Quatre ans après Halte, le réalisateur philippin Lav Diaz effectue son retour derrière la caméra avec Quand les vagues se retirent, qui comprend au casting John Lloyd Cruz, Ronnie Lazaro, […]
Quatre ans après Halte, le réalisateur philippin Lav Diaz effectue son retour derrière la caméra avec Quand les vagues se retirent, qui comprend au casting John Lloyd Cruz, Ronnie Lazaro, Don Melvin Boongaling et se concentre sur la lente décrépitude d’un policier rongé par ses propres démons…
Habitué aux œuvres fleuves, son record étant à mettre au profit d’Evolution of a Filipino Family qui a atteint la durée de 10h43 (disponible depuis avril sur Mubi pour les curieux), Lav Diaz se montre plus accessible avec son dernier essai en date, lui permettant une nouvelle fois de dénoncer les sombres exactions du gouvernement de son pays – mises en lumière par le prisme du polar. Quand la déchéance de deux bras armés du pouvoir en place nous éclaire avec une fatalité certaine des dangers de l’autoritarisme, cela donne Quand les vagues se retirent.
Dans un style propre à lui, que l’on connaît par cœur désormais, le cinéaste se laisse porter par l’espace et la nature, posant sa caméra pour donner le champ libre à la structure narrative de son récit qui, entre diverses digressions, prépare le terrain à un affrontement funeste. Une lutte intestine portée par le poids de la culpabilité et l’ivresse de la vengeance, des vecteurs cruciaux alimentant la critique d’un système consumé par la corruption, par la violence. Ce qui est pointé du doigt avec fermeté ici, la politique anti-drogue menée par l’ancien président Roberto Duterte, synonyme de répression mais surtout de morts avec l’exécution de milliers de revendeurs par les forces de l’ordre. Une tragique réalité dépeinte avec réalisme, notamment grâce à l’utilisation de véridiques photographies prises par l’artiste engagé Raffy Lerma, offrant une caisse de lugubre résonnance à l’intrigue se mettant en place doucement – mais sûrement.
Comme le dit l’adage, plus dur sera la chute, ce que souligne parfaitement Lav Diaz en submergeant ses personnages centraux dans un océan de noirceur, leurs actes passés se rappelant au bon souvenir du présent, afin de mieux les torturer mentalement mais aussi physiquement. Avec Quand les vagues se retirent, nous naviguons ainsi en zone de gris, tirant vers le noir au gré de ses trois heures tandis que se délite la relation entre d’anciens collègues aux mains plus ou moins sales. Considéré comme l’un des meilleurs flics des Philippines, le lieutenant Hermès Papauran n’en est pas pour autant un homme exemplaire, ses coups d’éclats aussi bien dans le cadre professionnel que personnel l’amenant à devenir enseignant dans un institut de criminologie. Luttant contre ses propres démons, ce dernier voit les conséquences de ses actes se répercuter dans son quotidien mais aussi sur son propre corps.
Mais le psoriasis qui le ronge n’est pas la seule épreuve qu’il doit traverser, la résurgence de son mentor Primo Macabantay, qu’il a aidé à mettre derrière les barreaux et qui rêve de se venger, venant complexifier son chemin de croix – qui se floute davantage alors qu’il avance pas à pas vers son destin. Si la toile tissée est classique, le scénario écrit par le réalisateur parvient à rester intriguant en se jouant des codes du polar, en privilégiant un climat pour le moins étrange, tantôt glauque tantôt légère, notre chef d’orchestre prenant un plaisir quelque peu sadique à ridiculiser ses protagonistes. Un exercice qui se révèle payant car donnant du cachet à ce film noir tirant à boulets rouges sur un gouvernement semblable à la grande faucheuse, n’hésitant pas à semer la mort et à corrompre les esprits.
Avec Quand les vagues se retirent, Lav Diaz se montre plus accessible que jamais, nous plongeant en eaux troubles avec un polar pour le moins fataliste où les dérives d’un gouvernement autoritaire empoisonnent empoisonnent doucement mais sûrement sa population, pour mieux la corrompre. Si nous ne sommes pas face à la meilleure cuvée du cinéaste philippin, son savoir-faire de même que son sens de la narration aident à apprécier cette inéluctable descente aux enfers.