Trois ans après The Art of Self-Defense, le réalisateur Riley Stearns effectue son retour derrière la caméra avec Dual, qui réunit au casting Karen Gillan, Aaron Paul, Beulah Koale ou encore Theo James. Présenté en avant-première au 48e Festival du cinéma américain de Deauville, ce film d’anticipation s’articule autour du choix d’une jeune femme de se faire ‘remplacer’ à la suite d’un diagnostic peu engageant sur son état de santé…

Dans un style pince-sans-rire qui lui est propre, comme esquissé dans The Art of Self-Defense, Riley Stearns poursuit son analyse du comportement humain via le prisme du cinéma de genre, se servant cette fois des codes de la science-fiction pour aborder avec Dual la question de l’empathie dans un monde apathique face à la vie, à la mort – prenant ainsi la forme d’un délire qui, malgré son sens de la dérision, ne reste qu’à la surface de son sujet.

En se reposant sur le dédoublement de Karen Gillan, le cinéaste trouve un point d’entrée efficace pour développer son concept, impliquant d’utiliser la notion de combat intérieur (de manière explicite) afin de pointer du doigt le goût de la société pour la violence. Pour s’y faire, ce dernier joue au petit malin en confectionnant une intrigue où la sensibilité disparaît au profit du sensationnalisme, pour un conte gentiment (a)moral où la causticité règne en maître, pour démontrer de l’absurdité de notre époque. Pour étayer ce propos, le long-métrage prend le chemin de la tragi-comédie, avec en guise d’attraction les déboires d’une jeune femme à l’existence monotone, se retrouvant par la force de choses – ou plutôt par l’établissement d’un diagnostic médical – à faire un choix qu’elle va vite regretter : se faire remplacer…par elle-même. Point de départ d’un conflit, loin d’être piqué des hannetons.

Quand la certitude d’un médecin lui fait comprendre que la fin est proche, Sarah, une trentenaire en plein repli, se laisse convaincre de laisser la science régler cette fâcheuse problématique du deuil, en acceptant de se faire cloner. De quoi couper court au chagrin de ses proches, qui s’habitueront bien vite à cette version alternative. Un plan paraissant idéal pour la pauvre héroïne, qui va malencontreusement aller de déconvenues en déconvenues dès la conception de son double. Ne perdant pas de temps pour dévoiler son jeu, Dual s’empresse de multiplier les rebondissements dans un flegme qui lui va à ravir, noyant son personnage principal sous un tas de galères dramatiquement loufoques. Dépossédée à vitesse grand V de tout ce qui lui appartenait, que ce soit ses biens ou l’amour des siens, notre victime fait alors face à sa plus grande adversaire, dont elle ne devient que le reflet.

D’un duel en gestation, comme l’indiquait avec efficacité sa scène d’introduction, pouvaient se dessiner diverses trajectoires pour sombre comédie, les pistes étant nombreuses – d’autant plus dans un univers mettant un point d’honneur à prendre pas dessus la jambe n’importe quel enjeu. Malgré l’entrée en piste d’Aaron Paul, qui fait la paire avec Karen Gillan dans la peau d’un coach aux méthodes peu conventionnelles, la formule s’étiole doucement mais sûrement, la faute à une écriture manquant de mordant sur sa dernière ligne droite, qui devait être le clou du spectacle. L’énergie communicative des débuts laisse place à l’essoufflement, Riley Stearns mettant la pédale douce sur le second degré à l’approche de l’inévitable face-à-face entre Sarah et sa remplaçante, concluant celui-ci sur une note amère quelque peu décevante. L’impression qu’il y avait davantage à dire se fait fortement ressentir à l’arrivée du générique, notamment concernant les thématiques sociétales – ce qui est dommage. Reste la performance de Karen Gillan, qui s’en tire avec les honneurs dans ce double rôle ainsi que la mise en scène épurée du réalisateur, qui privilégie la direction d’acteurs à la démonstration.

Avec Dual, Riley Stearns s’amuse à dédoubler Karen Gillan pour mener à bien un délire sur la déshumanisation de notre société qui, malgré sa causticité, manque finalement de panache en restant à la surface de son sujet. Sympathique, cet irrévérencieux conte aurait pu s’avérer davantage marquant en plaçant le curseur du second-degré et du je-m’en-foutisme un cran au-dessus.

© ACE

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