[Critique] Chasse gardée, se rentrer dans le lard
Deux ans après avoir mis en scène Les Bodin’s en Thaïlande, Frédéric Forestier revient au cinéma en tandem avec Antonin Fourlon – qui signe là son premier long-métrage – pour […]
Pour ceux qui se font des films en séries
Deux ans après avoir mis en scène Les Bodin’s en Thaïlande, Frédéric Forestier revient au cinéma en tandem avec Antonin Fourlon – qui signe là son premier long-métrage – pour […]
Deux ans après avoir mis en scène Les Bodin’s en Thaïlande, Frédéric Forestier revient au cinéma en tandem avec Antonin Fourlon – qui signe là son premier long-métrage – pour chapeauter Chasse gardée, qui comprend au casting Didier Bourdon, Hakim Jemili, Camille Lou, Jean-François Clayrey, Chantal Ladesou, Julien Pestel et Thierry Lhermitte. Présentée en avant-première lors de la 24e édition de l’Arras Film Festival, cette comédie s’articule sur les déboires d’un couple de parisiens, pensant faire une bonne affaire en achetant une petite maison à la campagne. Sauf que celle-ci dispose d’une servitude de chasse…
Actif dans le domaine de la comédie depuis plus de vingt ans désormais, notamment par le biais de sa collaboration avec Thomas Langmann, Frédéric Forestier a pourtant du mal à faire imprimer son nom dans l’esprit du grand public, en dépit de quelques succès de taille. La principale raison ? Le fait d’avoir été aux manettes de quelques ouvrages (très) peu inspirés à l’image d’Astérix aux Jeux Olympiques, Stars 80 ou encore Mon Poussin. Passée une escapade thaïlandaise aux côtés des Bodin’s, le cinéaste effectue son retour derrière la caméra avec un petit nouveau dans le milieu, à savoir Antonin Fourlon, afin de réaliser un petit délire à la sauce forestière qui, en dépit des apparences, possède quelques atouts dans sa gibecière.
Comme son titre l’indique, Chasse gardée s’amuse des stéréotypes propres au monde rural, orientant avant tout son récit sur l’opposition entre rat des villes et rat des champs, ce qui sur le papier peut paraître casse gueule. En effet, avec un tel sujet, s’engouffrer tête la première dans l’accumulation de lieux communs est tentant. Ce qui est est ici le cas, le scénario imaginé par Antonin Fourlon suivant au départ un chemin balisé, en se consacrant à l’arrivée de citadins en pleine campagne, histoire de se mettre au vert et de s’éloigner de l’agitation parisienne. Exaspéré de vivre les uns sur les autres, Simon, Adelaïde et leurs deux filles franchissent le pas de l’exode urbain, trouvant une charmante bicoque répondant à leurs attentes dans un cadre bucolique. Mais ce que notre petite famille n’a pas réalisé, c’est que le fond de leur terrain est une servitude, chacun pouvant s’aventurer aux abords de leur jardin et de leur bois. En soi pas un grave problème, sauf quand débute la saison de la chasse, qui lance le début des hostilités entre les nouveaux locataires et leurs voisins.
Sans surprise, le quotidien dans ce havre de paix se transforme en cauchemar pour le couple, qui doivent composer avec une armada de passionnés déambulant la fleur au fusil autour d’eux et n’hésitant pas à tirer à tout va pour réguler la faune sauvage comme ils disent. Car pour couronner le tout, nos chasseurs – menés par un cultivateur acharné – ressemblent à des bras cassés, augmentant le risque de finir avec du plomb dans les fesses. De quoi semer les graines (de maïs) de la discorde entre les locataires et leurs visiteurs du week-end (sans compter d’autres jours). Une étincelle malheureusement prévisible, initiant un conflit entre deux clans ne se comprenant plus et se lançant à corps perdu dans la bataille pour ses idéaux. Et dans cette partie, tous les coups sont permis. Si les clichés ne sont pas évités, notons que le scénario tente une approche cartoonesque pour ajouter du piment à ce règlement de compte à OK Corral, ce qui, contre toute attente donne du pep’s au film une fois les hostilités réellement lancées.
Que l’on soit bien d’accord, en terme d’écriture, cela ne casse pas trois pattes à un canard mais en ne se prenant plus au sérieux et en lâchant la rampe, Chasse gardée déride les zygomatiques, au gré de quelques fulgurances auxquelles on se s’attendait pas. L’exemple le plus concret restera la chaotique séquence du banquet, où Simon, Adelaïde et son avocat de père, voient leur tentative d’intimidation se transformer en soirée de franche camaraderie, au gré des bouteilles vidées, de la cochonaille graillée et d’une farandole endiablée sur du Patrick Sébastien. C’est chaud, c’est chaud ! Quand Antonin Fourlon lâche les rênes – ou plutôt les sangliers – la pantalonnade prend et nous fait dire qu’il aurait été préférable de faire une sortie de route totale sur l’autoroute du délire, comme le symbolise l’intrigue tournant autour du personnage de Julien Pestel, un péquenaud au grand cœur, voyant son rapport à la chasse transformé par une histoire d’amitié qui ne manque pas de sel (ni de poils). Ne dit-on pas copains comme cochons ?
Il est indéniable que le potentiel était là pour que le curseur soit poussé au maximum vers l’anarchie mais en restant sur une trajectoire prévisible, le délire manque de puissance, ce qui est dommage. D’autant plus qu’une partie du casting s’éclate à l’écran, le tout sous le commandement d’un Didier Bourdon inspiré, ce dernier s’y connaissant en matière de chasse (il y a les bons et les mauvais…vous connaissez la suite). Mieux encore, la présence d’Antonin Fourlon aide Frédéric Forestier à donner du rythme à sa mise en scène, le tandem étant également en forme quand il s’agit d’user des codes cinématographiques liés à la guerre pour que leur distribution se rentre dans le lard dans la joie et la bonne humeur.
La fleur au fusil, Frédéric Forestier et Antonin Fourlon s’engouffrent dans une comédie champêtre joyeusement bordélique avec Chasse gardée, où rats des villes et rats des champs se rentrent dans le lard à coups de stéréotypes.