Passée une trilogie en live action, Le Petit Nicolas revient sur le grand écran avec un film d’animation sous-titré Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? Co-réalisé par le tandem Amandine Fredon/Benjamin Massoubre et comprenant Alain Chabat, Laurent Lafitte et Simon Faliu, celui-ci revient sur l’essence même du personnage en se concentrant sur sa genèse…

Par sa tendresse et son sens de la nostalgie, Le Petit Nicolas – Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? se révèle être une savoureuse madeleine de Proust se laissant déguster avec délectation, Amandine Fredon et Benjamin Massoubre étant à la manœuvre d’une lettre d’amour sincère à l’œuvre imaginée de concert par René Goscinny et Jean-Jacques Sempé, qui plaira aux enfants mais surtout aux adultes – notamment ceux ayant grandi avec le jeune héros.

Composée de plus de deux-cents histoires, Le Petit Nicolas est une tendre plongée dans les années 50/60, traitant de thématiques universelles de manière pédagogique en prenant le point de vue de l’écolier – qui voit le monde à travers un regard naïf et espiègle. Une formule qui aura fait la renommée de ces récits illustrés, qui ont bercé des générations, devenant avec le temps une ressource de qualité pour apprendre la lecture que ce soit dans les foyers ou dans les salles de classes. Comment ses contes sur l’enfance sont-ils devenus une référence dans leur genre ? La réponse tient en deux noms, Goscinny et Sempé, dont la collaboration fut des plus fructueuses sur le plan professionnel et humain. L’alchimie entre ces deux figures du neuvième art de même que la relation fusionnel que chacun a entretenu avec leur création ont conféré une âme particulière à cette dernière. Le duo a fait battre le cœur de Nicolas, il paraît donc logique de le souligner et pour s’y faire, l’équipe créative s’est attelé à une mise en abyme intelligemment pensée.

Avec leur long-métrage, Amandine Fredon et Benjamin Massoubre mettent en images certaines aventures issues du catalogue à leur disposition mais ne se contentent pas d’une adaptation en bonne et due forme, conférant une dimension supplémentaire à leur copie en s’intéressant dans le sens large du terme au processus créatif. C’est ainsi que les cases font office d’instants suspendus, de pauses récréatives à un roman d’amitié entre les deux géniteurs du garçonnet, qui ont mis une part d’eux-mêmes dans ce travail collectif. Un choix judicieux car offrant un éclairage nouveau sur René Goscinny et Jean-Jacques Sempé, dont les traits de caractères se dévoilent derrière les coups de crayons. Alors que nos camarades de jeu façonnent leur univers, celui-ci prend vie devant leurs yeux et ceux du spectateurs, réel et fiction ne faisant qu’un pour mieux évoquer la puissance de l’imaginaire. Un scénario original, qui bénéficie de l’expertise d’Anne Goscinny, qui officie à l’écriture aux côtés de Michel Fessler et rend un bien bel hommage à son père et son ami illustrateur, disparu il y a quelques mois.

Si les facéties de Nicolas et toute sa clique (Agnan, Alceste, Clotaire, Rufus,…) prêtent à sourire, ce qui donne avant tout du cachet à cette aventure animée est sans conteste la relation unissant les auteurs ainsi que leur parcours personnel. En prenant un cadre intimiste, Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? gagne en profondeur, notamment via cette utilisation de Sempé et Goscinny en tant que protagonistes, interagissant dans la mythologie qu’ils ont confectionné conjointement. Cela donne une réunion de famille attendrissante, avec de vrais passages touchants – grâce à la justesse d’Alain Chabat et Laurent Lafitte – où chacun se laisse aller à la confidence, laisse percevoir ses sentiments, ses fêlures à ce petit bonhomme dans lequel ils se reconnaissent tant.

Une balade (ré)créative qui doit également une bonne partie de son charme au soin porté à l’animation (que l’on doit au studio lillois Train-Train), qui se distingue par ses deux mouvements principaux, restant fidèle au trait de Sempé quant il s’agit de reproduire les cases de la bande dessinée – épurée – tout en se montrant visuellement riche dès que l’on s’ouvre au monde extérieur, où les couleurs et les détails fourmillent dans une atmosphère chaleureuse. De quoi renforcer cet aspect nostalgique qui en bercera plus d’un dans ses souvenirs d’enfance.

© Bac Films

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