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[Critique] Bullet Train, piège(s) à grande vitesse

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Trois ans après Fast and Furious : Hobbs and Shaw, David Leitch revient derrière la caméra avec Bullet Train, l’adaptation du roman Maria Beetle de Kōtarō Isaka comprenant au casting Brad Pitt, Michael Shannon, Brian Tyree Henry, Sandra Bullock, Andrew Koji, Aaron Taylor-Johnson, Joey King ou encore Hiroyuki Sanada et nous faisant suivre un assassin malchanceux dans sa dernière assignation en date, qui devait être une sinécure et se transformer en sac de nœuds…

Au fur et à mesure de ces réalisations, David Leitch laisse transparaître un style où la violence va de paire avec l’humour, le tout dans une atmosphère décontractée où le flegme l’emporte sur la dramaturgie. Un constat s’établissant une fois de plus avec Bullet Train, qui se révèle être une pause récréative pour ses principaux acteurs, que ce soit devant ou derrière la caméra, prenant le pas d’un délire pop où la forme gomme le fond.

En adaptant à la sauce US Maria Beetle d’Isaka, l’équipe créative s’embarque dans un actioner décomplexé, privilégiant le second degré pour ratisser large niveau public, un cocktail qui a déjà fait ses preuves au box office (Deadpool peut en témoigner). Mais à force de poser sur la table cette carte du film de sale gosse, sur laquelle se repose le réalisateur depuis un petit moment, l’essoufflement peut rapidement faire son apparition – ce qui est malheureusement le cas ici. Si le matériel de base, un thriller dans lequel une bande de tueurs règlent leur compte dans l’enceinte d’un train, avait la puissance nécessaire pour se montrer brutal et irrévérencieux, le scénariste Zak Olkewicz préfère mettre la pédale douce sur la dramaturgie afin d’appuyer sur l’accélérateur de la légèreté. Un choix qui aurait pu se révéler payant si l’écriture s’engageait sur la bonne voie, ce qui n’est malheureusement pas le cas.

Alors que son concept était intéressant, Bullet Train fonce tête baissée vers la mauvaise destination, pensant que la recherche de la bonne vanne avait davantage de poids que l’établissement d’une intrigue solide, ce qui joue au final à sa défaveur car le délire ne prend que très rarement. Une fois que l’on monte à bord de ce piège à grande vitesse aux côtés de notre protagoniste principal, Coccinelle, un tueur à gages qui a la guigne et non la gagne, l’intrigue prend son temps pour délivrer ses promesses, en se dirigeant vers un tunnel de dialogues avant de réellement miser sur le mic-mac entourant cette rencontre ‘fortuite’ entre le groupe d’assassins sur ce trajet. Devenant des pions dans une partie d’échecs dont ils ne connaissent pas encore la finalité, nos différents protagonistes, répondant à des doux noms de scène tels que Le Père, Le Prince, Le Loup, Citron ou Mandarine, se croisent et se confrontent à travers les wagons pour le meilleur et pour le pire.

De la recherche d’une mallette, s’engage une série de face à face entre nos as de la gâchette, à l’exception de cette bonne vieille Coccinelle qui ne veut plus toucher d’arme – le gimmick comique du film – qui malgré l’enthousiasme de la distribution, manque cruellement de punch. A l’exception d’un passage où le silence est d’or, Zak Olkewicz ne profite pas suffisamment du cadre offert pour sortir des sentiers battus, sortant plus que de raison du huis-clos pour multiplier les digressions et étirer son récit. Entre caméos peu inspirés et blagues tirées en longueurs, Bullet Train loupe quelque peu le coche au rayon humour, ce qui lui est dommageable car étant son vatout. Vouloir faire de cette embrouille mortelle un cartoon aurait pu fonctionner mais il aurait fallu se donner les moyens scénaristiquement parlant. Si Brad Pitt, Joey King, Aaron Taylor-John et Brian Tyree Henri tentent de donner le change en ne se prenant pas la tête en terme d’interprétation, cet esprit ‘relax’ ne tient pas sur la durée du voyage proposé, la caractérisation de leur alter-ego étant superflu.

Pour palier aux baisses de régimes de l’intrigue, David Leitch essaye de donner un minimum de pep’s à sa mise en scène, à grand renforts d’artifices kawaii, mais malgré ses efforts – notamment concernant l’action, son domaine de prédilection – le délire ne prend pas davantage de hauteur, d’autant plus lorsque les effets spéciaux ne sont pas à la hauteur (en particulier dans l’acte final, qui n’est pas agréable à l’œil).

S’il n’est pas foncièrement mauvais, réussissant à se montrer divertissant quand il s’en donne réellement les moyens, Bullet Train garde trop de cartes dans sa main pour remporter la partie – ce qui lui porte préjudice. Pénalisé par un scénario qui n’a au final que peu de choses à raconter, ce règlement de compte en vase clos manque de s’ébrécher à maintes reprises. Heureusement, David Leitch peut compter sur son sens de la mise en scène et sur l’abattage son casting – ravi de prendre part à ce délire – pour faire illusion.

© Sony Pictures

[Critique] Army Of The Dead, le casse de la mort

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Après avoir refermer sa parenthèse super-héroïque en livrant sa director’s cut de Justice League, Zack Snyder revient à ses premières amours et s’approprie à nouveau le genre zombiesque. En effet, dix-sept ans après s’être se fait connaître du grand public avec L’Armée Des Morts (Dawn Of The Dead en VO), remake de Zombie de George A. Romero, le réalisateur se replonge dans le monde de l’horreur avec Army Of The Dead, qui comprend au casting  Dave Bautista, Ella Purnell, Ana De La Reguera, Theo Rossi, Huma Qureshi, Omari Hardwick, Tig Notaro, Hiroyuki Sanada, Garret Dillahunt, Matthias Schweighöfer, Raúl Castillo, Nora Arnezeder ou encore Samantha Win et nous fait suivre un casse dans un Las Vegas gangréné par par une horde de morts-vivants…

Avec Army Of The Dead, Zack Snyder signe un retour aux sources en demi-teinte, ne parvenant à réitérer l’exploit de L’Armée Des Morts (Dawn Of The Dead en VO) – qui lui avait permis de se faire remarquer du grand public – en ne sachant pas sur quel pied danser et en étirant plus que de raison une intrigue convenue. Ainsi, le réalisateur nous livre un film de zombies calibré pour passer un moment de détente lors d’une soirée entre amis, rien de plus rien de moins.

Alors qu’il aurait pu marquer de son empreinte le genre zombiesque, le long-métrage échoue à remplir son cahier des charges malgré de bonnes idées, la faute à un scénario brouillon qui hésite constamment entre premier et second degré. Un problème de ton qui va l’empêcher de réellement décoller, volant ainsi constamment en rase-motte. Pourtant, on ne peut pas dire qu’il n’y avait pas un semblant d’ambition de la part de Snyder, preuve en est, ce dernier nous plonge avec force dans son univers à travers une scène introductive réussie, présentant de manière efficace le drame qui se joue ainsi nos personnages principaux, pris dans le feu de l’action.

De ce chaos inaugural, où Las Vegas devient une enclave coupée du monde suite à une épidémie fulgurante, Army Of The Dead fait retomber le soufflé pour mieux expliciter les tenants et aboutissants de la mission qui va accaparer l’attention de nos protagonistes et de nous, spectateurs. Malgré la quarantaine instaurée et les moyens mis en place pour empêcher toute entrée dans la ville du pêché, un ancien patron de casino veut constituer un groupe de mercenaires pour un pari très risqué : Récupérer un pactole de deux-cents millions de dollars, resté à l’abri dans le coffre fort de son établissement. Acceptant cette proposition dangereusement alléchante, un ex-militaire campé par Dave Bautista – traumatisé par son expérience personnelle dans la vallée de la mort – qui renouer contact avec ses compagnons d’infortune et trouver des volontaires pour venir renforcer les rangs et former une équipe prête à en découdre pour un casse et un dézingage de zombies en règle.

Passé une heure à tisser des liens avec notre bande de braqueurs amateurs, dont la majorité des membres sont malheureusement des clichés sur pattes, Zack Snyder et ses co-scénaristes Joby Harold et Shay Hatten nous propulsent finalement en territoire ennemi afin que les choses sérieuses commencent. Hélas, cette mission d’infiltration sur le Strip de Vegas ne tient pas ses promesses malgré des tentatives évidentes de vouloir surprendre le public de la part de l’équipe créative. Malgré un temps imparti – le gouvernement voulant rayer la ville de la carte – et un royaume des morts-vivants à explorer, difficile de croire en ce qui se passe à l’écran, la tension ayant du mal à se faire ressentir. Là encore, les tâtonnements du réalisateur ne jouent pas en sa faveur avec une emphase trop sérieuse entrecoupé de traits d’humour tombant à plat vu le contexte. Le délire aurait dû prévaloir, peut-être que cela aurait aidé à rehausser le niveau.

Si le dernier acte rattrape un peu le tout avec une violence plus accrue et une atmosphère fataliste venant maintenir notre intérêt, le chemin fût long pour que Army Of The Dead lâche la bride et se décomplexe. Contrairement à son titre, les zombies ne sont pas légions – à l’exception de la scène d’introduction – ceux-ci restant bien trop longtemps dans l’ombre de nos anti-héros. Entre une race alpha préférant marchander que de s’attaquer à tout ce qui bouge (et s’adonner à la procréation, de quoi permettre une scène malaisante) et des morts-vivants en sommeil, on ne peut pas dire que le braquage prévu fût si compliqué, avec si peu d’obstacles à la clé. Snyder préfère lancer des pistes capillotractées pour l’expansion de son univers (un préquel et une série animée ont déjà été commandé par Netflix) et oublie de développer comme il se doit la majorité de ses personnages, qui ne sont au final que de la chair à canon destinés à disparaître à un moment donné, sans que cela ne nous touche réellement – à l’exception de Dave Bautista, l’un ses seuls qui aura su se démarquer.

Même au niveau de la mise en scène, Zack Snyder nous avait habitué à mieux. Son style grandiloquant aurait pu fonctionner ici tant l’exercice s’y prêter mais notre homme s’est endormi en cours de route, donnant de la hauteur à sa mise en scène en ouverture et en conclusion de son film. Le reste du temps, ce dernier s’amuse avec la mise au point de sa caméra, mettant littéralement nos acteurs dans le flou. Si l’on comprend bien l’intention derrière cette démarche artistique, les personnages naviguant dans un monde trouble, sans une once de lisibilité quant à ce qu’il va leur advenir, cela devient vite redondant et fatiguant. Notons tout de même que quand l’action est au rendez-vous, nous y voyons plus clair et nous retrouvons la patte du réalisateur, ralenti à l’appui, une maigre consolation.

© Netflix