[Critique] L’Equipier, la tête dans le guidon
Une décennie après Jump, le réalisateur Kieron J. Walsh retrouve le grand écran avec L’Equipier, long-métrage comprenant au casting Louis Talpe, Matteo Simoni, Tara Lee ou encore Iain Glen et […]
Pour ceux qui se font des films en séries
Une décennie après Jump, le réalisateur Kieron J. Walsh retrouve le grand écran avec L’Equipier, long-métrage comprenant au casting Louis Talpe, Matteo Simoni, Tara Lee ou encore Iain Glen et […]
Une décennie après Jump, le réalisateur Kieron J. Walsh retrouve le grand écran avec L’Equipier, long-métrage comprenant au casting Louis Talpe, Matteo Simoni, Tara Lee ou encore Iain Glen et se centrant sur un coureur cycliste arrivé à un carrefour de sa carrière…
Pour son immersion dans l’univers de la petite reine, Kieron J. Walsh prend le parti de revenir sur une étape cruciale de l’histoire du Tour de France en s’articulant sur sa dimension humaine, L’Equipier se révélant être un drame tout en sobriété privilégiant la tête aux jambes et ce afin de mieux saisir les dérives d’un système obnubilé par la performance – quitte à oublier l’esprit originel du sport.
La tête dans le guidon le cinéaste fait planer le spectre de l’affaire Festina, qui jeta le discrédit sur la Grande Boucle à la fin des années 1990, dans le but de mettre en lumière le déraillement d’un mécanisme bien huilé de corruption, qui était malheureusement devenu la norme. Repousser ses limites implique t-il de se passer des règles et de l’éthique ? Une question évoquée avec justesse, l’idée ici n’étant pas d’apporter de réel jugement de valeur, ce qui prime étant la quête intérieure d’un coureur arrivé en bout de course. Accompagné de Ciaran Cassidy à l’écriture, Walsh trace un parcours où les faux plats sont légions, afin de ne jamais ralentir la cadence. En résulte une plongée côté coulisses riche d’enseignements aussi bien pour les connaisseurs que les néophytes, où les rouages se grippent pour mieux explorer les multiples facettes d’un microcosme ne vivant que pour le dépassement de soi.
Une bien triste réalité, que dépeint sans fards L’Equipier en se consacrant au portrait de ce que l’on pourrait appeler un loser magnifique, se dévouant à son art sans pour autant avoir la reconnaissance qu’il lui est due. A travers le chemin escarpé emprunté par ce personnage principal, Dominique Chabol, s’expose une routine au combien dangereuse, EPO et autres moyens de dopage s’accompagnant de risques pour la santé. Comment se demander si le jeu en vaut la chandelle lorsque chaque parti y trouve son compte, accentuant de ce fait la zone de flou dans laquelle navigue coureurs, soigneurs et managers. Des tactiques mises en œuvre dépendent la cohésion du groupe mais surtout la victoire, un objectif à atteindre dans la visière de tous – obscurcissant leur champ de vision. Un contexte pertinent puisque de cette absence de recul se met en selle l’intrigue, qui avance à un bon rythme jusque la ligne d’arrivée.
Ainsi, s’il est agrémenté de séquences de courses rondement menées, le long-métrage montre les muscles dès lors qu’il laisse de côté le vélo et se consacre à l’homme assis dessus. En l’occurrence, Chabol, ‘domestique’ dont le rôle est essentiel pour l’équipe, celui-ci se décarcassant pour amener son leader vers la première place. Sauf que s’il est l’âme de la team, notre sportif ne peut se rêver champion, sa position s’avérant au final ingrate, ne laissant que peu de perspectives niveau carrière. Devant garder la tête froide, ce dernier arrive pourtant à un stade crucial de sa vie, où équilibre professionnel et personnel font face à des remous. De quoi perturber le lancement du Tour de France 1998, qui s’élança cette année-là de l’Irlande, d’autant plus lorsqu’une sombre affaire de dopage est mis à jour dans le milieu. S’élançant vers l’inconnu, le coureur voit sa carapace se fissurer petit à petit, au gré des obstacles rencontré en chemin.
Porté par un Louis Talpe se donnant à fond, et bénéficiant d’atouts tels que Tara Lee et Iain Glen, L’Equipier trace sa route vers sa thématique de l’introspection avec tact, grattant comme il se faut à la surface des choses pour que le spectateur se laisse prendre à ce jeu de la désillusion. De ces errances sportives et sentimentales, naît un sentiment d’amertume, venant apporter une épaisseur supplémentaire à la performance se déroulant devant nos yeux où le goût de l’effort s’accompagne du sens de sacrifice. Ou quand pédaler devient une raison d’être, unique vecteur d’épanouissement personnel.
Avec L’Equipier, Kieron J. Walsh s’immisce dans le milieu du cyclisme avec l’idée de mettre l’athlète face à ses contradictions, pour un drame humain interrogeant le sens de l’effort avec justesse, en gardant la tête dans le guidon. Une bonne surprise.