Trois ans après avoir pris part au film choral Selfie, Thomas Bidegain effectue son retour derrière la caméra avec Soudain seuls, l’adaptation du roman éponyme d’Isabelle Autissier. Porté par Gilles Lellouche et Mélanie Thierry, le long-métrage nous fait suivre un couple dont le tour du monde prend une tournure cauchemardesque à la suite d’une escale impromptue…

Connu avant tout pour son travail de scénariste, Thomas Bidegain était parvenu a attiré la curiosité en 2015 avec Les Cowboys, qui marquait son premier passage derrière la caméra. Passé sa participation à un chapitre de Selfie, ce dernier s’attèle finalement à son second long-métrage, Soudain seuls. Soit la transposition de la page à l’écran du roman de l’autrice Isabelle Autissier qui, à travers les codes du survival, se veut une analyse sans fioritures de la relation de couple en milieu hostile. Quand un tour du monde en amoureux se transforme en lutte de tous les instants, comment rester unis ?

Une question centrale de cette adaptation, qui resserre la trame de son modèle littéraire pour ne s’intéresser en tout et pour tout qu’à la partie catastrophe du récit, modifiant au passage des éléments clés. Un choix permettant au cinéaste, accompagné de Valentine Monteil à l’écriture, de circonscrire les enjeux à de la survie pure et dure, un genre rarement abordé sur le territoire francophone. Pour s’y faire, l’intrigue se concentre sur une croisière idyllique tournant au psychodrame, alors qu’une décision mal avisée isole contre leur gré un homme et une femme sur une île aux abords du Pôle Sud. Ayant pris une année sabbatique afin de faire le tour du monde en voilier en amoureux, Laura et Ben coulent des jours heureux au rythme des flots. Mais quand ce dernier, un brin aventurier, prend l’initiative de poser le pied dans la baie de Stomness, afin de visiter une réserve naturelle servant de base scientifique, interdite aux visiteurs. Une excursion à priori rapide et sans encombres, devenant un véritable purgatoire pour nos personnages.

Un mauvais calcul météorologique va sceller le sort de nos tourtereaux, le déchaînement d’une tempête les bloquant sur ces terres australes, avec comme seule bouée de sauvetage leur pneumatique. Pour couronner le tout, le bateau leur servant de lieu de vie est entraîné par le fond, réduisant sacrément leurs chances de repartir de cette prison à ciel ouvert. Pour résumer, un chemin de croix se dessine assez rapidement pour Ben et Laura, piégés sur des terres australes à l’approche de l’hiver. Comment s’en sortir face à une nature sauvage indomptable et peu de vivres à disposition ? Là est tout le nœud du problème. Tenter de gravir le relief pour passer de l’autre côté de l’île ou rester sur le rivage calfeutrés dans les ruines d’une ancienne station baleinière ? Les solutions ne courent pas les rues et notre couple le sait bien, devant se serrer les coudes pour tenir dans l’adversité. Ce qui n’est pas chose aisée dans une telle situation, le naufrage n’étant pas que d’ordre physiologique mais sentimental.

Et c’est là que le scénario se devait d’être finement développée, car l’art du survival n’est pas chose aisée, la facilité étant de multiplier artificiellement les rebondissements et de privilégier la démonstration à l’introspection. La ligne de crète est raide, demandant de marcher avec un pas feutré, la chute pouvant être rapide. Ici, Thomas Bidegain, en cherchant à établir une parabole sur l’amour, triomphant de toutes les épreuves, limite paradoxalement la portée émotionnelle des thématiques abordées quant à la condition humaine. Les crises traversées par notre couple principal, qu’ils soient intimes ou physiques finissent par sonner faux tandis que leurs rares instants de complicités confèrent un peu de chaleur dans cet océan de fraîcheur – à l’image d’une belle petite séquence où le spectre de Joy Division est invoqué. Peut-être aurait-il fallu conserver en intégralité l’esprit du roman d’Isabelle Autissier et tenter de s’intéresser aux conséquences post-naufrage pour l’intrigue gagne en épaisseur et en nuances ? Le mystère reste entier.

Quoiqu’il en soit, si ce périple en terre hostile ne tient pas ses promesses en terme d’écriture, il en reste tout de même une mise en scène symbolisant avec force ce combat entre l’Homme et la nature sauvage, bien aidé par la puissance évocatrices du relief islandais en plein hiver mais également la performance du duo Gilles Lellouche/Mélanie Thierry qui, entre deux coups de gueule, savent donner de leur personne, notamment la seconde, tenant le long-métrage sur ses épaules dans son derniers tiers en sachant faire transparaître la résilience de son alter-ego.

Avec Soudain seuls, Thomas Bidegain met Gilles Lellouche et Mélanie Thierry face à la nature déchaînée, afin d’analyser la mécanique du couple à travers les codes du survival – un parti-pris qui n’est pas sans remous.

© Lilja Jons – Trésor Films

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