Six ans après Le Petit Locataire, Nadège Loiseau revient derrière la caméra avec Trois Fois Rien, qui réunit au casting Philippe Rebbot, Antoine Bertrand, Côme Levin, Emilie Caen, Nadège Beausson-Diagne, Yves Yan, Yilin Yang ou encore Hubert Myon et se centre sur trois amis sans abri, voyant leur quotidien basculer grâce un ticket de loto…

Pour son second long-métrage, Nadège Loiseau convoque l’esprit de Ken Loach afin d’évoquer les absurdités d’une société marchant sur la tête, nous livrant avec Trois Fois Rien une comédie sociale traitant des difficultés à se sortir de la précarité – donnant lieu à un feel-good movie se partageant entre légèreté et amertume.

Comme l’aurait dit un certain Forrest Gump, la vie c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur lequel on va tomber. Un adage que l’on peut transposer avec le champ lexical de la loterie, où il est rare de tomber sur les bons numéros. Une probabilité qui se retrouve au cœur du récit imaginé par la réalisatrice et son coscénariste Niels Rahou, qui nous démontrent que l’adversité est un combat quotidien, la fragilité de l’existence amenant parfois à des accidents, des sorties de route. Des chutes dont on se relève péniblement, comme le démontre le long-métrage, qui se concentre sur le parcours de trois personnes sans-abris, voyant le sombre chemin dans lequel ils évoluaient s’éclaircir grâce à un coup du sort. Ou plutôt une grille de loto. Pour traiter d’un sujet souvent délicat, la cinéaste joue les funambules, tentant de concilier humour et gravité sans totalement basculer vers l’un ou l’autre de ces piliers. Un numéro d’équilibre qui débute avec délicatesse pour terminer par vaciller en fin de parcours. Mais l’essentiel reste que malgré les approximations, le bout de route effectué aux côtés de nos personnages reste éminemment sympathique.

En résulte un long-métrage pouvant se diviser en deux chapitres, le premier s’articulant sur la galère quotidienne de notre trio principal, Brindille, Casquette et La Flèche, devant se contenter de petits riens pour survivre dans la jungle qu’est la société. Et ce même lorsque l’espoir renaît, prenant la forme d’un ticket. Le micmac qu’est notre chère administration saute aux yeux lorsque ces camarades d’infortune viennent réclamer leur dû, une somme qui leur permettrait de remonter la pente. Sans domicile, ni compte bancaire, comment toucher ce cadeau tombé du ciel ? C’est là qu’est l’os, le cocasse parcours du combattant se mettant en place donnant de sa saveur à Trois Fois Rien, qui se montre pertinent lorsqu’il s’agit de pointer du doigt ces couacs dans un engrenage décidément trop complexe pour le commun des mortels. Dans une atmosphère gentiment décalée, les tentatives désespérées de nos comparses donnent le sourire tout en offrant une réflexion bienvenue sur un système n’offrant que peu de solutions pour se sortir de la précarité.

Il est alors quelque peu dommage que, dès lors que la situation alambiquée de Brindille, Casquette et La Flèche s’améliore, avec l’espoir d’une colocation loufoque en prévision, que le film tende à tirer davantage la couverture vers la recherche d’émotions – ce qui se fait parfois avec de gros sabots. Non pas que l’idée soit foncièrement mauvaise, il y a des trames intéressantes qui apparaissent à l’image des motivations de chacun maintenant que l’argent espéré est finalement en leur possession, certains tirant leur épingle du jeu. Sauf qu’à vouloir éclater la bulle dans laquelle navigue ce noyau dur, l’atmosphère s’alourdit plus que de raison et la justesse n’est plus tellement au rendez-vous, ce qui est dommage. Fort heureusement, malgré un scénario ralentissant la cadence dans sa dernière ligne droite, il reste la prestation de notre trio de choc, qui aident grandement à rehausser le niveau quand l’écriture fléchit. Philippe Rebbot, Antoine Bertrand, Côme Levin sont ainsi l’atout phare de Trois Fois Rien, apportant une bonne dose d’humanité et de douceur à l’ensemble, avec une alchimie palpable à l’écran – grâce à la direction d’acteurs de Nadège Loiseau – ce qui fait que lors des moments de détente que de débâcle, nous croyons aux liens (dés)unissant nos compères.

Avec Trois Fois Rien, Nadège Loiseau tire un nombre suffisant de bons numéros pour que sa seconde réalisation soit remarquée, signant une comédie sociale oscillant entre humour et sensibilité qui, malgré les approximations finales du scénario, possède un capital sympathie non négligeable, émanant principalement de la partition collégiale de son trio principal. On apprécie ce petit bout de chemin parcouru en compagnie de Philippe Rebbot, Antoine Bertrand et Côme Levin.

© Caroline Dubois

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