Un an après Une Affaire De Famille, auréolé de la Palme d’Or à Cannes, le réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda s’offre une parenthèse internationale en tournant son premier long-métrage français, intitulé […]
Un an après Une Affaire De Famille, auréolé de la Palme d’Or à Cannes, le réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda s’offre une parenthèse internationale en tournant son premier long-métrage français, intitulé La Vérité, réunissant au casting Catherine Deneuve, Juliette Binoche, Ethan Hawke, Ludivine Sagnier, Manon Clavel, Alain Libolt, Christian Crahay ou encore Clémentine Grenier, nous faisant suivre les retrouvailles d’une mère, icône du cinéma, avec sa fille et sa famille à l’occasion de la sortie de ses mémoires…
Avec La Vérité, Hirokazu Kore-eda poursuit son exploitation de la sphère familiale et livre une comédie dramatique singulière et intimiste, s’amusant du monde du septième art.
Pour son expérience francophone, le réalisateur ne perd pas de sa superbe et prolonge sa thématique phare, en se concentrant cette fois sur la relation particulière entre une mère et sa fille, régie par les non-dits et rancœurs. Kore-eda concocte des retrouvailles rondement menées entre les deux femmes, Fabienne et Lumir, qui vaut le coup d’oeil pour son scénario et ses dialogues soignés, qui laisse la part belle à ses comédiens.
La frontière entre la réalité et la fiction est on ne peut plus fine dans La Vérité, qui permet à Kore-eda de disséquer les relations humaines en même temps que de proposer une mise en abîme du milieu du cinéma, non sans ironie, ce qui procure le charme du long-métrage. Ainsi, nous assistons à une réunion de famille qui a des allures de règlements de comptes, mère et fille ayant sur le coeur un bon nombre de problèmes non résolus, que la sortie des mémoires de la première va exacerber, ceux-ci étant emprunts de mensonges.
La bonne idée de Kore-eda est de présenter cette confrontation avant tout sous le ton de la légèreté et du cynisme, privilégiant les répliques piquantes entre les différents membres du cercle, qui s’envoient critiques et reproches pour un ping-pong verbal savoureux. Bien entendu, l’émotion n’est pas oubliée mais elle est diffusée sensiblement, apparaissant au fur et à mesure que l’image de Fabienne se fissure et que les vérités éclatent au grand jour, invoquant les fantômes du passé.
Le réalisateur japonais agrémente son long-métrage d’une dose d’ironie sur le microcosme du cinéma, en nous présentant sous son oeil averti l’envers du décor, pour une mise en abîme sur ce milieu où règnent les egos des uns et des autres et où la jalousie fait rage, à l’image de la rivalité entre Fabienne et Manon, étoile montante comparée à notre doyenne, les deux symbolisant l’ancienne et la nouvelle génération. Le septième art se fait gentiment égratigné.
Au niveau de la distribution, on peut dire sans conteste que le film est taillé sur-mesure pour Catherine Deneuve, l’actrice étant la figure de proue de l’intrigue, tout le monde gravitant autour de son personnage, Fabienne, égérie du cinéma hexagonal. Ironisant sur son image, elle incarne avec truculence cette comédienne, imbue de sa personne et refusant de se voir vieillir, aussi bien dans le cercle intime que dans le milieu professionnel. Enchaînant les saillies verbales, pour le plus grand plaisir du spectateur, celle-ci joue de son image et se délecte de la partition qui lui est offerte.
Deneuve est clairement l’atout principal de La Vérité et Juliette Binoche parvient à lui tenir la dragée haute dans la peau de cette fille blessée, qui éprouve des sentiments contradictoires quant à son modèle parental, entre haine et admiration, ce qui renforce la complémentarité de leur tandem. Face à elles, le reste du casting parvient à tirer son épingle du jeu, de la simplicité d’Ethan Hawke à la révélation de Manon Clavel, qui renforce le capital sympathie du film.
Le réalisateur met ses comédiens en valeur et le décor sert d’écrin à leur performance, entre le manoir familial, lieu principal des exactions des personnages, renforçant l’aspect intimiste de leurs échanges, les plateaux de tournages bondés qui sont mis en contraste avec la solitude propre aux acteurs. La photographie et l’importance donnée aux couleurs automnales ajoutent une dose de poésie, appuyant sur le crépuscule de la vie et de la carrière de Fabienne.
Avec La Vérité, Hirokazu Kore-eda réussit son expérience française et ne se dénature pas, perpétuant l’analyse de ses thématiques fétiches. Dressant le portrait d’une famille dysfonctionnelle, tiraillée entre les mensonges et les non-dits, le réalisateur s’amuse avec les frontières du réel et du septième art pour un jeu de miroir savoureux porté par une distribution au diapason.