Six ans après La Mélodie, Rachid Hami effectue son retour derrière la caméra avec Pour La France, qui réunit Karim Leklou, Shaïn Boumedine, Lubna Azabal, Samir Guesmi, Lyes Salem, Slimane Dazi ou […]
Six ans après La Mélodie, Rachid Hami effectue son retour derrière la caméra avec Pour La France, qui réunit Karim Leklou, Shaïn Boumedine, Lubna Azabal, Samir Guesmi, Lyes Salem, Slimane Dazi ou encore Laurent Lafitte au casting. Au cœur du long-métrage, la quête de vérité d’un frère à la suite du décès de son cadet durant un rituel d’intégration…
Pour sa seconde réalisation, Rachid Hami évoque la puissance des liens du sang à travers un drame des plus personnels, le cinéaste puisant dans son propre vécu pour retracer le parcours d’un homme d’honneur, qui n’est autre que son frère, Jallal. D’une douleur intime, découle un hommage pudique, prenant le pas d’une odyssée à travers les époques et les continents pour écrire le roman d’un destin contrarié.
On imagine aisément la difficulté de se raconter à travers une œuvre, d’autant plus lorsque la tragédie se fait prégnante. Comment aborder le deuil et l’historique familial, dans un tel cas de figure ? Une question dont les réponses sont multiples, tout dépendant de la sensibilité de l’auteur de l’exercice autobiographique. D’un fait divers l’ayant touché lui et ses proches au plus près, Rachid Hami peint avec finesse un triptyque riche en nuances, chaque tonalité, chaque coup de pinceau servant à exprimer les blessures d’un passé si présent, afin de former un tout uniforme. Tirant profit de ses différents niveaux de lecture, ce tableau prenant vie devant nos yeux ouvre à la réflexion, à l’émotion du spectateur. Plus qu’un portrait en clair-obscur, Pour La France se veut un symbole quant à l’intégration, l’acceptation, en revenant sur le parcours d’une fratrie marquée par les épreuves.
Accompagné à l’écriture par le philosophe Ollivier Pourriol, le cinéaste s’engage sur le chemin de la dignité avec un tact et une retenue exemplaire, la colère froide des débuts laissant rapidement place à une introspection sur la nature des relations humaines, tandis que les conséquences d’une séance de bahutage fracture une famille et terni l’image d’une institution. Comme le rappelle amèrement l’introduction du long-métrage, la tenue d’un rituel d’intégration dans la prestigieuse École Militaire de Saint-Cyr, se solde par un décès, celui de Aïssa, âgé d’une vingtaine d’années. Devant faire face à une Armée peinant à reconnaître ses responsabilités, Ismaël, son grand frère, se lance alors dans une quête de vérité. Une recherche initiant un voyage intérieur où les souvenirs se dissipent de la brume d’un présent douloureux.
Si l’on pensait initialement que Pour La France s’articulerait en majeure partie sur cette plongée dans les arcanes de la Grande Muette, Rachid Hami adopte une approche plus universaliste, la fresque qu’il tisse ayant une visée des plus larges, traitant d’intégration, d’identité. De quoi donner une envergure romanesque à la trajectoire d’Aïssa et Ismaël, gagnant en profondeur au gré des épreuves traversées. Car le véritable cœur du long-métrage est la relation entre les deux frères, faite de dissensions et non-dits, donnant une résonance particulière à ce drame intime. De l’Algérie à la France en passant par la Corée du Sud, d’engueulades en retrouvailles, le parcours de ces fils, de ces frangins ne fait qu’appuyer la puissance émotionnelle de la perte de cet être cher, arraché injustement aux siens. Une histoire fraternelle trouvant son apogée dans un ultime acte faisant office d’instant suspendu, refermant sur une note de légèreté à un homme engagé, aimé des siens et de ses pairs.
Un bien bel hommage qui, en plus de la finesse de son scénario, puise sa force dans la prestation d’une distribution investie à la cause du réalisateur, Karim Leklou et Shaïn Boumedine en tête – le tandem tirant vers le haut ce film délicat.
Avec Pour la France, Rachid Hami rend un hommage vibrant à son frère, saluant la mémoire d’un homme d’honneur par le biais d’un drame délicat s’engageant avec finesse sur les chemins de la fraternité.