Neuf ans après Utopie russe, Léa Todorov s’attèle à sa première œuvre de fiction avec La Nouvelle Femme, qui comprend au casting Leïla Bekhti, Jasmine Trinca, Rafaëlle Sonneville-Caby, Nancy Huston […]
Neuf ans après Utopie russe, Léa Todorov s’attèle à sa première œuvre de fiction avec La Nouvelle Femme, qui comprend au casting Leïla Bekhti, Jasmine Trinca, Rafaëlle Sonneville-Caby, Nancy Huston ou encore Raffaele Esposito. Présenté en avant-première lors de la 24e édition de l’Arras Film Festival, le long-métrage se centre sur la fuite en avant d’une courtisane de Paris à Rome, l’amenant à croiser le chemin d’une certaine Maria Montessori…
Transfuge du milieu documentaire, Léa Todorov joint la réalité à la fiction pour son premier long qui, par le biais d’un drame sur la condition féminine au début du XXe siècle bifurque progressivement vers le biopic en apportant un éclairage sensible sur le travail de Maria Montessori et ce dans un but pédagogique, celui de révéler la personnalité se cachant derrière ce nom illustre. Car dans un monde pensé par et pour les hommes, difficile de faire entendre sa voix et surtout de défendre ses idées – aussi brillantes soient-elles – certains messieurs pouvant de froisser pour un rien.
En résulte un exercice filmique synonyme de dissertation, la cinéaste n’hésitant pas à étayer ses différentes parties pour mener à un conclusion tendrement mélancolique quant à son sujet principal, à savoir la fondation de l’école Montessori et par ricochet la révélation de sa génitrice. Et pour y parvenir, le scénario concocté par cette dernière use d’un chemin de traverse malin, créant un personnage de toutes pièces pour nous amener à intégrer l’environnement dans lequel navigue notre protagoniste. C’est ainsi que nous suivons dans un premier temps le parcours de Lili d’Alengy, célèbre courtisane parisienne, profitant à bon escient des roucoulades de la gente masculine pour vivre dans un certain luxe. Mais derrière les strass et les dîners mondains, l’artiste cache un secret, en l’occurrence sa fille, née avec un handicap. Soit l’élément clé servant à créer un pont d’une héroïne à l’autre et de multiplier les parallèles et contrastes entre deux personnalités opposées mais naviguant dans le même univers, où le patriarcat dicte sa loi.
Peu disposée à s’occuper d’une enfant qui pourrait menace sa carrière et donc sa réputation, cette chère Lili décide de quitter Paris pour Rome, avec la chair de sa chair dans ses bagages. Un ‘exil’ la menant à faire la connaissance de Maria Montessori, femme médecin développant une méthode d’apprentissage à destination des enfants dits déficients. De quoi permettre à Léa Todorov de souligner la teneur importante des travaux de la scientifique, qui allait faire date dans l’histoire de l’éducation. En soit le chapitre le plus fort narrativement parlant, évoquant sans fards mais avec justesse l’aspect révolutionnaire de cet apprentissage par le respect et l’autonomie, gommant la différence pour permettre à l’être de se révéler malgré les difficultés. Ce qui initie le dernier acte de La Nouvelle Femme qui, s’il s’avère un tantinet brouillon en tentant d’accélérer la cadence en multipliant les événements perturbateurs, ne dénature pas la qualité intrinsèque de l’ensemble.
L’amorce d’une relation amicale entre Maria et Lili arrive ainsi bien trop tard mais cela n’entache pas la démonstration voulue, de critiquer ce paternalisme latent plombant l’évolution de la place de la femme dans la société. Dans ce cas précis Maria Montessori qui, en dépit de ses diplômes et de son intelligence, n’est ramené qu’à sa condition – le tout avec une certaine amertume. Ce qui nous amène à sa propre révélation et de ce fait à son émancipation. Mais pour s’y faire, il faut affronter les tempêtes et même s’il elles s’enchaînent maladroitement à la fin du périple, celles-ci complètent un portrait bien documenté sur cette figure de la cause infantile. Si la précision de son script se brouille sur sa dernière ligne droite, en terme de mise en scène, Léa Todorov s’éclipse pour laisser le champ libre à ses actrices, Leïla Bekhti et Jasmine Trinca portant La Nouvelle Femme sur leurs épaules solides avec des prestations toutes en nuances. Mieux encore, la direction des jeunes interprètes du long-métrage, subtile, aidant à la conception de moments suspendus, à l’image d’une leçon de danse improvisée (dans la narration) où les élèves se laissent porter par les mélodies jouées au piano par Lili d’Alengy, des digressions ne manquant pas de grâce et offrant une belle caisse de résonnance à l’intrigue principale.
Avec La Nouvelle Femme, Léa Todorov prend appui sur un drame historique pour dresser avec sensibilité le portrait d’une femme s’étant démenée pour l’éducation de l’enfant, Maria Montessori, dont la vie s’expose ici sous un nouveau jour.