Trois ans après Un Amour Impossible, Catherine Corsini revient derrière la caméra avec La Fracture, qui comprend Valeria Bruni-Tedeschi, Marina Foïs, Pio Marmaï ou encore Aissatou Diallo Sagna au casting […]
Trois ans après Un Amour Impossible, Catherine Corsini revient derrière la caméra avec La Fracture, qui comprend Valeria Bruni-Tedeschi, Marina Foïs, Pio Marmaï ou encore Aissatou Diallo Sagna au casting et se centre sur un couple au bord de la rupture se retrouvant à passer la soirée dans un service d’Urgences à la suite de la chute accidentelle de l’une d’entre elles…
Quelque soit la sensibilité politique de chacun, difficile de ne pas rester de marbre face au constat effarant dressé par Catherine Corsini, qui nous expose sans fards les dégâts humains et matériels inhérents à une France au bord du gouffre avec sa dernière œuvre, La Fracture, qui oscille entre drame et comédie pour faire l’état des lieux d’un système défaillant, amenant à des situations ubuesques mais malheureusement réalistes.
Ainsi, en plus de poursuivre son analyse du couple et plus particulièrement du sentiment amoureux, une thématique présente en filigrane dans sa filmographie, la réalisatrice se fend d’une critique de notre époque – où la division prend le pas sur la cohésion et ce dans toutes les strates de notre démocratie. S’appuyant sur un sujet brûlant, Catherine Corsini – qui officie également à l’écriture aux côtés de Laurette Paulmanss et Agnès Feuvre – pointe du doigt la casse sociale régissant dans ce pays des Lumières qu’est censé être la France, qui se sera accélérée ces dernières années sous l’impulsion des gouvernements successifs. Une dénonciation qui prend corps à travers une plongée bouillonnante dans le milieu hospitalier, lieu cristallisant les tensions propre aux épreuves du quotidien, aussi nombreuses soient-elles.
Un choix se révélant pertinent car servant avec brio le propos développé par le scénario, qui témoigne du climat délétère propre à l’époque dans laquelle nous évoluons. Avec La Fracture, se dessine une peinture plutôt terne de notre société, qui se délite de toutes parts sans réelle perspective d’amélioration. Comme l’indique à raison son titre, le film se concentre sur différents points de rupture, que ce soit celle d’un couple, d’une population face à son gouvernement, d’un système de santé sacrifié sur l’autel de l’économie et du rendement. Une dégradation qui se vérifie par le biais d’une déambulation dans les couloirs d’un hôpital où se croisent patients et personnel, le temps d’une nuit pour le moins chaotique. Restant constamment sur le fil du rasoir, ce chassé-croisé monte petit à petit en pression, les situations vécues par notre galerie de personnages s’intensifiant alors que la colère gronde.
Se déroulant en plein hiver 2018, qui fût marqué par le mouvement des Gilets Jaunes, l’intrigue se concentre tout d’abord sur les déboires amoureux d’un couple, Julie et Raf, dont l’histoire semble toucher à sa fin. A la suite d’un malencontreux accident, cette dernière se casse le coude, point de départ de cette virée aux urgences pour le moins cocasse. Si l’on se marre de l’hystérie de Raf, incarnée avec grandiloquence par une Valeria Bruni-Tedeschi en grande forme dans un rôle qui peut vite se révéler irritant, l’humour distillé de part et d’autres du long-métrage fait office d’exutoire bienvenue face à l’exposition d’une triste réalité. Nous pouvons citer les débordements émanant des manifestations survenues dans la capitale, permettant d’aborder les violences policières par le prisme de Yann, routier blessé par un LBD – incarné par un Pio Marmaï investi et magnétique – et d’autres victimes de la répression. De cette situation de crise se dissipe un autre problème de taille, l’effondrement de l’hôpital, dont la mise à sac par les politiques amène à des conséquences drastiques, ce qui fait la force de La Fracture.
Dans un aspect quasi-documentaire, Catherine Corsini se place en plein cœur de la mêlée et – caméra au poing – suit médecins, infirmiers, patients, tous se trouvant dans une situation d’impuissance, sans savoir où donner de la tête. Manque de moyens, manque de personnel, délabrement des locaux, rien ne nous est épargné de la mauvaise condition de notre système de santé, au bord du gouffre. Preuve accablante, le parcours de Kim, infirmière résiliente qui enchaîne les gardes plus que de raison pour ne pas abandonner ses collègues – ce qui rejoint nombreux témoignages aperçus ces derniers temps dans les médias, la pandémie de COVID-19 ayant mis en lumière les carences de ce milieu. Interprétée par Aissatou Diallo Sagna, une actrice non-professionnelle qui offre une prestation de qualité pour son premier rôle à l’écran, ce personnage est l’atout cœur du film, symbole d’une profession éreintée, peu soutenue mais se battant jusqu’au bout pour ses semblables. Ce que met en lumière la réalisatrice, qui dénonce à juste-titre ces conditions déplorables dans lesquelles travaillent ces soldats de la première ligne.
Avec La Fracture, Catherine Corsini dresse un constat peu flatteur d’une démocratie sur le déclin, avec une comédie dramatique dénonçant avec panache les nombreuses dérives périclitant notre société. Portée par une distribution investie et bénéficiant d’un scénario d’excellente facture, cette nouvelle œuvre de la réalisatrice appuie là où ça fait mal, élaborant une critique acerbe du système actuel où les dissensions sont monnaie courante.