Quatre ans après Le Monde est à Toi, Romain Gavras revient derrière la caméra avec Athena, qui comprend au casting Dali Benssalah, Sami Slimane, Anthony Bajon, Ouassini Mbarek ou encore Alexis Manenti et nous entraîne au cœur d’une cité sombrant dans le chaos à la suite d’un drame…

Romain Gavras débarque avec pertes et fracas sur Netflix, puisant dans les codes de la tragédie pour plonger le spectateur au cœur du chaos, Athena se révélant être une irrémédiable descente aux enfers où l’esthétisme prime sur la dramaturgie, un parti pris qui joue malheureusement en sa défaveur, l’écriture étant loin d’être à la hauteur des enjeux.

Cherchant à nous immerger dans les méandres d’une guerilla urbaine, le réalisateur n’y va pas par quatre chemins, fonçant tête baissée vers l’anarchie pour mieux capter l’attention de son auditoire et ne pas relâcher la pression. Sur ce point, le pari est réussi, Gavras, Ladj Ly et Elias Belkeddar traçant une feuille de route simple et concise, allumant dès le départ la mèche alimentant ce brasier de la colère ravageant tout sur son passage. Lorsqu’un jeune du quartier Athena décède à la suite d’une intervention policière, s’enclenche une spirale infernale, les impitoyables forces du destin bouleversant l’équilibre pré-établi pour mener au désordre. Si généralement, la vengeance est un plat qui se mange froid, ici le temps n’est pas à la réflexion mais à l’action, la souffrance des proches du défunt servant de ce fait de moteur à la révolte se mettant en place. Devenant le théâtre à la fois d’un affrontement entre la population et les autorités agrémenté d’un conflit intestin, la cité se transforme en une forteresse au sein de laquelle s’envenime une situation paraissant inextricable pour les protagonistes.

Comme l’indiquait son titre, le long-métrage prend le chemin de la tragédie antique, où le principe de cause à effets fait s’écrouler un château de cartes des plus fragiles. Se voulant mythologique, cette escalade de violence s’effectue à grands renforts d’envolées lyriques, où mise en scène et utilisation de chœurs tentent de se coordonner pour instiller un souffle épique à l’ensemble. Un sens de la grandiloquence qui permet à Romain Gavras de laisser s’exprimer son savoir-faire en terme de réalisation, le cinéaste s’engouffrant dans la mêlée sans jamais perdre de vue son objectif : en mettre plein la vue. Son style clinquant aide à faire illusion, plans-séquence et soin porté au cadrage accentuant le drame qui se noue, refermant le piège dans lequel nos personnages s’enferment. De quoi se dire que si l’écriture avait été du même acabit, l’expérience proposée aurait pu se révéler divertissante.

En se fourvoyant dans un scénario bête et méchant, Athena se tire une balle dans le pied, s’engouffrant inéluctablement vers un manichéisme de bas étage, où les actions des uns et des autres manquent de cohérence, de pertinence. S’il y avait de la matière pour traiter de thématiques sensibles, l’intrigue balaie toute profondeur d’un revers de la main, préférant user d’effets de manche pour rester sur le fil du rasoir et étirer inutilement les émeutes éclatant sur ce champ de bataille urbain. En ligne de mire, le fossé séparant la fratrie touchée par la mort de leur cadet, qui pouvait déboucher sur des pistes intéressantes, notamment avec la figure d’Abdel, qui a un pied dans chaque camp. Hélas, la guerre fratricide esquissée entre les murs de la cité prend des virages douteux et débouche finalement vers le ridicule, à cause justement de ce manque de précision niveau caractérisation. Malgré la prestation de Dali Benssalah et Anthony Bajon pour essayer de rehausser le niveau, l’absence de nuance nuit à l’intégrité du film, avec des retournements de situation dynamitant un dernier acte certes nihiliste mais proche du ridicule. L’incendie se voit éteint par une douche des plus froides, qui ne pourra que crisper le public.

Avec Athena, Romain Gavras tente de mettre le feu aux poudres en livrant un drame incandescent aux allures de tragédie grecque mais échoue à emporter les foules, son sens de la mise en scène ne parvenant pas à gommer les innombrables défauts d’une intrigue inconséquente qui ne manquera pas de faire réagir.

© Netflix

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