Neuf ans après son adaptation de Gatsby Le Magnifique, le réalisateur Baz Luhrmann revient dans la lumière des projecteurs avec Elvis, un biopic consacré au King du rock n’ roll, comprenant au casting Austin Butler, Tom Hanks, Olivia DeJonge et nous faisant suivre le parcours vers la gloire d’Elvis Presley, sous la supervision de son manager le Colonel Parker…

En gestation depuis près d’une décennie dans l’esprit de Baz Luhrmann, Elvis est sans nul doute la synthèse de la grammaire cinématographique du cinéaste, son sens de la narration – reconnaissable entre mille – alimentant avec frénésie un biopic prenant le pouls d’une Amérique en pleine mutation, le parcours en dents de scie du King allant de pair avec les tumultes d’une époque où l’instabilité était de mise. En résulte alors une chronique s’assimilant à un opéra rock clinquant, multipliant les fulgurances pour mieux nous en mettre plein la vue.

S’il est clair que son style pour le moins exubérant pourra en épuiser certains, reconnaissons que le réalisateur trouve avec ce projet de cœur de quoi nourrir ses obsessions, la légende d’Elvis Presley lui servant d’écrin de choix pour orchestrer une tragédie flamboyante où l’ascension vers la gloire s’apparente à de la poudre aux yeux, à un numéro d’illusionniste déchirant le voile de la réalité. Un parti-pris dramaturgique se révélant rapidement payant, le long-métrage se servant des outrances et paradoxes propres à cette mascarade dans le but d’éclaircir au maximum ses enjeux. Car ce qui compte ici, en plus du parcours d’un homme face à son destin, ce sont les rapports de forces s’établissant entre faibles et puissants, opprimés et oppresseurs. Ainsi, deux combats se déroulent en simultané sur scène, celui pour les droits civiques (le rock n’ roll est dérivé de la culture afro-américaine, dans laquelle a baigné l’artiste depuis sa tendre enfance) ainsi que celui pour le contrôle créatif.

Ratissant large, le show proposé par Lurhmann se joue sur plusieurs tableaux afin de composer une fresque lyrique tourbillonnante, aspirant tout sur son passage durant près de deux heures quarante. Pour s’y faire, le scénario prend le point de vue du colonel Parker, manager d’Elvis Presley, un ersatz de Méphistophélès passé maître dans l’art de la mesquinerie. Personnage machiavélique, notre charlatan fait office de narrateur, aidant à une remise en contexte quant au drame se nouant pour l’idole en devenir de l’Amérique. De ses élucubrations et excès, se dessine un drame en devenir, tandis qu’il prend sous son aile notre chanteur – une poule aux œufs d’or qui ne sait pas ce qui l’attend. Aussi prolifique et luxuriant soit-il, ce pas de deux vers la gloire, se transforme progressivement un piège bien rodé – dissimulé sous un tapis de mensonges et manipulations. Tel un prestidigitateur, Parker mène son petit monde à la baguette, ses tours de passe-passe créant un mirage dans lequel s’épanouit le King – avant de s’y laisser sombrer.

Une descente vers le mauvais côté du show-business qui nourrit une seconde partie de métrage emplie d’amertume, contrastant sévèrement avec l’euphorie des débuts. Le miroir se brise, laissant entrevoir les grossières ficelles reliant le pantin à son marionnettiste, en pleine phase de désillusion. De ce double effet Kiss-Cool qui renforce l’aura de Presley, dont le portrait se révèle au final plus contrasté qu’il n’y paraît – même si l’on pourra regretter que le côté face de l’icône du rock soit soit un peu lisse (le réalisateur a confirmé des coupes à ce niveau, son cut initial avoisinant les quatre heures selon ses dires). Ce qui est électrique par contre, est la prestation sans faille d’Austin Butler, qui créé la sensation dans le costume du King, qui lui sied à merveille. La ressemblance est bluffante, tout comme son jeu de jambes – l’illusion est parfaite. A ses côtés, Tom Hanks – affublé de prothèses – s’éclate dans la peau du Colonel Parker, incarnant non sans une certaine malice une ordure bigger than life. Complémentaire, notre tandem porte le film sur leurs épaules, aidant à capter l’attention du public, même lorsque la grandiloquence dérivant de la mise en scène de Baz Luhrmann donne le tournis – ce qui arrive parfois.

Dans un style électrisant qui lui est propre, Baz Luhrmann concocte un numéro d’illusionniste pour le moins grandiloquent avec Elvis, exercice de style lyrique exposant le King sous une lumière nouvelle, renforçant son statut d’icône. Généreux, jusqu’à frôler l’overdose au nveau de la rythmique, le biopic ne laissera personne indifférent en offrant un show survitaminé d’où on ressort éreinté mais satisfait. Un film rock n’ roll, tout simplement.

© Warner Bros.

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