[Critique] Abbott Elementary, enseigner ou l’art de la débrouille
Tandis que l’heure de la rentrée a sonné, intéressons-nous à une série qui parle justement du système scolaire à savoir Abbott Elementary, qui a fait ses débuts lors de la […]
Pour ceux qui se font des films en séries
Tandis que l’heure de la rentrée a sonné, intéressons-nous à une série qui parle justement du système scolaire à savoir Abbott Elementary, qui a fait ses débuts lors de la […]
Tandis que l’heure de la rentrée a sonné, intéressons-nous à une série qui parle justement du système scolaire à savoir Abbott Elementary, qui a fait ses débuts lors de la saison 2021/2022 outre-Atlantique et a su se faire remarquer. Créée par Quinta Brunson, qui occupe également le devant de la scène, la sitcom réunissant également Sheryl Lee Ralph, Lisa Ann Walter, Chris Perfetti, Tyler James Williams et Janelle James a débarqué cet été sur Disney +, de quoi donner l’occasion de découvrir les mésaventures de ces professeurs d’une école publique de Philadelphie, qui semble plaire à la fois au public et à la critique.
Repérée sur Instagram au milieu des années 2010, Quinta Brunson aura progressivement grimpé les échelons de l’industrie, passant de fournisseuses de contenus humoristiques pour BuzzFeed à actrice et scénariste. Un parcours gravissant un échelon supplémentaire – et non des moindres – avec Abbott Elementary, série dont elle est l’instigatrice, multipliant ainsi les casquettes devant et derrière la caméra. Au programme de ce premier projet pour un grand network, en l’occurrence ABC, une plongée au cœur du système éducatif américain ne manquant pas d’atouts dans sa manche pour gagner de points au tableau d’honneur grâce à une formule efficace pour que la réussite soit en ligne de mire.
Puisant dans son expérience personnelle pour nourrir sa création, ayant elle-même grandit à Philadelphie (pour l’anecdote le titre du show rend hommage à l’une de ses professeures, Ms Abbott), la showrunneuse s’emploie à pointer les dysfonctionnements d’un totem autrefois inébranlable qui tel le Titanic prend progressivement l’eau de toutes parts sans provoquer de réactions dans les hautes sphères du gouvernement : l’école. Une institution malmenée, principalement dans le secteur publique, comme le démontre cette sitcom qui allie avec ferveur le fond et la forme pour traiter de problématiques pertinentes dans la joie et la bonne humeur. D’une réalité plutôt déprimante avouons-le, Quinta Brunson et ses équipes en tire une comédie bienveillante et humaniste, jouant la carte de l’optimisme en opposition à la fatalité, pour un résultat convaincant. Pour son entrée en la matière, Abbott Elementary se révèle être une élève assidue, sachant capitaliser sur ses qualités pour amadouer le jury, c’est à dire le public.
En plus d’un ancrage judicieux, le cadre scolaire se faisant le reflet de la société, la série tire profit de son format, à savoir le mockumentaire – modèle de réalisation notamment popularisé par The Office ou Modern Family – un accessoire qui, bien utilisé peu appuyer les messages envoyés par les scénaristes et surtout renforcé l’humour en créant le décalage nécessaire entre la parole et les actes. Ce qui est définitivement le cas ici, le faux documentaire aidant à consolider à la fois la cohésion de l’intrigue mais également des personnages. L’esprit d’équipe règne en maître et chacun à son rôle à jouer, ce qui est un bon point, d’autant plus que le casting est dévoué à sa tâche, accélérant à une vitesse non négligeable l’empathie pour ces personnages devant se débrouiller avec les moyens du bord pour exercer leur métier.
Fraîchement arrivée au sein de Willard R. Abbott, une école primaire de quartier, Janine navigue à vue dans un environnement moins glamour qu’il n’y paraît, devant composer avec ses collègues, une directrice peu commode et des bouts de ficelle pour mener à bien ses projets pédagogiques. Une situation précaire qui ne va entamer ni sa volonté ni son enthousiasme, l’institutrice apprenant sur le tas à saisir les aspérités de sa profession, au gré de ses interactions avec ses pairs et des défis rencontrés – qui sont légions dans l’établissement. Observer le personnel enseignant empêtré dans leur galère quotidienne, entre une classe à gérer et les difficultés inhérentes à un manque cruel de budget à appréhender, se révèle sympathique à suivre grâce à cette approche tragi-comique voulue par les scénaristes, à un rythme soutenu.
Les ambitions des uns et des autres pour mener leur barque comme ils le souhaient se heurtent constamment à ce mur qu’est la réalité, souvent symbolisée par une hiérarchie complètement à la ramasse – un contraste renforçant de ce fait le constat de ce système à bout de souffle, exacerbant les inégalités. Une dimension sociale d’ailleurs traitée avec finesse, l’humour des diverses situations cocasses expérimentées par Janine et ses collègues servant à faire passer en douceur la pilule quant à l’état délétère dans lequel se retrouve l’éducation nationale, complètement dépouillée par les politiques successives. Face à l’adversité, rien de mieux que que l’union, une leçon peaufinée tout du long de cette première saison qui, en treize épisodes expose avec légèreté le combat de ces hommes et ces femmes pour instruire leurs élèves et leur donner les moyens de réussir. De quoi ressortir de la salle de classe avec le sourire aux lèvres.
Avec Abbott Elementary, Quinta Brunson pointe du doigt les carences d’un système éducatif à la ramasse dans la joie et la bonne humeur en se servant à bon escient des codes de la sitcom. En résulte un petit délire plaisant à suivre, trouvant avec aisance la marche à suivre pour remporter l’adhésion. Avec cette entrée en matière, il n’y a plus qu’à espérer que la seconde saison soit du même acabit.