Deux ans après co-réalisé Les Mitchell contre les Machines, Jeff Rowe s’associe à Kyler Spears pour mettre en boîte une nouvelle adaptation animée des Tortues Ninja. Produite par Seth Rogen […]
Deux ans après co-réalisé Les Mitchell contre les Machines, Jeff Rowe s’associe à Kyler Spears pour mettre en boîte une nouvelle adaptation animée des Tortues Ninja. Produite par Seth Rogen et Evan Goldberg, cette relecture intitulée Ninja Turtles : Teenage Years, comprenant au casting vocal français Gérard Darmon, Alïs Agaësse-Mahieu, Kylian Trouillard, Jean-Stan du Pac, Sofiane Zermani, Alison Wheeler ou encore Jaynelia Coadou, nous ramène aux débuts de nos reptiles dans le milieu super-héroïque…
Depuis leurs premiers pas dans l’univers des comics, en 1974, Les Tortues Ninja aura su se faire une place de choix dans le cœur du grand public, la création de Kevin Eastman et Peter Laird s’épanouissant sur tous les médias à sa disposition. Avec pas moins de quatre séries et sept longs-métrages produits en près de quatre décennies, nos justiciers de l’ombre ont eu l’espace nécessaire pour marquer la pop culture et bercer plusieurs générations. Parmi les fans de nos reptiles experts en arts-martiaux figure Seth Rogen, qui est ici à l’origine de ce nouveau reboot animé, en tant que producteur aux côtés de son comparse Evan Goldberg.
Pour mener à bien leur version, le tandem a confié leur bébé à Jeff Rowe qui, accompagné de Kyler Spears, se lance avec frénésie dans une origin story visuellement stylée – servant d’écrin de choix à une adaptation remettant au goût du jour la mythologie initiée par Eastman et Laird. Avec Ninja Turtles : Teenage Years, nous revenons ainsi à l’époque charnière où Leonardo, Michelangelo, Donatello et Raphaël se mettent en tête de s’extirper de leur tanière – où plutôt de leur égout – pour se frotter au monde des humains et tenter de faire régner un semblant d’ordre dans les ruelles de New York en venant en aide discrètement à leur prochain. Pas simple de sortir de sa carapace, surtout lorsque l’on est animal devenu anthropomorphe à cause d’un agent mutagène.
En accentuant davantage leur récit sur cet âge ingrat qu’est l’adolescence, une période difficile (surtout quand on essaye de combattre le crime), l’équipe créative se montre à destination d’un public actuel et de ce fait multiplie les appels du pied à la génération z pour les attirer dans leurs filets. Une démarche qui va de pair avec cette volonté de modernité, mais qui paradoxalement limite la portée universelle des messages délivrés sur l’acceptation de soi et le regard des autres. Doser l’utilisation de références aurait été judicieux, ceux-ci alourdissant la trame avec cet incessant name-dropping qui, hormis pour L’Attaque des Titans, n’a pas réellement d’intérêt scénaristique. Sur ce point, laisser le temps au pouvoir de la suggestion aurait été préférable, surtout pour démontrer de la difficulté de l’intégration dans la société.
Une question centrale, qui se traduit ici dans le rapport de notre quatuor à leur camarade April O’Neil, ici lycéenne apprentie journaliste devant affronter ses angoisses de même qu’à leur tout premier ennemi, Superfly. Une mouche mutante qui permet d’apporter du contenu à la condition de Leonardo, Michelangelo, Donatello, Raphaël et leur rapport à l’Homme. De quoi alimenter un conflit moins manichéen que prévu, notamment en nuançant des sidekicks tels que Rocksteady et Bebop, ce qui apporte une belle petite caisse de résonnance sur la différence. Le tout entre deux, trois vannes bien entendu, la légèreté primant sur l’ensemble même si la finesse n’est pas toujours au rendez-vous – encore plus en version française où les dialogues ne sont pas particulièrement inspirés (ni la plupart des doubleurs, ce qui n’aide pas malheureusement).
Non dénué de défauts en terme d’écriture, Ninja Turtles : Teenage Years n’en reste pas moins divertissant, grâce à son sens du rythme inhérente à sa mise en scène maitrisée, qui réhausse clairement le niveau. Bénéficiant d’une identité visuelle propre, à l’image des récents Spider-Man NewGeneration et Le Chat Potté 2 : La Dernière Quête, le film d’animation prouve la progressive montée en puissance de Jeff Rowe en terme de narration visuelle. Accompagné de Kyler Spears, qui a travaillé sur Les Mitchell contre les Machines, le réalisateur se rapproche de la charte graphique des comics avec des traits marqués et un environnement urbain obscur teinté de vert et de violet, où humains et mutants se confondent. La difformité propre à cet univers en cel-shading symbolise ainsi parfaitement le sujet au cœur du scénario, où chaque être à sa particularité et doit être accepté pour ce qu’il est. Un refus d’uniformisation qui transparaît avec éclat à l’écran. Ajoutez à cela des séquences d’action d’une grande lisibilité, à l’image des premiers faits d’armes de nos Tortues Ninja ou d’une course poursuite généreuse sur What’s Going On de Four Non Blondes pour ajouter une bonne dose de coolitude à ce reboot.
S’il manque quelque peu de punch en terme d’écriture, Ninja Turtles : Teenage Years n’en reste pas moins une relecture divertissante des Tortues Ninja, devant beaucoup à la réalisation stylisée de Jeff Rowe et Kyler Spears. Cowabunga!