Tournant à la vitesse de l’éclair, Quentin Dupieux nous présente le premier cru de sa cuvée 2022 – qui arrive un an seulement après Mandibules – à savoir Incroyable Mais Vrai, comédie comprenant au casting Alain Chabat, Léa Drucker, Anaïs Demoustier, BenoÏt Magimel et se centrant sur un couple emménageant dans un pavillon recélant un secret hors du commun…

Toujours prompt à titiller la suspension de l’incrédulité du spectateur, Quentin Dupieux continue de tracer son sillon dans l’univers de l’absurde, opérant avec Incroyable Mais Vrai un coup en trois bandes, se servant d’éléments emprunts au fantastique afin de nous interroger sur la notion du temps, pour un délire alliant introspection et humour potache.

Après Mandibules, le cinéaste se montre une fois de plus accessible avec une comédie dont les thématiques devraient parler au plus grand nombre, l’idée ici étant de parler de problématiques de mœurs en se concentrant sur les déboires d’une galerie de personnages – dont les états d’âmes ressortent via le spectre de l’étrange, du bizarre. Ainsi, si l’on reconnaît la patte particulière de ce cher Mr. Oizo, son sens aigu de l’improbable s’efface quelque peu derrière une intrigue plus dramatique qu’il n’y paraît avec un semblant d’analyse sur ce naufrage que peut être la vieillesse. Un point de vue intéressant, permettant de donner la part belle à son casting, qui s’en donne à cœur joie dans cet exercice aux frontières du réel, nous interrogeant sur notre rapport à l’âge.

Au cœur d’Incroyable Mais Vrai, l’impact d’événements pour le moins surprenants sur le quotidien de deux couples, venant fragiliser l’équilibre de chacun, pour le meilleur et pour le pire. En pleine recherche de la maison du bonheur, Alain et Marie pensent trouver le lieu idéal, un pavillon de banlieue au charme atypique. Un lieu à première vue synonyme de havre de paix mais qui recèle en son sein un secret bien gardé, à même de faire changer notre perception du monde. Le point de départ d’une intrigue où plus rien ne tourne rond, de l’horloge à la psyché de nos protagonistes. Farceur, Dupieux joue d’abord avec son auditoire, en noyant le poisson quant à sa dimension irrationnelle, avant de plonger les pieds dedans, doublant par la même occasion la mise en terme d’aberration.

Sans en révéler les tenants et les aboutissants – la surprise devant rester totale – ces éléments perturbateurs des plus loufoques alimentent alors une fable métaphysique qui remet en contexte l’appréciation du temps qui passe de même que l’acceptation de soi. Malgré des fulgurances en terme d’ironie, notamment à travers les tribulations de Gérard, patron et meilleur ami d’Alain, le long-métrage se montre davantage emplit d’amertume que de douceur. Face à leur problèmes, notre quatuor central (qui s’agrémente de Jeanne – dernière conquête en date de l’inénarrable Gégé) s’embourbe progressivement, les obsessions des uns et des autres venant pourrir leur couple respectif. Un aspect plus dramatique donc, qui n’est pas pour déplaire, venant apporter une dimension nouvelle à la filmographie de Quentin Dupieux.

Petit bémol, en plus des habituelles fluctuations en terme d’humour – les zygomatiques se déployant selon la sensibilité du spectateur face à l’absurde – il est dommage de constater que le cinéaste ne sait pas vraiment comment boucler la boucle de son récit (ce n’est pas la première fois que cela lui arrive), avec un acte final privilégiant le montage pour expliciter la morale de ce questionnement sur le temps qui passe. Incroyable Mais Vrai n’en reste pas moins sympathique, grâce à la performance du quartet formé par Alain Chabat, Léa Drucker, Benoît Magimel et Anaïs Demoustier, portant le délire à bout de bras en sachant allié dérision et sensibilité. D’ailleurs mention spéciale aux deux petits nouveaux intégrant la bande du cinéaste, Drucker et Magimel, qui ont pris plaisir à se plier à l’exercice – surtout le second, qui se démarque dans un rôle de beauf viriliste con mais attachant.

Avec Incroyable Mais Vrai, Quentin Dupieux met à profit son sens de l’absurde pour analyser notre rapport au temps à travers une conte moderne où la déraison règne en maître, entre humour et mélancolie. S’il ne fait pas mouche à tous les coups, ce nouveau délire vaut le coup d’œil, notamment pour le capital sympathie de sa distribution.

© Diaphana Distribution

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