Trois ans après La Femme De Mon Frère, Monia Chokri effectue son retour derrière la caméra avec Babysitter, comprenant au casting Patrick Hivon, Monia Chokri, Nadia Tereszkiewcz, Steve Laplante ou encore Hubert Proulx. Adapté de la pièce éponyme de Catherine Léger, le long-métrage nous fait suivre le parcours résilient de Cédric, jeune papa suspendu par son employeur à la suite d’une blague sexiste ayant eu un écho retentissant…

Si nous la connaissons davantage comme actrice, Monia Chokri a démontré ces derniers temps qu’elle possédait plusieurs cordes à son arc dont celle d’avoir un univers propre à elle, une patte se traduisant dans son travail en tant que réalisatrice. Ainsi, après La Femme De Mon Frère, la cinéaste transforme l’essai avec Babysitter, une fable envoûtante prenant le parti de l’onirisme et du fantasque pour souligner des problématiques inhérentes au patriarcat, chappe de plomb planant en permanence au-dessus de la gente féminine. Une obscure réalité mise en lumière de manière originale, la légèreté s’alliant à la causticité pour démonter comme il se doit ces diktats issus d’un autre temps – et montrer qu’une évolution des mœurs est possible.

Pour porter à l’écran comme il se doit la pièce à l’origine du projet, quoi de mieux que de s’associer à sa génitrice ? Catherine Léger, officie de ce fait en tant que scénariste sur cette adaptation, un choix judicieux permettant de ne pas trahir son texte et de renforcer son propos par le biais du langage cinématographique. En privilégiant l’instauration d’une atmosphère poétiquement étrange, où l’étalonnage ainsi que la photographie jouent délicieusement la carte du rétro et du kitsch, l’absurdité du monde des hommes n’en est que plus exposée. Un côté décalé qui sied à merveille à cette comédie satirique prenant plaisir à mettre ces messieurs devant leur contradictions et leur bêtise – souvent crasse. Une démonstration sans équivoque allant de pair avec la dénonciation d’une société à deux vitesses. Un double exercice qui prend la forme d’un parcours de résilience un brin barré, où l’expiation de pêchés entraîne une remise en cause fondamentale du système régissant les rapports hommes/femmes.

Ne perdant pas une minute pour exposer les dérives de la misogynie, l’intrigue du long-métrage va droit au but en nous montrant un dérapage pouvant sembler anodin pour certains, mais qui est pourtant une preuve infaillible d’un double-standard quant à la question du consentement. Durant une soirée arrosée avec des collègues, Cédric embrasse sur la joue une journaliste en plein duplex, un geste qu’il va bien vite regretter tant il va susciter un émoi d’un bout à l’autre du Québec en créant le buzz. Symbole malgré lui du sexisme ambiant dans le monde actuel, ce dernier va subir les conséquences de son acte et se retrouver dans une position délicate. Cherchant à se racheter suite à l’effet boule de neige de ce baiser non désiré, notre homme va se lancer dans l’écriture d’un livre à destination du sexe opposé. Une entreprise cocasse, servant de moteur à la quête existentielle se mettant progressivement en place.

Car des élucubrations de Cédric et de ses comparses masculins, dont les théories fumées et fumantes sur les femmes servent à creuser le fossé entre les genres, se dessine un parcours libérateur pour l’autre personnage central de Babysitter, son épouse Nadine – qui va sortir de sa léthargie en étant entraînée par la spirale initiée par sa tendre moitié. En proie à une dépression post-partum, la jeune maman est prise au piège des conventions, dans un rôle qu’elle a du mal à endosser. Minée par une vie sans artifices, cette dernière ne s’épanouit plus, s’enfonçant dans une morne existence. C’était sans compter sur la tentative de déconstruction de son mari qui, en cherchant à s’acheter une conduite, l’amène également à remettre en question son existence et la case qu’elle occupe, aussi définit soit-elle. Ainsi, de cette misogynie ambiante naît contre toute attente le vent du changement, celui-ci prenant la forme d’une nourrice – engagée par soucis de fénéantise, Cédric ayant de plus hautes aspirations que de s’occuper de son bébé une tâche des plus ardues.

Une arrivée fracassante synonyme de césure, la pétillante Amy redistribuant les cartes pour que la partie reprenne de plus belle, dynamitant les rapports entre nos différents protagonistes afin de mieux cerner le nœud du problème quant à un système patriarcal pour le moins archaïque, dont il faut s’éloigner. Alors que le climat se tend et que les têtes se mettent à tourner, l’envie de se détourner de cette mécanique qui a tant profiter aux hommes prend de l’ampleur, Monia Chokri mettant à profit son sens de la créativité pour donner du poids aux message dilués par Catherine Léger. Grâce à son sens de la mise en scène, bardée de trouvailles visuelles – renforçant l’aspect quasi surnaturelle du film – ainsi qu’à sa direction d’acteurs – sa performance ainsi que celle de Nadia Tereszkiewcz étant un atout indéniable à la qualité de l’œuvre – la cinéaste signe avec Babysitter un objet filmique iconoclaste et pour le moins réussi.

© Babysitter Le Film Inc. _ Phase 4 Productions

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