Une décennie après Cogan : Killing Them Softly, Andrew Dominik opère son retour derrière la caméra avec Blonde, l’adaptation du roman éponyme de Joyce Carol Oates, comprenant au casting Ana de Armas, Julianne Nicholson, Bobby Cannavale, Lily Fisher, Sara Paxton ou encore Adrien Brody et proposant une relecture de l’existence de Marilyn Monroe, l’une des icônes hollywoodiennes les plus atemporelles…

En gestation depuis des années, le projet d’Andrew Dominik d’adapter à l’écran le best-seller de Joyce Carol Oates est finalement devenu réalité, pour le meilleur et pour le pire. Bien destiné à déstabiliser son auditoire, le cinéaste use de codes horrifiques pour aborder la trajectoire tumultueuse de Norma Jean Baker, aussi bien dans la sphère privée que publique, pour un biopic floutant grossièrement les lignes entre réalité et fiction afin de présenter un portrait complexe de Marilyn Monroe.

En résulte une œuvre difficile à appréhender, soufflant sur les braises d’un matériel hautement inflammable, comblant les zones d’ombres entourant l’actrice avec des éléments fantasmés ne peuvent que diviser. L’exercice biographique prend de ce fait une tournure dramatique, l’ambition ici étant de retranscrire le calvaire d’une femme au sein de cette patriarcale société qu’est la notre, se voyant réduite à sa dimension charnelle par la gente masculine. Un parti pris qui aurait pu s’avérer pragmatique s’il ne concernait pas le mythe Marilyn, l’artiste se voyant reléguée au statut de martyr du début à la fin de ce chemin de croix tissé par Joyce Carol Oates, qui se voit agrémenté d’épreuves supplémentaires par Andrew Dominik – qui officie à l’écriture de cette adaptation. Que les fans soient prévenus, beaucoup de libertés ont été prises quant à la destinée de la star, impliquant des choix artistiques qui pourront faire grincer des dents.

Durant près de trois heures, Blonde prend un malin plaisir à malmener son personnage principal, déroulant le récit d’une icône fragilisée dès sa plus tendre enfance par la violence de son entourage, ce qui sera malheureusement une constante dans son quotidien, malgré une ascension fulgurante parmi les étoiles d’Hollywood. La naissance de Marilyn Monroe ne marque aucunement le début d’un renouveau pour Norma Jean mais accentue sa descente aux enfers, les ténèbres se cachant derrière la lumière des projecteurs. Le message du film est clair, peu de place sera laissé à l’espoir, le sol ne cessant de se dérober sous les pieds de notre figure tragique, pour qui le bonheur et l’a ‘estime de soi ne sont que des chimères. Un cauchemar éveillé, trouvant sa raison d’être au cours d’un premier tiers efficace – notamment en terme de tonalité – où se dessinent sans détours les contours de la personnalité de la comédienne – en passant par un passage en revue de ses relations personnelles et professionnelles.

La belle souffre face aux bêtes l’encerclant et il lui sera difficile de sortir de leurs griffes, le piège se refermant sans cesse sur elle. Un sens du nihilisme qui sert tout d’abord le long-métrage avant de lui nuire, la toxicité inhérente à son intrigue malsaine finissant par plomber l’ambiance. D’autant plus lorsque le mauvais goût pointe le bout de son nez. Si l’on apprécie l’atmosphère Lynchienne se diluant de temps à autres, en particulier lorsque s’expose avec une certaine causticité les rouages de l’industrie cinématographique et du star system, il est par contre regrettable que Dominik s’enfonce dans la provocation pour redonner de l’élan à son ouvrage, empêchant par là de faire sortir Marilyn de sa posture de souffre-douleur. De ce goût prononcé pour le sadisme, Blonde perd de sa superbe, les séquences dites chocs empêchant d’élever réellement les enjeux, alors qu’il y avait tant à dire sur la vedette de Sept ans de réflexion et le monde dans lequel elle évoluait.

N’en reste pas moins une mise en scène millimétrée de la part du réalisateur, qui multiplie les formats, les styles, pour renforcer ce sentiment de chaos dérivant de la vie de sa protagoniste. Saluons en plus le soin porté aux séquences de reconstitution, qui donne du cachet à ce vrai/faux biopic, qui doit son réel intérêt à la performance exceptionnelle d’Ana de Armas – qui se donne littéralement corps et âme pour camper une Marilyn Monroe crédible. L’actrice s’en sort haut la main dans les bons comme les mauvais moments, relevant constamment le niveau en montrant de nouvelles couleurs à sa palette de jeu, toujours sur le fil du rasoir. Sans elle, Blonde n’aurait pas eu la même saveur, sa partition entre sensualité et fragilité permettant la plupart du temps d’oublier l’indigence de diverses idées tordues du scénario.

Avec Blonde, Andrew Dominik égratigne l’image de Marilyn Monroe – non sans un sens aigu pour la provocation – puisant dans la biographie fantasmée de Joyce Carol Oates de quoi proposer un chaotique chemin de croix en plein enfer Hollywoodien, où règnent en maître la violence et la misogynie.

© Netflix

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