Sept ans après s’être fait repérée avec le court Les Corps Etrangers, la réalisatrice belge Laura Wandel passe au format long avec Un Monde, réunissant Maya Vanderbeque, Günter Duret, Karim Leklou ou encore Laura Verlinden derrière sa caméra. Soit un drame se centrant sur la jeune Nora qui, entrant en primaire, met les pieds dans un univers qui peut s’avérer impitoyable pour n’importe qui…

Pour son premier long-métrage, Laura Wandel frappe fort en s’attelant à traiter frontalement d’un sujet pour le moins délicat, le harcèlement, Un Monde dénonçant sans fards ni fioriture de l’engrenage infernal dans laquelle se retrouvent les victimes de ce fléau – et ce dès le plus jeune âge. En résulte un drame se voulant dur et austère, déstabilisant à raison son auditoire afin de mieux alerter sur ce danger.

Pour s’y faire, la réalisatrice fait le choix judicieux d’ancrer le récit dans le cadre scolaire, permettant ainsi d’évoquer cette problématique à travers le prisme de l’enfance – période symbolisant généralement l’innocence, qui se voit ici pervertie par la violence. De quoi renforcer ce triste constat que tout le monde peut se retrouver impacter par ces sévices, par ces actes cruels destinés à faire mal, à rabaisser l’autre. Dans ce sens, le scénario ficelé par cette dernière vise juste, touchant le public droit au cœur en nous mettant face à la violence et en la regardant droit dans les yeux – impliquant de ne pas s’en détourner. Une approche brute, directe, qui accentue cette sensation de malaise qui fait la force du long-métrage car démontrant une situation difficile mais pourtant réelle pour beaucoup. Brimades, insultes et autres sévices sont le quotidien d’un bon nombre de jeunes – et de moins jeunes – il est donc primordial d’en alerter l’opinion afin d’engager des discussions, des débats.

En prenant à bras le corps ce sujet, Laura Wandel aide à provoquer cette étincelle devant allumer la mèche et amener à une prise en compte collective de la nocivité d’un tel cas de figure. De cette démarche à visée pédagogique naît une œuvre dérangeante mais malheureusement nécessaire – encore à notre époque. Sans chercher à prendre de gants, Un Monde nous immerge au sein d’un établissement scolaire, où nous suivons Nora, qui entre en primaire et met les pieds dans un environnement dont elle ne maîtrise pas les codes. Pensant compter sur son frère pour l’aider dans cette épreuve que peut être l’intégration, la jeune fille va découvrir que son aîné est victime d’abus de la part de ses petits camarades – constat amenant à la progressive fissure de l’équilibre familial. Restant constamment ancré entre les murs de l’école, le film prend alors des allures de huis-clos anxiogène, ce lieu central devenant le théâtre de cet harcèlement permanent.

Un choix pour le moins pertinent puisqu’en ne s’effectuant que dans ce cadre circonscrit, l’action se concentre sur l’essentiel, donnant de ce fait une autre dimension au hors-champ de même qu’au regard. Se mettant à hauteur d’enfants, la réalisatrice éclipse le monde des adultes, que ce soit dans l’intrigue ou dans la mise en scène, son attention étant portée sur les élèves. Devant sa caméra, s’expose un microcosme où la férocité se cache dans chaque recoin de la cour, des couloirs, la relation à l’autre n’étant pas appréhendée de la même manière par ces garçons et ces filles, qui peuvent passer d’amis à ennemis du jour au lendemain. Ce que le harcèlement d’Abel met tristement en lumière, entre la brutalité des actes commis à son égard, qu’ils soient physiques ou psychologiques. Les coups comme les mots peuvent faire mal, ce qui est parfaitement dépeint ici, les phrases prononcées sur notre victime, sa sœur et sa famille opérant comme des armes tranchantes – blessant ceux qui en sont les destinataires.

Une cruauté non éludée, d’ailleurs renforcée par ces nombreux plans sur le visage angélique de nos protagonistes qui, pour la plupart, cachent une sombre facette. La spirale dans laquelle se retrouve aspiré Abel, prend petit à petit de la puissance, impactant ses proches dont sa sœur, dont les réactions viennent apporter de la contenance à l’analyse de Laura Wandel sur l’effet dévastateur du harcèlement aussi bien sur les victimes que leur entourage. Un cercle vicieux pouvant tout emporter sur son passage et dont il est compliqué de sortir, ce que souligne la performance des jeunes Maya Vanderbeque et Günter Duret, qui livrent d’excellentes prestations sous la direction de la réalisatrice. L’exercice aurait pu s’avérer périlleux vu le sujet mais force est de constater que nos deux rôles principaux s’en sortent haut la main.

Pertinent aussi bien dans le fond que sur la forme, Un Monde est un drame salutaire dans la mesure où son traitement frontal du harcèlement scolaire ne peut qu’interpeller. Pour son premier essai, Laura Wandel impressionne en nous assénant un uppercut en plein cœur avec une plongée en apnée immersive destinée à nous faire réagir. Que ce soit au niveau de l’écriture, de la mise en scène et de la direction d’acteurs, la qualité est au rendez-vous. Si elle peut paraître brutale, la leçon enseignée par la réalisatrice est claire, limpide. Un film à voir pour éveiller les consciences sur ce sujet difficile.

© TANDEM

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