, nos lycéens font grise mine – et on les comprend. La rébellion n’est pas loin, la mise en place de cet affrontement idéologique entre la directrice et ses élèves amenant à une réflexion sur la liberté d’expression ainsi que sur la difficulté à concevoir un programme d’éducation sexuel ouvrant à la discussion, à la compréhension.

Outre les affaires sociétales accaparant nos élèves, cette troisième saison met un point d’orgue à mettre notre joyeuse troupe face à leur contradictions, pour une étude de personnages destiné à amener chacun à la maturité. Ainsi, si le sexe est toujours présent en filigrane, Laurie Nunn se concentre davantage sur les sentiments et nous montre que grandir et s’affirmer peut faire mal. De ce fait, l’humour se fait plus discret – hormis durant un voyage en France où le trait se veut forcé avec une séquence lunaire un peu bas de plafond – pour laisser place à l’émotion, ce qui n’est pas pour déplaire. Car il y avait à faire avec les relations laissées en suspens précédemment entre le statu quo entre Otis et Maeve – que l’on doit aux manigances d’Isaac (Georges Robinson) – ainsi que le couple naissant Eric/Adam, sans oublier la grossesse surprise de Jean qui rebattait les cartes quant à son histoire avec son ex Jacob. Un mic-mac dont il a fallu dénouer les nœuds en l’espace de huit épisodes et qui possède son lot de surprises et de déceptions. Comme nous le craignions, concernant notre duo de cœur, les scénaristes se reposent une fois de plus sur des ressorts classiques, avec une propension à cumuler les obstacles pour retarder l’inévitable, cette romance tant attendue. Si l’on a le droit à une véritable avancée, Otis et Maeve ont encore une épreuve à traverser avant que l’on puisse voir à quoi pourrait ressembler une possible vie de couple. D’ailleurs, ce défaut d’écriture se réfléchit sur l’intrigue concernant Jean et Jacob, avec de nouveaux coups durs venant mettre à mal cet espoir de fonder une famille recomposée unie.

Si tous les espoirs étaient également permis pour le tandem Eric/Adam, leur évolution s’apparente à des montagnes-russes, leur amour balbutiant étant synonyme de sensibilité, ce qui dans ce cas précis est bien pensé. Car si le premier est impatient de s’assumer et de naviguer dans son univers, pour le second, l’adaptation n’est pas si simple, permettant de donner du relief à cette question de l’affirmation. Après la quête rédemptrice, notre ancien harceleur s’engage vers une introspection salutaire, l’amenant – plus ou moins maladroitement certes – à améliorer sa condition personnelle aussi bien dans le cadre public que dans la sphère privée. Si les déconvenues sont sur son chemin, notre jeune adulte se dirige vers la bonne direction. Notons d’ailleurs que cette année, nos scénaristes se sont donné le mot pour appuyer sur les failles de nos protagonistes pour mieux venir alimenter cette atmosphère dramatique et approfondir leur caractère. Ce que l’on constate entre autres dans la mise en avant de Ruby qui, après avoir révélée une autre facette la saison dernière, prend la lumière et se démarque, montrant que derrière ce côté pimbêche se cache une jeune fille plus touchante qu’il n’y paraît. Globalement, la majorité notre galerie de personnages gagne en épaisseur à travers diverses intrigues, qu’elles soient familiales pour Maeve ou plus personnelles pour Lily, dont la passion pour la science-fiction est remise en cause ou encore Michael Groff, remontant la pente en apprenant à se connaître et à analyser ses troubles passés pour pouvoir apprendre à avancer.

Si tout le monde n’a pas le droit à la même exposition, ce qui est souvent le problème dans un ‘ensemble cast’, le nouvel équilibre apporté par Laurie Nunn et ses auteurs permet à la série de ne pas trop jouer la redite, restant ainsi rafraîchissante. Consciente qu’il ne faut pas rester sur ses lauriers et se conforter dans une sorte de cocon, ce qui pourrait rapidement nuire à la qualité de sa création, la showrunneuse dissémine des pistes confirmant que nous sommes dans une phase transitoire, Sex Education s’apprêtant à entrer à l’âge adulte avec un nombre conséquent de changements. Où retrouverons-nous Otis, Maeve, Eric, Adam et leurs amis lorsque la quatrième saison débutera ? Les possibilités sont nombreuses.

Avec sa troisième saison, Sex Education ne déçoit pas, ses quelques défauts structurels ne venant pas perturber outre mesure l’efficacité globale de cette nouvelle salve d’épisodes. Si les déboires sexuels et sentimentaux de nos adolescents débordant d’hormones continuent de faire le sel de la série, apprécions que Laurie Nunn poursuive son travail d’approfondissement avec une thématique forte en fil rouge, celle de l’affirmation de soi.

© Netflix

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