Sept ans après Jour J, Reem Kherici reprend sa double casquette d’actrice et réalisatrice pour les besoins de Chien et Chat, comédie dans laquelle cette dernière s’entoure de Franck Dubosc, Philippe Lacheau, Inès Reg, Artus, embarquant tout ce beau monde au Québec afin de suivre les tribulations d’une chatte star des réseaux sociaux, d’un chien des rues et de leur maître respectif dont les chemins se sont malheureusement séparés…

Pour son troisième passage derrière la caméra, Reem Kherici poursuit son exploration du registre comique et se rapproche davantage du style de ses comparses de la Bande à Fifi en convoquant leur esprit potache pour alimenter son jeu du chat et de la souris cartoonesque à travers les décors enneigés du Québec destiné à faire rires les petits et les grands enfants. Pour s’y faire, l’actrice et cinéaste fait le pari de mêler prises de vues réelles et images de synthèses, histoire de se jouer en toute décontraction des lois de la gravité et de la logique, le but étant de proposer un dessin animé en chair et en CGI. Une volonté créative qui sur le papier ne manque pas d’ambition, sauf que l’exécution se révèle malheureusement aléatoire, surtout visuellement parlant.

Partant d’un postulat tout en mignonnerie, à savoir saluer la mémoire de la véritable Diva, qui fît un bout de chemin aux côtés de la réalisatrice, Chien et Chat met le cap sur l’aventure en lorgnant du côté de L’Incroyable Voyage, c’est-à-dire en perdant des animaux (dotés de parole) devant apprendre à s’apprivoiser et se serrer les pattes face à l’adversité, le tout en se retrouvant égarés au beau milieu de nulle part. Une intrigue ici couplée à une version grandeur nature du gendarme et du voleur en ce qui concerne les protagonistes humains, alimentant ainsi une course-poursuite tendrement déjantée cherchant à se reposer sur l’alchimie de sa distribution et sur une succession de gags pour tenir la route – aussi verglacée soit-elle. Au coeur de ce récit imaginé par Reem Kherici et son co-scénariste Tristan Schulmann, le vol d’un rubis par un expert en la matière, Le Chat, tournant quelque peu à l’épreuve de force pour ce dernier quant son casse tourne au vinaigre à la toute dernière minute. Poursuivi par un flic aux méthodes pour le moins douteuses, notre cambrioleur connu comme le loup blanc va perdre le fruit de son labeur, qui va malencontreusement se retrouver dans la gueule d’un chien errant qui passait par là.

Double galère donc pour ce dernier, qui doit prendre la poudre d’escampette avec ce nouveau compagnon à quatre pattes d’une valeur inestimable, sobrement nommé Chichi. Pire encore, sa fuite en avant se complexifie lorsque un accident sur le tarmac de l’aéroport de Montréal lui fait perdre sa précieuse cargaison, qui se volatilise par mégarde avec une chatte star des réseaux sociaux, la fameuse Diva – au grand dam de sa maîtresse Monica, qui perd là sa meilleure amie. Soit le point de départ d’un pas de deux rocambolesque entre d’une part nos bébêtes numériques et de l’autre leur partenaire humain, devant travailler de concert pour retrouver la prunelle de leurs yeux. Une mission moins facile que prévue lorsque l’on est un menteur compulsif comme ce cher Jack – alias Le Chat – et que l’on se retrouve avec un représentant de l’ordre (ou plutôt du désordre) collé aux basques. Dégageant rapidement les enjeux de leur script, Reem Kherici et Tristan Schulmann se retrouvent avec une feuille de route claire et dégagée, devant capitaliser sur les différences de ses deux tandem principaux et sur l’humour pour pimenter cette course folle tendance Looney Tunes.

Hélas, s’il démarre sur les chapeaux de roues, Chien et Chat tire la langue à mi-parcours et doit concéder des moments de pauses pour reprendre son souffle, ce qui lui porte préjudice. Car de ce rythme en dents de scie s’affaiblit la puissance des effets comiques parsemant le scénario. De ce fait, lorsque le niveau de vannes est bas, généralement quand Chichi et Diva sont sur le devant de la scène (la plupart de leurs dialogues dits ‘légers’ tombent à plat), ce manque de tempo fait ressortir de plus belle les fluctuations de l’écriture. Ce qui est dommage car en dépit de la charte visuelle adoptée en terme d’animation, le premier acte annonçait un divertissement bon enfant, alignant de sympathiques moments, de la bagarre initiale entre Jack et son némésis Brandt – se réglant à coup de tondeuse à cheveux – à l’escapade mouvementée de l’aéroport. Sauf qu’une fois tous nos personnages éparpillés dans la nature, le burlesque assumé s’efface malgré lui et pour palier à ce coup de mou, le long-métrage sort dans son ultime tournant la carte de l’attendrissement. De quoi s’engager sur un terrain convenu, même si nos acteurs font illusion en atténuant leur prestation.

Tout du moins Franck Dubosc et Reem Kherici, car Philippe Lacheau reste pour sa part sur l’autoroute du premier degré, serrant les dents et les poings dans la peau de l’implacable Brandt, un ‘bad guy’ infatigable et obstiné malgré les coups reçus, qui s’avère être la bonne surprise de ce délire mi-figue mi-raisin. Son implication dans le projet de sa camarade de longue date aide à donner du pep’s à cet ensemble inégal aussi bien question écriture que mise en scène. Si le chara-design de nos deux stars à poils laisse parfois à désirer lorsqu’ils sont incrustés dans des cadres naturels, le résultat se révèle davantage probant lorsque les équipes de La Station Animation les placent dans des environnements où les CGI sont légions comme lors de la séquence impliquant le périlleux passage d’un lac gelé, un moment clé laissant apercevoir cette ambition de grand spectacle. Ajoutons à cela la bonne idée de délocaliser l’intrigue entre le Canada et les Etats-Unis, les plaines recouvertes d’un épais manteau blanc donnant du corps à l’envie d’évasion voulue à la base par la réalisatrice.

Avec Chien et Chat, Reem Kherici se jette dans la gueule de l’aventure à travers une comédie cartoonesque tout feu tout poil qui malheureusement ne retombe pas toujours sur ses pattes en terme d’humour et de mise en scène, malgré son investissement et celui de son casting.

© Gaumont

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