Pour ses débuts au cinéma avec Les Misérables, le réalisateur Ladj Ly développe sur grand écran son court-métrage et aux côtés de Damien Bonnard, Djebril Zonga, Alexis Manenti, Issa Perica, Steve Tientcheu, Al Hassan Ly, Almamy Kanoute, Nizar Ben Fatma et Jeanne Balibar, nous fait suivre une équipe de la brigade anti-criminalité dans les quartiers de Montfermeil en Seine-Saint-Denis.

Avec Les Misérables, Ladj Ly livre un premier film brut et sans fard sur la réalité des quartiers et le fragile équilibre qui y règne.

Le réalisateur, issu de Clichy-Montfermeil, s’inspire de sa propre expérience pour nous immerger dans ce microcosme qui doit apprendre à co-exister et traite de son sujet sans préjugés ni cynisme, ce qui renforce la portée du long-métrage.

À travers son scénario, Les Misérables nous entraîne dans la cité des Bosquets et nous présente ce monde via le regard de Stéphane qui, comme le spectateur débarque dans un univers dont il ne connaît pas les codes. Petit nouveau dans son unité de la BAC, son premier jour au sein du service de jour avec ses collègues permet de découvrir l’environnement dans lequel se joue l’intrigue. Ce procédé, certes classique, n’en reste pas moins efficace pour nous introduire aux principaux acteurs régulant la vie dans ces quartiers.

Une fois, les protagonistes et rapports de force établis, nous dévoilant les piliers régissant l’équilibre dans ces blocs de bétons, une autorité tentant de canaliser une jeunesse isolée, la tension s’installe progressivement pour définitivement basculer à une vitesse folle. Le rythme, comme les événements, s’emballe et la poudrière sur laquelle repose les personnages finit inévitablement par s’enflammer.

S’ouvrant avec un moment de joie et d’allégresse, Ladj Ly brise son univers et ses règles d’un bruit étourdissant et de ce point de rupture nous embarque dans une course contre la montre pour empêcher l’ordre de définitivement basculer. Pris de court, tout le monde s’affaire à éviter l’inévitable et dans un style implacable, nous nous dirigeons vers le point de non-retour. Le scénario nous sort de notre zone de confort, de même que les acteurs majeurs de ce drame, pour mieux nous asséner une dernière partie redoutable, qui laissera plus d’un spectateurs pantois lorsque le fondu au noir refermera ce chapitre final.

La réalité des quartiers est bien représenté à l’écran et Ladj Ly, qui se sert de son expérience personnelle, n’accable personne, que ce soit des agents de la brigade anti-criminalité aux frères musulmans. Le coeur du long-métrage n’est pas de trouver des coupables mais de pointer du doigt une crise qui n’en finit pas et une démission totale de l’Etat.

Aidé par une réalisation fluide, Montfermeil et sa cité des Bosquets en impose, les séquences filmées au drone nous la décrivant comme une enclave, un royaume vivant en autarcie. Les carences des forces publiques sont visibles à l’écran avec ces blocs de bétons grisonnants, ces couloirs délabrés. Au milieu de cette atmosphère morne, la vie grouille et Ladj Ly retranscrit bien cette énergie, que ce soit en plan large ou en plan serré. Les acteurs, que ce soit Damien Bonnard, Djebril Zonga, Alexis Manenti ou le jeune Issa Perica sont tous convaincants dans leur rôle respectif et on se prend au jeu, suivant leur déambulation jusqu’au final incandescent, qui ne laisse pas de marbre.

Avec Les Misérables, Ladj Ly livre un portrait sans concession et surtout sans cliché d’une société fragile. L’apport de son expérience personnelle dans son premier long-métrage se ressent dans la représentation de la vie dans les quartiers, qui évite tout misérabilisme. Dans un style implacable, le réalisateur nous bouscule et nous entraîne dans une spirale infernale et très réussie.

LesMisérables
© SRAB Films – Rectangle Productions – Lyly films

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