Neuf ans après Holy Motors, Leos Carax fait son grand retour derrière la caméra avec Annette, comédie musicale comprenant au casting Adam Driver, Marion Cotillard, Simon Helberg et nous faisant suivre la romance tragique entre Henry Mc Henry, un comédien de stand-up, et Anne Desfranoux, une cantatrice à la renommée mondiale…

Habitué à prendre le public à revers, Leos Carax ne déroge pas à la règle avec Annette, un opéra-rock tragique et grandiloquent dont les excès ainsi que les extravagances ne laisseront personne indifférent, que ce soit en bien ou en mal, pour une œuvre iconoclaste dans le genre.

Difficile à appréhender, il a fallu se laisser un temps de réflexion avant de poser des mots sur ce long-métrage, qui est clairement une expérience à part entière. Ce qui est certain, c’est que cette comédie musicale issue de l’imagination de Ron et Russel Mael – alias le groupe Sparks pour les connaisseurs – possède des qualités indéniables, nous offrant un trip baroque sondant avec acidité le monde artistique, questionnant le processus créatif mais surtout étrillant la vacuité propre à la célébrité, où faux semblants et vacuité règnent en maître, le tout à travers la romance trouble d’un couple d’artistes, aux univers diamétralement opposés. Ainsi, Annette nous plonge dans ce microcosme où strass et paillettes se sont qu’une façade servant à camoufler une existence morne et solitaire, où doutes et amertume viennent noircir un tableau peu flatteur sur cette société du spectacle.

Au grès des excellentes chansons des Sparks, l’une des cartes maîtresses du film, nous suivons le parcours de Henry Mc Henry et Anne Desfranoux, deux interprètes dévoués à leur art – pour lui le stand-up, pour elle l’opéra. Deux êtres qui voient leur chemin s’entrecroiser pour le meilleur et pour le pire. De cet amour à première vue idyllique se consument en réalité leur âme, avec comme point d’orgue la naissance de leur enfant – Annette – scellant ainsi le destin funeste de cette famille faisant la première page des tabloïds. S’enfonçant progressivement vers la tragédie, la comédie musicale navigue – littéralement – en pleine tempête pour se diriger vers le creux de la vague alors que la mort fait son apparition. En résulte une deuxième partie moins harmonieuse, se voulant ainsi disruptive, avec une appétence pour le chaos de la part de notre équipe créative.

Ce sens de l’autodestruction se mariant à la démystification de l’art, prend tout sens quand le personnage éponyme du long-métrage arrive sur le devant de la scène, achevant cette réflexion sur la création non sans une certaine ironie, ce qui fonctionne avec une conclusion satisfaisante de par la nature des enjeux mais force est de constater que malgré quelques fulgurances, Annette a du mal à tenir sur la longueur dans ce deuxième acte, la faute à une intrigue tirant sur des trop grosses ficelles pour maintenir l’illusion – ce qui a pour impact de ralentir le temps et de faire durement ressentir sa durée de près de 2h20. Malgré ce rythme tumultueux, Leos Carax ne se laisse pas démonter et fait preuve d’un certain jusqu’au boutisme dans sa mise en scène, d’une générosité folle avec à la clé des choix déroutants – à la limite du grotesque – mais qui ne laissent personne indifférent. De la mise en abîme de So May We Start ? à des séquences cruciales telles qu’une valse en pleine mer démontée ou encore une répétition orchestrale dont la puissance émotionnelle est décuplée par un travelling circulaire, Carax fait virevolter sa caméra et ajoute un lyrisme dévastateur à son oeuvre.

Ce qui fait également pencher la balance du bon côté est la prestation habitée d’Adam Driver, qui est de quasiment tous les plans et se donne à fond dans la peau du malaisant Henry Mc Henry, que ce soit dans la subversion – principalement dans les scènes de stand-up – ou dans l’émotion, avec comme point final, une ultime confrontation réussie avec sa marionnette de fille. Retenons également la performance de Marion Cotillard, qui s’en sort avec les honneurs face à Driver, donnant avec force de la voix à son personnage de cantatrice mais surtout, celle de Simon Helberg, touchant.

UGC Distribution

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