Trois ans après La Bonne Epouse, Martin Provost nous revient derrière la caméra avec Bonnard, Pierre et Marthe, qui comprend au casting Vincent Macaigne, Cécile de France, Stacy Martin, Anouk […]
Trois ans après La Bonne Epouse, Martin Provost nous revient derrière la caméra avec Bonnard, Pierre et Marthe, qui comprend au casting Vincent Macaigne, Cécile de France, Stacy Martin, Anouk Grimberg, André Marson ou encore Grégoire Leprince-Ringuet. Présenté en avant-première lors de la 24e édition de l’Arras Film Festival, le long-métrage revient sur la relation unissant le peintre Pierre Bonnard à son épouse Marthe, sa muse…
Se plaisant à dresser le portrait de figures féminines sortant du cadre propre à leur époque grâce à leur sens de la créativité, que ce soit Séraphine Louis ou Violette Leduc, Martin Provost ne déroge pas à sa propre règle avec Bonnard, Pierre et Marthe qui, comme l’indique son titre, se veut le tableau d’un couple emplit de mystères où derrière les nuances de jaune (couleur phare du peintre) se cachent des touches plus ternes. En résulte ainsi une comédie dramatique à l’esthétique soignée, se partageant entre ombre et lumière pour essayer de percer à jour la teneur de ce lien indéfectible entre mari et femme, tenant sa barque au gré des vents et marées.
Si Pierre Bonnard a su s’illustrer dans le domaine des beaux-arts, ses œuvres étant entrées dans la postérité, de nombreuses zones de flous entourent par contre sa vie privée, notamment le couple qu’il formait avec sa femme Marthe. Une personnalité discrète dont on sait peu de choses finalement, ce qui est paradoxal sachant que son corps a été croqué dans toutes ses coutures par son peintre de mari (à l’exception de son visage, toujours abstrait) qui en a fait sa muse. Preuve irréfutable d’une grande passion, ce que cherche à illustrer Martin Provost, qui dispose d’une grande latitude pour consolider son intrigue, les trous étant nombreux pour que l’on puisse les combler avec de la fiction. Ce qui n’empêche pas le cinéaste de s’être documenté sur le sujet et l’on se doute que L’Indolente – Le mystère Marthe Bonnard de Françoise Cloarec a dû servir de source d’inspiration, l’autrice ayant d’ailleurs collaboré avec ce dernier sur Séraphine.
Se servant des faits historiques à sa disposition, le long-métrage suit le fil de la romance pour démontrer de la puissance poétique de l’amour, sentiment développant les sens mais aussi l’inspiration. Ce que souligne le premier acte de cette fresque intimiste, où la rencontre entre Pierre et Marthe se transforme en un instant en une passion brûlante, le désir de même que les plaisirs de la chair emportant tout sur leur passage. Une relation fougueuse, nourrissant le travail de ce passionné d’art et l’amenant à se faire finalement un nom dans le métier. A ce parcours ascendant, se conjugue les affres de la vie conjugale avec notamment la place que doit prendre Marthe dans ce microcosme mondain, elle qui est une transfuge de classe. Comment exister lorsque l’on est reléguée au second plan ? Une question cruciale dans le déroulement de Bonnard, Pierre et Marthe, dont la réponse évolue au gré des années, selon les obstacles traversés par le couple.
Entre deux moments complices aux abord de leur maison en bord de Seine, les tourtereaux doivent faire face à diverses épreuves, plus ou moins bien amenées par le script. Outre les rivalités d’ordre amicales, principalement avec la mécène de Pierre, Misia (incarnée par la toujours pétillante Anouk Grimberg), un triangle amoureux vient redonner un peu de rythme au récit dans sa dernière ligne droite, noircissant ce fameux tableau dépeint par Martin Provost, qui gagne en épaisseur et permet de mettre en avant le talent de Marthe pour la peinture, un trait resté narrativement caché dans un coin pendant trop de temps ce qui est dommage. Quoiqu’il en soit, en ajoutant ces lignes de fuite, le réalisateur reprend la main sur son ouvrage qui se conclut de ce fait sur une belle note.
Si la trame scénaristique est parfois redondante, dans l’ensemble cette anatomie artistique du couple se laisse suivre sans déplaisir, d’une part grâce à une mise en scène délicate tentant de reproduire à l’écran un style postimpressionniste et de l’autre grâce au numéro de sa distribution – avec en tête de liste le duo complémentaire Vincent Macaigne/Cécile de France – qui se partage entre frivolité et fragilité.
Avec Bonnard, Pierre et Marthe, Martin Provost dresse un portrait tout en nuances et contrastes de deux artistes unis par la flamme de la passion, alimentant leur sens de la créativité. Si elle suit des eaux bien trop calmes narrativement parlant, cette anatomie picturale du couple n’en reste pas un moins un objet cinématographique délicat, à la photographie soignée.