[Critique] Possessor, corps étranger
Neuf ans après Antiviral, Brandon Cronenberg repasse derrière la caméra pour son deuxième long-métrage, intitulé Possessor et présenté en avant-première lors de la dernière édition en date du Festival du […]
Pour ceux qui se font des films en séries
Neuf ans après Antiviral, Brandon Cronenberg repasse derrière la caméra pour son deuxième long-métrage, intitulé Possessor et présenté en avant-première lors de la dernière édition en date du Festival du […]
Neuf ans après Antiviral, Brandon Cronenberg repasse derrière la caméra pour son deuxième long-métrage, intitulé Possessor et présenté en avant-première lors de la dernière édition en date du Festival du Cinéma Fantastique de Gérardmer. Comprenant au casting Andrea Riseborough, Jennifer Jason Leigh, Christopher Abbott, Tuppence Middleton et Sean Bean, ce thriller S-F nous introduit à une organisation secrète utilisant une technologie neurologique révolutionnaire pour commettre ses exactions…
S’il continue de suivre le chemin tracé par son paternel, Brandon Cronenberg esquisse petit à petit son propre style en se dirigeant vers un cinéma plus expérimental, ce qu’il nous prouve ici avec Possessor qui nous plonge dans un univers où science-fiction et horreur s’entremêlent, pour un résultat viscéralement sanglant.
D’une qualité supérieure à son précédent essai, Antiviral, ce second long-métrage de Cronenberg fils repose sur un postulat intriguant où un implant neurologique permet de posséder le corps de n’importe quel être humain. Une technologie utilisée à mauvais escient par une nébuleuse organisation, qui s’en sert à des fins criminelles en envoyant des tueurs à gages parasiter des inconnus afin de réaliser leurs crimes en toute impunité avec l’assurance de ne pas se faire prendre et de laisser leurs hôtes porter le chapeau. Un plan diaboliquement efficace, témoignant d’une société déshumanisée. Cette thématique de la désincarnation est d’ailleurs ce qui préoccupe le scénariste et réalisateur en premier lieu, plus que l’aspect technologique et futuriste – qui est vite relégué au second plan. Resserrant son récit sur le tumulte intérieur de son personnage central, Tasya Vos, au cours d’une de ses missions, Possessor se révèle être un exercice de style visuellement cauchemardesque.
Si l’on peut regretter une structure narrative s’articulant sur un seul axe, balayant d’un revers de la main tout ce qui tourne autour de l’univers présenté – à l’image du fonctionnement global de l’entreprise nous accaparant ici – on reconnaît que ces choix et ces balbutiements scénaristiques ne gênent pas outre-mesure le déroulement du film puisque l’idée est de mettre en place une atmosphère malsaine, déroutant pour une expérience avant sensorielle. Alors que Tasya envahit le corps de Colin, un pion servant à mieux assassiner son futur beau-père, la situation dégénère et bascule dans un déchaînement de violence. Ainsi, ce qui prévaut est la perte de contrôle progressive de notre tueuse durant une assignation à priori simple se transformant en combat cérébral entre l’hôte et le parasite. Une entité, deux esprits et une dichotomie servant de miroir à une analyse sur une société où l’humain n’est plus considéré, devenu une variable insignifiante aux yeux des grands de ce monde, qui n’hésitent à violer leur intimité, leur enveloppe à des fins peu enviables. Une réflexion pertinente qui se traduit par une bataille mentale pour reprendre le pouvoir, où l’envie de vivre et le désir de la mort se confondent sous fond de pulsions meurtrières.
Porté par un tandem Andrea Riseborough/Christopher Abbott convaincant, avec une prestation complémentaire épousant la dualité symbolisant le propos du film, Possessor vaut surtout le coup d’œil pour la mise en scène inspirée de Brandon Cronenberg. Le réalisateur trouve dans la ‘body horror’ de quoi alimenter sa soif d’expérimentation et cela se ressent avec un soin particulier porté au corps. Au travers de séquences tantôt métaphoriques, tantôt explicites, Cronenberg s’amuse à déconstruire cette coquille vide qu’est l’enveloppe corporelle, avec une certaine dose d’hémoglobine à la clé. Un spectacle organique visuellement dérangeant qui est l’atout principal du long-métrage car s’évertuant à nous happer dans un trip hallucinatoire, ce qui fonctionne grâce à un montage haché, illustrant cette perte des réalités et une photographie léchée de Karim Hussain, qui joue avec les couleurs pour mieux nous déstabiliser. Comme les protagonistes, nous finissons désorientés, l’effet recherché.
Avec Possessor, Brandon Cronenberg commence à trouver sa voie et s’affranchit de l’ombre de son père pour nous livrer un thriller horrifique qui ne manque pas de panache – ni d’effets gore – se questionnant à raison sur la déshumanisation progressive de notre société. Expérience visuelle à part entière – ce qui nous fait regretter que le scénario ne soit pas plus travaillé – ce voyage en corps inconnu est clairement malaisant, dans le bon sens du terme. Pour le réalisateur, il y a une marge de progression depuis Antiviral, ce qui est encourageant pour la suite de sa carrière.