En Octobre 2018, Venom débarquait sur grand écran pour un film-solo couronné de succès – financièrement parlant – avec un box office mondial s’élevant à 856M$, ce qui a logiquement donné des idées à Sony Pictures, bien déterminé à développer son Spider-verse. Ainsi, trois ans plus tard, les (més)aventures d’Eddie Brock et de son symbiote d’infortune continuent avec Venom : Let There Be Carnage, mis en scène par Andy Serkis. Comprenant au casting Tom Hardy, Michelle Williams, Woody Harrelson, Naomie Harris, Reid Scott et Stephen Graham, cette suite marque l’arrivée d’un adversaire de taille pour notre tandem, Carnage…

S’il a su satisfaire Sony Pictures, engrangeant un bon paquet de billets verts, qualitativement parlant on ne peut pas dire que Venom ait laissé un souvenir impérissable au public, bon nombre de fans du personnages et de l’univers Marvel ayant le long-métrage au travers de la gorge. Face aux critiques formulées, le studio a t-il appris de ses erreurs ? Remplaçant Ruben Fleischer par Andy Serkis, qui commence à consolider sa carrière de réalisateur, l’espoir était permis. D’autant plus lorsque le spectre de Carnage plane au-dessus de nos têtes, pouvant préfigurer d’une suite plus aboutie. Hélas, trois fois hélas, la leçon n’a absolument pas été retenu, Venom : Let There Be Carnage s’embourbant dans la trajectoire qu’elle devait fuir, donnant lieu à une expérience cinématographique pour le moins désagréable.

On ne peut pas dire que nos exigences étaient élevées – surtout après avoir visionné le premier opus – mais tout de même, face à un tel résultat, difficile de trouver de quoi défendre le film tant celui-ci se complait dans ses défauts et exubérances. Que ce soit devant ou derrière la caméra, personne ne semble se soucier de la portée de cet ovni, chacun venant cachetonner et participer à la nouba sans réelle prétention. Ainsi, en mettant l’emphase sur le côté buddy movie, qui faisait le ‘charme’ de son prédécesseur, ce nouveau chapitre préfère se concentrer sur les délires propres à la relation Eddie/Venom plutôt que de porter un minimum de soin à sa dramaturgie, malgré des enjeux qui ne manquaient pas de potentiel avec l’entrée en piste du tueur en série Cletus Kasady. Dans les comics, celui-ci est un ennemi coriace et vorace, faisant des ravages associé au symbiote Carnage, ce qui avait de quoi donner un contrepoids à la légèreté distillée, l’interdiction aux moins de douze ans semblant être un indice quant à la violence de ce volet. Pourtant, malgré cela, Venom : Let There Be Carnage se révèle rapidement être une pantalonnade où la seule chose de sombre s’avère être la photographie de Robert Richardson.

Au menu de cette suite, la confrontation entre Eddie Brock et Kasady, dérivant sur la naissance d’un nouvel organisme extraterrestre – destiné à semer le chaos sur son passage. Un conflit qui aurait dû être le plat de résistance de l’intrigue mais qui se retrouve contre toute attente reléguée au second plan, les scénaristes préférant donner de la consistance aux différentes crises de couples émaillant le long-métrage. Ainsi, le script, concocté par Kelly Marcel avec l’aide de Tom Hardy aurait pu s’intituler scènes de ménages, tant l’accent est porté sur les chamailleries de chacun, avec des relations humains/Klyntar étant loin d’être au beau fixe. De ce fait, la menace que devait constituer Carnage ne prend jamais forme, la caractérisation du symbiote étant des plus sommaires, sa soif de sang se résumant à vouloir ‘tuer le père’ sans aucune explication. Du côté de son alter-ego, nous ne sommes pas mieux lotis, les préoccupations de notre serial killer étant d’ordre sentimentales entre la volonté de retrouver l’être aimé et de tisser des liens avec le journaliste qui a scellé son destin. Peu d’éléments dramatiques à se mettre sous la dent donc, l’idée étant de proposer un divertissement tout en légèreté, proche de la comédie.

Une démarche qui pourrait fonctionner s’il y avait une once d’envie dans l’esprits de ceux ayant participé à mettre en marche active cette saga Venom. On ne peut que ressentir à l’écran cette sorte de je-m’en-foutisme, qui nuit à l’équilibre du film, qui vient conforter que Sony Pictures attend patiemment que leur partenariat avec Marvel Studios permette de donner une raison d’être à leur Spider-verse en construction. Sans réel tisseurs de toiles dans les parages, cet univers connecté ne fait que brasser de l’air (et des dollars), sans véritable but pour le moment. Preuve ultime, cette propension à vouloir se diriger vers la comédie tout en restant inoffensif alors que vu sa catégorie, le délire aurait pu être poussé plus loin, vers le trash (on parle quand même d’un alien mangeur de tête). Car l’humour, ici omniprésent, n’est pas un réel contresens avec les comics, Venom étant un fervent adepte du sarcasme et de la réplique qui tue. D’ailleurs, malgré la pauvreté du scénario, certains traits d’humeur de ce cher symbiote prête à sourire – une bien maigre consolation.

Il est dommage de voir les deux maillons formant ce Lethal Protector – que cherche à devenir Venom dans cette suite – en soient réduits à n’être que des faire-valoir sacrifiés sur l’autel de la dérision, leurs querelles de couple prenant le pas sur le divertissement – Let There Be Carnage ressemblant plus à une comédie de boulevard qu’à un blockbuster super-héroïque. Sauf que dans cette cour de récréation qu’ont été les plateaux de tournages, les grimaces de Tom Hardy et de ses camarades de jeu – en particulier Michelle Williams et Woody Harrelson – ont du mal à prendre sur le public, héritant d’un matériel bas de gamme laissant peu de place à la nuance. Même au niveau de la réalisation, l’impression que Andy Serkis se soit tourné les pouces est forte, sa mise en scène étant anonyme et sans aspérités. Saluons néanmoins un meilleur sens du cadre, qui apporte une timide plus-value par rapport à son prédécesseur, notamment dans le domaine de l’action. Contrairement à son prédécesseur, cet opus dispose d’un dernier acte lisible, la bouillie numérique servie précédemment par Ruben Fleischer – avec un combat final rushé et épileptique – étant atténuée, avec un (unique) face-à-face entre Venom et Carnage qui n’est pas hideux.

Partant d’une recette peu ragoûtante, Venom : Let There Be Carnage aurait pu modifier quelques ingrédients pour rendre la soupe servie mieux appréciable mais préfère en rajouter une couche, en résultant une suite peu recommandable. Malgré l’arrivée d’Andy Serkis derrière la caméra et de Woody Harrelson et Naomie Harris devant, rien ne change dans le petit monde des symbiotes, où la comédie de bas étage parasite toute volonté de prendre de la hauteur. Après deux volets plutôt faiblards, Venom parviendra t-il à redresser la tête ? Seul l’avenir nous le dira…

© Sony Pictures

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