[Critique] Barbie, comme une poupée hors de l’eau
Quatre ans après s’être attelée à une relecture des Quatre Filles du Docteur March, Greta Gerwig s’immisce dans le petit monde de Mattel avec une adaptation live de Barbie, la création […]
Pour ceux qui se font des films en séries
Quatre ans après s’être attelée à une relecture des Quatre Filles du Docteur March, Greta Gerwig s’immisce dans le petit monde de Mattel avec une adaptation live de Barbie, la création […]
Quatre ans après s’être attelée à une relecture des Quatre Filles du Docteur March, Greta Gerwig s’immisce dans le petit monde de Mattel avec une adaptation live de Barbie, la création phare de la firme. Comprenant au casting Margot Robbie, Ryan Gosling, America Ferrera, Emma Mackey, Ncuti Gatwa, Simu Liu, Alexandra Shipp, Michael Cera, Issa Rae ou encore Will Ferrell, celle-ci nous amène au doux royaume de Barbie Land, où il fait bon vivre lorsque l’on est une poupée aux dimensions parfaites, du moins en apparence…
À l’instar de Hasbro, marque concurrente qui a su faire se diversifier en produisant des films basés sur leurs franchises telles que Transformers, G.I. Joe, My Little Pony ou encore Battleship, Mattel aimerait elle aussi réussir à s’immiscer de manière pérenne dans l’univers du septième art. Il faut dire que passé deux échecs pour le moins cuisants, tout d’abord avec Les Maîtres de l’Univers puis des décennies plus tard avec Max Steel, la firme a été échaudée par son aventure hollywoodienne. Alors quoi de mieux que de se reposer sur son emblème pour finalement se faire une place au soleil ?
S’il a fallu plusieurs années de développement et un partenariat avec la Warner pour concrétiser cette entreprise de séduction sur le grand public, avec notamment diverses ébauches avortées portées entre autres par Amy Schumer et Anne Hathaway, la machine a pu partir sur de bons rails avec l’arrivée de Margot Robbie dans la partie. Choisie pour incarner l’iconique blonde en chair et en os dans cette version grand nature, l’actrice s’est investie derrière la caméra en produisant le long-métrage via sa société Lucky Chap. Pour l’accompagner dans ce projet attendu au tournant, plusieurs réalisateurs se sont succédés avant que Greta Gerwig n’occupe ce poste, s’impliquant en plus à l’écriture aux côtés de son compagnon Noah Baumbach (Marriage Story, White Noise).
Une fine équipe qui avait fort à faire pour tenter de trouver sa propre voie tout en répondant aux exigences de Mattel qui, sur ce coup, ne pouvait pas se rater. Deux visions pour un seul but, plaire aux spectateurs de sept à soixante-dix-sept ans et remettre au goût du jour cette chère Barbie. Ce qui laissait craindre une adaptation hybride où les motivations des uns et des autres ne parviendraient pas à cohabiter avec harmonie, le tandem Gerwig/Baumbach ayant son style propre à lui. Si nous n’étions pas dupes de la démarche mercantile de Mattel, qui voulait faire d’une pierre deux coups en surfant sur la vague pour faire progresser les ventes de sa gamme phare, la grande inconnue résidait en sa capacité à lâcher du leste et laisser un minimum de liberté aux créatifs aux manettes. Verdict ? Chaque parti a pu faire un petit pas devant l’autre, donnant ainsi lieu à une adaptation débordant rarement des lignes mais se pouvant de gratter un tantinet sous le vernis rose pastel de notre héroïne pour s’adonner à une critique sociétale, dans la joie et la bonne humeur.
Alors qu’en apparence tout va pour le mieux au royaume de Barbie Land, où cohabitent en harmonie les Barbie et les Ken, une Barbie commence à changer sa routine, se mettant à réfléchir au sens de la vie. De cette interrogation intérieure s’initie dès lors une quête émancipatrice, amenant notre protagoniste – flanquée malgré elle de ce pot de colle de Ken – à s’aventurer vers le monde réel. Un poncif du genre dès qu’il s’agit de porter sur grand écran une propriété intellectuelle (cf : Les Schtroumpfs parmi les récents exemples made in US), laissant envisager une trajectoire longiligne en mode pilote automatique. Fort heureusement, cette expédition gagne en intérêt une fois le voyage retour enclenché, notre poupée et son compagnon de route blonde platine – qui aimerait être plus qu’un ami – important chacun des idées provenant ce chez nous dans leur fameux Barbie Land. De quoi introduire une guerre des sexes dans cet innocent monde de plastique.
Si nous ne sommes pas dans l’exercice punk, Greta Gerwig limitant ses coups (notamment concernant le consumérisme), Barbie tente de donner une petite tape au patriarcat au gré d’une comédie kitsch et colorée, tantôt maladroite tantôt inspirée – un déséquilibre dû à la retenue de la réalisatrice, qui aurait gagné à se montrer plus grinçante que cela, dans la limite du tout public bien entendu. Difficile de faire plusieurs pas vers l’anarchie quand Mattel Films se trouve à l’étage du dessus avec ses grosses jumelles. Ce qui donne lieu à une leçon de féminisme plutôt bateau, mais le message – aussi simple soit-il – fera sans nul doute son effet selon les sensibilités. Ce qui est mieux que rien il faut le concéder, d’autant plus lorsque cela permet au casting de s’en donner à cœur joie.
Le plaisir communicatif de notre joyeuse bande présente devant la caméra aide à rehausser le niveau d’un script n’allant pas au bout de son concept, la plume de la réalisatrice et de son coscénariste manquant d’acidité et de folie. Avec un Ryan Gosling en roue libre, dans le bon sens du terme, il y avait moyen de proposer un véritable délire n’hésitant pas à mettre les pieds dans le plat en terme de dénonciation quant au diktats de cette société. Parfait en crétin masculiniste, l’acteur est clairement l’atout phare de Barbie, brillant même davantage que Margot Robbie qui, en dépit de la candeur et la délicatesse insufflées à son personnage, reste un cran en dessous de son partenaire. Une situation pour le moins cocasse vu le sujet central du long-métrage car au final, ce qui nous reste en tête est justement l’entêtant numéro musical ‘I’m Just Ken’, point d’orgue du Ryan Gosling show. Se faire éclipser dans son propre film, pas cool.
Si la performance de Margot Robbie – mais surtout de Ryan Gosling – font illusion, difficile de se laisser totalement séduire par Barbie, Greta Gerwig se retrouvant aux manettes d’un produit plus consensuel que prévu qui aurait gagné en acidité.
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