Quatre ans après Blade Runner 2049, Denis Villeneuve s’attaque à un autre classique de la science-fiction, Dune, pour en proposer non pas une suite mais une relecture, nous invitant de nouveau à voyager au sein de l’Imperium aux côtés de Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac, Zendaya, Josh Brolin, Charlotte Rampling, Stellan Skarsgård, Jason Momoa, Dave Bautista ou encore Javier Bardem.

Réputé comme inadaptable, le roman fleuve écrit par Frank Herbert, oeuvre culte de la littérature S-F a toujours donné du fil à retordre aux cinéastes s’essayant à l’adapter. Après la tentative infructueuse d’Alejandro Jodorowsky dans les années 70 puis le long-métrage de David Lynch en 1985 – qui fût malheureusement un semi-échec à l’époque – l’heure est finalement venue pour un nouveau réalisateur de se frotter à cet exercice périlleux. Fort de son expérience dans ce domaine, avec Premier Contact puis Blade Runner 2049, Denis Villeneuve s’attèle à livrer sa version de l’épopée messianique de Paul Atréides et nous invite à monter à bord d’une machinerie bien huilée, destinée à nous en mettre plein la vue. Le metteur en scène est-il parvenu à surmonter les épreuves se mettant sur son chemin et à imposer sa patte sur le récit qui s’offre à lui ? Plus ou moins.

Avec Dune, Denis Villeneuve prend le contre-pied de la démarche de David Lynch, préférant retranscrire avec minutie la trame développée par Frank Herbert, quitte à tenter un coup de poker en ne se concentrant que sur une partie du roman – qui donnera lieu à une suite uniquement en cas de succès au box office mondial (ce qui semble bien parti vu les premiers retours). Une démarche artistique permettant au réalisateur de clarifier les enjeux et de se montrer didactique dans le détricotage des différents nœuds de l’intrigue, afin de faciliter la compréhension de son auditoire quant à ce qui se déroule devant leurs yeux – le public se partageant entre connaisseurs et néophytes. En simplifiant sa grille de lecture et en prenant le spectateur par la main, le risque de se montrer ronflant était élevé pour notre chef d’orchestre, d’autant plus lorsque le métrage dure près de 2h40. Alors, si l’on peut parfois trouver le temps long, principalement dans un dernier acte qui aurait mérité d’être raccourci voir coupé pour le second opus, dans l’ensemble, nous nous laissons embarquer dans ces luttes de pouvoirs intergalactiques.

En se consacrant avant tout sur la chute de la Maison Atréides, le réalisateur ainsi que ses co-scénaristes Eric Roth et Jon Spaihts instaure un sens de la tragédie à une aventure poussiéreuse et épique, ce qui n’est pas pour déplaire. Si le ton est solennel, insufflant de ce fait une certaine froideur – qui peut parfois venir diminuer l’impact émotionnel de diverses séquences – il est à noter que l’on ne reste pas de marbre face au drame se nouant progressivement sur l’autel du capitalisme. Sur l’échiquier de l’Imperium, chaque pion se positionne, avant qu’une attaque ne viennent chambouler la partie, que ce soit l’empereur, les Maisons Atréides et Harkonnen ainsi que l’ordre du Bene Gesserit et les Fremen. Au cœur des préoccupations de tous, l’exploitation de la planète Arrakis et la commercialisation de l’Epice, substance ô combien cruciale au sein de la galaxie, dont la gestion vient d’être confiée au duc Leto Atréides.

En se partageant entre les conflits politiques émanant de cette mission et le rôle prophétique du fils du duc, Paul, Dune nous prépare à la guerre à venir dans le désert d’Arrakis. Ainsi, avant d’assister à l’ascension de notre héros, qui fera office de messie dans un futur proche aux côtés des Fremen, l’idée est de consacrer ce premier opus à la fin d’un monde, celui des Atréides. En perdant ceux qui lui sont chers et en devant fuir pour espérer survivre, se dessine la perte de l’innocence de notre futur leader, devant faire face à un destin hors-normes qui le dépasse. Perdu au milieu de cet enfer de sable aux côtés de sa mère, Paul s’engage sur un chemin iniatique qui le changera à jamais, restant encore à découvrir.

Si les pistes quant à l’avenir viennent parfois étirer inutilement l’épais récit qui se joue à l’écran – avec notamment des visions succinctes de Zendaya dignes d’un spot de pub pour produit de luxe – ce teasing donne de l’espoir quant à un deuxième volet qui pourrait permettre à Denis Villeneuve de lâcher la bride et d’embrasser le côté épique de l’oeuvre de Frank Herbert. En tout cas, si au niveau de l’action, il lui reste une belle marge de progression, le réalisateur réussi tout de même à nous immerger dans l’univers S-F qu’il dépeint grâce à son soin pour les décors grandeur nature et son sens de la mise en scène, qui aident à croire en cette odyssée sur Arrakis.

Si quelques réserves sont de mises quant aux choix scénaristiques effectués, cette relecture de Dune par Denis Villeneuve démarre sous de bons auspices, proposant une épopée intimiste à l’esthétique épurée du plus bel effet. La S-F ne s’en voit pas révolutionnée mais le travail du réalisateur n’en reste pas moins solide, l’immersion étant au rendez-vous. Portée par un casting quatre étoiles, duquel se démarquent le trio Timothée Chalamet/Rebecca Ferguson/Oscar Isaac, cette introduction à l’univers de Frank Herbert est plaisante à suivre – malgré ses quelques errances au niveau du découpage de son intrigue. Maintenant que les pions sont placés, Denis Villeneuve a une large marge de manœuvre pour clôturer comme il se doit le chapitre des aventures de Paul Atréides.

Warner Bros.

Laisser un commentaire