Quelques mois après la sortie du documentaire Journal d’Amérique, Arnaud des Pallières effectue son retour à la réalisation avec Captives, qui comprend au casting  Mélanie Thierry, Josiane Balasko, Marina Foïs, Yolande Moreau, Carole Bouquet, Miss Ming, Dominique Frot, Agnès Berthon, Lucie Zhang, Elina Löwensohn ou encore Solène Rigot. Soit une plongée dans les couloirs de l’hôpital de la Salpêtrière à l’époque où celui-ci était encore un établissement psychiatrique destinée aux femmes…

Pour son retour à la fiction, Arnaud des Pallières oriente son regard vers le monde médical, dénonçant les abus d’un système de santé parfois défaillant quant à sa mission première, en mettant en lumière les zones d’ombres l’Hôpital de la Salpêtrière à une époque où celui-ci était un asile pour aliénées réputé – se faisant malgré lui le symbole des inégalités inhérentes au XIXe siècle en terme de patriarcat et de condition sociale. Un contexte historique puissant qui, depuis quelques années nourrit la littérature et le septième art, notamment avec Le Bal des Folles, roman de Victoria Mas adapté en 2021 par Mélanie Laurent, dont Captives se veut un proche parent, se servant également des codes du drame pour pointer du doigt les dérives d’un univers carcéral miné par le sexisme, les luttes de pouvoir, l’iniquité, tout en adoptant une approche sensiblement différente en terme de storytelling. De quoi offrir un éclairage nouveau sur un sujet similaire.

Au coeur du récit tissé par le cinéaste et sa coscénariste Christelle Berthevas, le chemin de croix empruntée par Fanni, une femme se faisant interner volontairement au sein de ce haut-lieu de la psychiatrie, avec un but précis en tête. Retrouver sa mère qui, d’après ses recherches, serait internée entre les quatre murs de l’établissement depuis des décennies. Une quête personnelle servant de moteur de l’intrigue, car de l’expérience vécue par notre protagoniste se précise une critique d’une infrastructure déshumanisante, avec un angle de vue s’élargissant au gré des épreuves subies par cette dernière et ses compagnes d’infortune. Ce qui se révèle être une amorçe scénaristique certes classique mais efficace pour pointer du doigt d’obscures exactions comme c’est le cas ici présent, du regard ‘neuf’ de Fanni s’exposant au grand jour les dérives d’une hiérarchie abusant de ses patientes.

Conditions spartiates et dégradantes, abus de pouvoir de figures d’autorité et des hommes, la vie à la Salpêtrière se rapproche du calvaire que du parcours vers la guérison pour ces femmes s’y retrouvant enfermés, souvent pour des raisons arbitraires et injustes. Un sentiment d’injustice gagnant en profndeur alors que notre héroïne multiplie les épreuves entre traitements de chocs et rapports parfois houleux avec ses comparses. Mais dans l’adversité, l’union peut devenir une force. Ce que cherche à souligner avec force Arnaud des Pallières, que ce soit dans l’écriture mais également dans la mise en scène, privilégiant les plans caméra à l’épaule pour accentuer la fébrilité de la situation ambiante et reste près de ses actrices pour leur donner la part-belle, à commencer par Mélanie Thierry, qui magnétise l’écran – bien aidée notamment par une Josiane Balasko tirant profit de l’ambiguïté propre à son personnage de surveillante générale plutôt obtue.

Sauf que l’on aurait aimé davantage d’équilibre dans le scénario pour que Captives ait un réel impact niveau dramaturgie, car l’investigation de Fanni ne se marie pas toujours avec les trajectoires de ses camarades de chambré qui, à force de se multiplier se parasitent au final. De ce fait, difficile pour la majorités de nos détenues d’exister malgré des pistes d’évolution ne manquant pas de potentiel pour certaines, évoquant des tragédies humaines ou des actions scandaleuses de la part de la genre masculine, à l’image de l’incarcération de Hersilie (incarnée par Carole Bouquet) qu’elle doit à son propre frère pour une question d’héritage. Ce qui donne de l’eau au moulin d’Arnaud des Pallières quant à la dénonciation de cette misogynie qui n’a plus sa place dans notre société. Il est juste regrettable que cette surpopulation porte préjudice aux différentes histoires contées, ralentissant de ce fait le rythme du long-métrage, qui cherche à raccrocher les wagons dans un acte final où le fameux bal des folles cristallise toutes les storylines pour tenter de trouver une porte de sortie convenable à Fanni, sa mère et les autres patientes de cette prison qui ne dit pas son nom.

Avec Captives, Arnaud des Pallières renoue avec la fiction, livrant un drame fébrile sur la condition féminine au XIXe siècle synonyme d’immersion troublée dans les couloirs de la Salpêtrière – servie par des comédiennes investies.

© Wild Bunch

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