Après près de quatorze années de développement, Guillaume de Fontenay est parvenu à réaliser son premier long-métrage, Sympathie Pour Le Diable, l’adaptation du roman éponyme du reporter de guerre Paul […]
Après près de quatorze années de développement, Guillaume de Fontenay est parvenu à réaliser son premier long-métrage, Sympathie Pour Le Diable, l’adaptation du roman éponyme du reporter de guerre Paul Marchand, revenant sur sa couverture du siège de Sarajevo aux débuts des années 90. Comprenant au casting Niels Schneider, Ella Rumpf et Vincent Rottiers, le metteur en scène nous plonge dans le quotidien chaotique de la capitale durant ce conflit…
Avec Sympathie Pour Le Diable, Guillaume de Fontenay nous bouscule en nous immergeant dans l’enfer de la guerre et sa dure réalité.
L’effervescence est de mise aussi bien dans le scénario que dans la réalisation de ce premier film, qui est dans une tension permanente, inhérente au cadre spatio-temporel de l’intrigue. Nous devenons les témoins, tout comme Paul Marchand, de l’horreur de ce conflit opposant le peuple bosniaque aux forces serbes et suivre ses déambulations au sein d’une Sarajevo paralysée, détruite, déserte est l’une des forces du long-métrage, cet état de siège et cette atmosphère âpre propre à cette soufrière faisant son effet, glaçant le sang du spectateur.
Incarné par un impeccable Niels Schneider habité par son rôle et réussissant à être proche de la frénésie habitant son modèle, Marchand est la figure de proue de Sympathie Pour Le Diable, véritable acteur des événements du film. Si celui-ci est basé sur son livre et que l’homme a collaboré à l’élaboration du scénario de son vivant, ce dernier ayant été écrit par Guillaume de Fontenay, Jean Barbe et Guillaume Vigneault, le portrait de ce correspondant de guerre au caractère bien trempé et ne manquant pas de témérité est dressé de manière cohérente et sans fards, n’en faisant pas un héros et montrant ses bons comme ses mauvais côtés, ajoutant ainsi une dose d’ambiguïté qui ne dénature pas dans ce climat pesant.
Ce regard si particulier de Paul Marchand sur son environnement, ce dernier déambulant entre les morts, n’hésitant pas à braver les interdits pour être au cœur du conflit et ainsi attester de la véracité de la situation, permet surtout de constater le désastre qu’a été cette guerre en Bosnie-Herzégovine aussi bien au niveau humain que politique. “Tout ça sous le regard impassible de la communauté internationale.”, phrase martelée par notre personnage principal en conclusion de ses reportages, ne faisant que renforcer le malaise ambiant quand on sait que ceci n’est que la triste vérité. Cette notion est d’ailleurs le propos du long-métrage, nous présentant les faits dans leur plus simple appareil, aussi cru soit-il, symbolisée par le journalisme de terrain.
Bien entendu, tout n’étant ni blanc ou noir, la zone de gris englobant l’intrigue permet de constater le rapport de certains reporters et organes de presse avec cette fameuse réalité, cherchant à la travestir pour leur audience. Un point pertinent et malheureusement toujours d’actualité, de même que l’inaction des grandes instances, l’ONU en tête, face à un contexte conflictuel, un constat amer qui ne change pas avec les décennies.
Ce branle-bas de combat est parfaitement représenté à l’écran par la réalisation de Guillaume de Fontenay qui, caméra au poing, nous embarque à tombeau ouvert dans l’horreur de la guerre. Cette mise en scène viscérale, au plus près de l’action et de ses personnages, appuyée par le format 1:33, ajoute une plus-value non négligeable dans notre immersion, suivant avec appréhension cette balade entre les morts et les gravats, ponctuées de séquences prenantes et électrisantes à l’image de l’introduction sous les bombardements ou celle où les journalistes sont pris sous le feu allié et ennemi. Cette effervescence et cet état d’urgence est omniprésent, que ce soit à travers le parcours tumultueux de Paul Marchand, de la plongée dans les salles de rédaction, de la violence propre au conflit. Même lorsque sa caméra se pose, Guillaume de Fontenay se joue du calme ambiant pour surprendre et nous montrer que la mort rôde partout et que n’importe qui peut en être la victime. Glaçant. Cette atmosphère si froide se ressent également avec cette photographie grisâtre, ces décors déserts et immaculés de neige.
Avec Sympathie Pour Le Diable, Guillaume de Fontenay marque les esprits, proposant un film implacable, nous emmenant avec effroi au cœur du siège de Sarajevo, nous exposant sans compromis la triste réalité de ce conflit, où l’inhumanité règne en maître. Porté par un Niels Schneider impressionnant dans la peau de Paul Marchand, secondé par une Ella Rumpf et un Vincent Rottiers investis, ce reportage au bout de l’enfer ne laissera pas indifférent. Une première oeuvre puissante.
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