[Critique] La Mission, l’État sauvage
Deux ans après Un 22 Juillet, Paul Greengrass est de retour derrière la caméra avec La Mission, adaptation du roman Des Nouvelles du Monde (News Of The World en V.O.) de Paulette Jiles. Initialement prévu […]
Pour ceux qui se font des films en séries
Deux ans après Un 22 Juillet, Paul Greengrass est de retour derrière la caméra avec La Mission, adaptation du roman Des Nouvelles du Monde (News Of The World en V.O.) de Paulette Jiles. Initialement prévu […]
Deux ans après Un 22 Juillet, Paul Greengrass est de retour derrière la caméra avec La Mission, adaptation du roman Des Nouvelles du Monde (News Of The World en V.O.) de Paulette Jiles. Initialement prévu pour sortir sur grand écran – ce qui a étéle cas sur le sol US -, le long-métrage a été racheté par Netflix pour sa distribution internationale. Celui-ci, comprenant au casting Tom Hanks, Helena Zengel, Elizabeth Marvel, Bill Camp, Ray McKinnon ou encore Mare Winningham, nous faisant suivre un vétéran de la guerre de Sécession dont le quotidien va être bouleversé suite à sa rencontre avec une jeune orpheline…
Avec La Mission, Paul Greengrass s’aventure dans le domaine du western en livrant une odyssée mouvementée dans l’Ouest américain, signant une première incursion maitrisée dans le genre grâce à la combinaison de son savoir-faire et du propos de Paulette Jiles. qui dresse un constat peu reluisant d’une Amérique divisée.
L’après Guerre de Sécession est une période historiquement trouble pour les États-Unis et il est toujours intéressant de voir des œuvres aborder les nuances de gris propre à cette époque transitoire, d’autant plus lorsque cela résonne fortement avec l’actualité. Ces zones d’ombre et cet effet miroir sur notre monde contemporain sont ce qui faisaient la force du roman de Jiles, il est donc rassurant de voir que ces éléments soient parmi ceux qui ont retenu l’attention de Paul Greengrass et de son co-scénariste Luke Davies, qui alimentent ce voyage nous entraînant aux abords de la frontière entre le Texas et le territoire indien.
Dans cette contrée réputée hostile, nous suivons le périple du capitaine Jefferson Kyle Kidd, un vétéran de ce conflit ayant opposés l’Union et la Confédération, qui déambule de ville en ville pour rapporter les nouvelles du monde extérieur et tenir les habitants informés de ce qui se passe autour d’eux. Un colporteur désabusé, ne semblant pas à sa place dans cet environnement dans lequel il navigue, trouvant finalement un nouveau but dans sa vie à travers sa rencontre fortuite avec une orpheline. Voulant lui venir en aide, notre ancien soldat se voit alors confier la mission de ramener cette enfant dans sa famille proche, celle-ci leur ayant été arrachée par la tribu Kiowa des années auparavant. Leur parcours commun, entre les plaines du Texas, ne va pas être de tout repos.
En compagnie de Johanna, le capitaine s’évertue à maintenir son activité et à narrer les coupures de journaux tout en s’attelant à la conduire chez les siens. Sur ce long chemin du retour, nos comparses vont essayer de se comprendre, une chose qui n’est pas si simple étant donné que chacun vient d’un univers différent, la jeune fille ayant été elevée parmi le peuple Kiowa. Une barrière érigée entre nos compagnons d’infortune, qui s’ouvre petit à petit, au gré des épreuves subies. Si cette intrigue principale est convenue, avec un récit initiatique servant à mettre en avant l’attachement progressif de deux êtres que tout oppose, il n’empêche qu’on se laisse aisément embarquer dans ce convoi.
Premièrement grâce à la performance de Tom Hanks, qui fait également ses premiers pas dans le western et s’y immisce comme un poisson dans l’eau, composant avec un personnage qui lui ne l’est pas. Le capitaine Kidd est un homme brisé en son fort intérieur par la guerre et ses conséquences sur sa propre existence, un mal être que retransmet parfaitement l’acteur qui se montre une fois de plus sensible et sincère dans son jeu. Apprécions son côté paternel qui prend progressivement le dessus au fur et à mesure de l’avancée du film, qui permet de faire fonctionner à merveille son tandem avec Helena Zengel. Après avoir été repérée dans Benni, l’actrice allemande révèle un peu plus son potentiel avec ce rôle de Johanna, enfant sauvage ne comprenant pas le fonctionnement de cet univers dans lequel elle se retrouve subitement, un sentiment de confusion qui resurgit dans son interprétation, intense. Le lien qui se créé à la fois entre les deux comédiens/protagonistes fonctionne à l’écran et même si le dénouement de leur odyssée est connue d’avance, on se plaît à suivre leur trajectoire.
Deuxièmement grâce à l’écriture de Paul Greengrass et Luke Davies, dont le sous-texte politique ajoute une densité non négligeable. Les mésaventures de Kidd et Johanna aident à dresser la peinture d’une Amérique à un croisement de son histoire, se trouvant à la fois hantée par les fantômes de la Guerre de Sécession et au bord d’un renouveau. Tout n’est pas noir ou blanc, tout est dans la nuance, heureusement de mise ici où chacun à sa part d’ombre, que ce soit l’homme en général mais également la cavalerie ou les peuples indigènes, ce qui permet une recontextualisation intéressante sur cette époque transitoire, qui se traduit notamment par le choix de situer cette traversée de part et d’autre du Texas. Cet État sudiste a en effet mis du temps à accepter son rattachement à l’Union durant la Reconstruction, refusant les nouvelles règles démocratiques établies dont- entre autres – l’abolition de l’esclavage.
Ce refus d’une certaine autorité et ce racisme sous-jacent témoignent d’une Amérique fracturée, reflétant la situation actuelle de la nation, d’autant plus lorsque la problématique des ‘fake news’ est frontalement abordée. Des thématiques pertinentes qui renforcent le propos du film et font ressortir l’humanisme émanant du tandem Kidd/Johanna, soulignant que malgré les différences sociales, culturelles, il y a toujours un moyen de communiquer, de se comprendre. Un message certes simple mais qui prend corps grâce à l’univers développé.
Concernant la réalisation, il est assez amusant de constater que Paul Greengrass met de côté son style de mise en scène, à l’exception d’une séquence pivot au coeur des rocheuses où l’utilisation de la caméra à l’épaule est au programme. Ce dernier s’efface donc fait au profit d’un certain académique, qui sert ici le genre, avec un soin porté sur la beauté des paysages, mis en valeur via une profusion de plans larges de toute beauté, sublimés par la photographie lumineuse de Dariusz Wolski. Cette vision du grand Ouest, où la nature s’étend à perte de vue, lorgne du côté de John Ford et l’on ressent cette influence à l’écran.
De facture classique, La Mission n’en reste pas moins un western captivant à suivre grâce à son scénario – qui tient sa force de l’oeuvre de Paulette Jiles dont il est adapté – et au duo complémentaire formé par un Tom Hanks toujours impeccable et de la jeune Helena Zengel, qui poursuit son ascension dans le monde du septième art. Paul Greengrass nous invite à une balade plaisante entre les plaines.