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[Critique] La Femme À La Fenêtre, trompeuses apparences

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Quatre ans après Les Heures Sombres, Joe Wright fait son retour derrière la caméra avec l’adaptation du roman La Femme À La Fenêtre écrit par A. J. Finn, qui réunit une distribution composée d’Amy Adams, Julianne Moore, Gary Oldman, Jennifer Jason Leigh, Anthony Mackie, Wyatt Russell ou encore Brian Tyree Henry et nous plonge dans le quotidien d’Anna Fox, une psychologue pour enfants agoraphobe vivant cloîtrée dans sa demeure new-yorkaise…

Dernier film estampillé Fox 2000 Pictures, La Femme À La Fenêtre aura mis du temps avant de se frayer un chemin vers nos écrans, ayant tout d’abord été repoussé par The Walt Disney Company suite à des premières projections tests peu concluantes puis écarté du planning à cause du coronavirus. Son rachat par Netflix nous permet finalement de découvrir ce que ce nouveau projet de Joe Wright nous réserve et le moins que l’on puisse dire c’est que le résultat est plus que mitigé.

Lorgnant du côté de Fenêtre Sur Cour, une parenté explicitée directement dans le long-métrage, cette adaptation du roman éponyme d’A.J. Finn se rêve hitchcockien en proposant un huis-clos paranoïaque et stylisé mais se révèle au final n’être qu’un thriller psychologique lambda, qui rappelle la multitude de productions ayant fleuri au cinéma dans le milieu des années 90 avec à la clé une intrigue peu originale et mal conçue, ne parvenant jamais à instaurer la tension nécessaire pour maintenir notre intérêt. Il y avait pourtant un certain potentiel à suivre les déboires d’Anna Fox, une psychiatre vivant recluse entre les quatre murs de son appartement, avec l’idée de jouer sur le sentiment d’enfermement et la perte du sens des réalités mais hélas, la scénariste Tracy Letts tourne rapidement à vide.

Cloîtrée chez elle suite à un drame personnel, notre protagoniste ne parvient pas à remonter à la surface, se complaisant dans son mal-être entre prise excessive de médicaments, d’alcool et refus de s’ouvrir au monde extérieur, alors qu’elle passe son temps à l’observer derrière ses rideaux. Se pensant à l’abri dans sa tour d’ivoire, seule avec ses névroses – et son locataire – notre anti-héroïne va se retrouver malgré elle au centre de toutes les attentions lorsqu’elle va être témoin d’un meurtre se déroulant chez ses voisins d’en-face, fraîchement installés dans le quartier. Mais cet acte criminel s’est-il réellement produit ? Telle est la question qui se pose à Anna et aux spectateurs, qui doivent mêler le vrai du faux parmi une multitude de faux-semblants pour trouver la réponse à ce mystère. Les pistes qui nous sont offertes auraient pu être intéressantes à suivre mais à cause d’une mauvaise utilisation de la galerie de personnages présentés et d’une écriture pataude (les sessions de reshoots se font ressentir dans un dernier acte risible), celles-ci ne débouchent que sur réchauffé, les acteurs sur-jouant pour inspirer la méfiance, ce qui n’aide pas à nous impliquer dans l’intrigue. Quel dommage pour Gary Oldman, Julianna Moore et Jennifer Jason Leigh, qui doivent se contenter de peu pour tenter de faire exister leur alter-ego.

Nous retiendrons tout de même la prestation d’Amy Adams, qui parvient à sauver les meubles grâce à son interprétation hallucinée, se démenant pour que l’on s’investisse dans le parcours émotionnel d’Anna Fox, dont les psychoses démontrent une profonde détresse. Sans sa performance, là aussi parfois dans l’exagération, il aurait été difficile de rester un minimum intrigué par le long-métrage, le scénario laissant peu de place à la subtilité – avec des twists que l’on sent venir à des kilomètres. Pour combler ce vide, Joe Wright multiplie les idées de mise en scène et fait virevolter sa caméra d’une pièce à l’autre de l’appartement qui lui sert de décor principal, histoire d’insuffler un tant soit peu de rythme à ce thriller ronflant. Une mission réussie, avec des trouvailles visuelles bien trouvées à l’image une séquence de flash-back cruciale pour le déroulement des évènements, où le passé résonne dans le présent de manière poétiquement tragique. Une bien faible consolation.

Avec La Femme À La Fenêtre, Joe Wright se prend les pieds dans le tapis et s’engouffre dans un thriller daté et cliché qui se repose sur des attendus du genre et appuie lourdement sur des tropes vus et revus, laissant peu de place à la surprise – contrairement à ce que l’on voudrait nous faire croire. L’équipe créative a perdu le sens des réalités et plonge un casting classieux dans une production de série B peu reluisante. Refermons vite le rideau sur cet accident de parcours.

© Netflix

[Critique] Possessor, corps étranger

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Neuf ans après Antiviral, Brandon Cronenberg repasse derrière la caméra pour son deuxième long-métrage, intitulé Possessor et présenté en avant-première lors de la dernière édition en date du Festival du Cinéma Fantastique de Gérardmer. Comprenant au casting Andrea Riseborough, Jennifer Jason Leigh, Christopher Abbott, Tuppence Middleton et Sean Bean, ce thriller S-F nous introduit à une organisation secrète utilisant une technologie neurologique révolutionnaire pour commettre ses exactions…

S’il continue de suivre le chemin tracé par son paternel, Brandon Cronenberg esquisse petit à petit son propre style en se dirigeant vers un cinéma plus expérimental, ce qu’il nous prouve ici avec Possessor qui nous plonge dans un univers où science-fiction et horreur s’entremêlent, pour un résultat viscéralement sanglant.

D’une qualité supérieure à son précédent essai, Antiviral, ce second long-métrage de Cronenberg fils repose sur un postulat intriguant où un implant neurologique permet de posséder le corps de n’importe quel être humain. Une technologie utilisée à mauvais escient par une nébuleuse organisation, qui s’en sert à des fins criminelles en envoyant des tueurs à gages parasiter des inconnus afin de réaliser leurs crimes en toute impunité avec l’assurance de ne pas se faire prendre et de laisser leurs hôtes porter le chapeau. Un plan diaboliquement efficace, témoignant d’une société déshumanisée. Cette thématique de la désincarnation est d’ailleurs ce qui préoccupe le scénariste et réalisateur en premier lieu, plus que l’aspect technologique et futuriste – qui est vite relégué au second plan. Resserrant son récit sur le tumulte intérieur de son personnage central, Tasya Vos, au cours d’une de ses missions, Possessor se révèle être un exercice de style visuellement cauchemardesque.

Si l’on peut regretter une structure narrative s’articulant sur un seul axe, balayant d’un revers de la main tout ce qui tourne autour de l’univers présenté – à l’image du fonctionnement global de l’entreprise nous accaparant ici – on reconnaît que ces choix et ces balbutiements scénaristiques ne gênent pas outre-mesure le déroulement du film puisque l’idée est de mettre en place une atmosphère malsaine, déroutant pour une expérience avant sensorielle. Alors que Tasya envahit le corps de Colin, un pion servant à mieux assassiner son futur beau-père, la situation dégénère et bascule dans un déchaînement de violence. Ainsi, ce qui prévaut est la perte de contrôle progressive de notre tueuse durant une assignation à priori simple se transformant en combat cérébral entre l’hôte et le parasite. Une entité, deux esprits et une dichotomie servant de miroir à une analyse sur une société où l’humain n’est plus considéré, devenu une variable insignifiante aux yeux des grands de ce monde, qui n’hésitent à violer leur intimité, leur enveloppe à des fins peu enviables. Une réflexion pertinente qui se traduit par une bataille mentale pour reprendre le pouvoir, où l’envie de vivre et le désir de la mort se confondent sous fond de pulsions meurtrières.

Porté par un tandem Andrea Riseborough/Christopher Abbott convaincant, avec une prestation complémentaire épousant la dualité symbolisant le propos du film, Possessor vaut surtout le coup d’œil pour la mise en scène inspirée de Brandon Cronenberg. Le réalisateur trouve dans la ‘body horror’ de quoi alimenter sa soif d’expérimentation et cela se ressent avec un soin particulier porté au corps. Au travers de séquences tantôt métaphoriques, tantôt explicites, Cronenberg s’amuse à déconstruire cette coquille vide qu’est l’enveloppe corporelle, avec une certaine dose d’hémoglobine à la clé. Un spectacle organique visuellement dérangeant qui est l’atout principal du long-métrage car s’évertuant à nous happer dans un trip hallucinatoire, ce qui fonctionne grâce à un montage haché, illustrant cette perte des réalités et une photographie léchée de Karim Hussain, qui joue avec les couleurs pour mieux nous déstabiliser. Comme les protagonistes, nous finissons désorientés, l’effet recherché.

Avec Possessor, Brandon Cronenberg commence à trouver sa voie et s’affranchit de l’ombre de son père pour nous livrer un thriller horrifique qui ne manque pas de panache – ni d’effets gore – se questionnant à raison sur la déshumanisation progressive de notre société. Expérience visuelle à part entière – ce qui nous fait regretter que le scénario ne soit pas plus travaillé – ce voyage en corps inconnu est clairement malaisant, dans le bon sens du terme. Pour le réalisateur, il y a une marge de progression depuis Antiviral, ce qui est encourageant pour la suite de sa carrière.

© The Jokers