Deux ans après Méandre, Mathieu Turi nous revient derrière la caméra avec Gueules Noires, qui comprend au casting Amir El Kacem, Samuel Le Bihan, Thomas Solivérès, Jean-Hugues Anglade, Bruno Sanches, Diego Martín, Marc Riso ou encore Philippe Torreton et nous fait suivre un groupe de mineurs de fond se retrouvant piégé à mille mètres de profondeur avec un hôte peu ragoûtant…

Couramment, le cinéma de genre hexagonal se plaît à jouer avec la notion de confinement, une thématique chère à Mathieu Turi, qui l’inspire depuis ses débuts dans le métier. Que ce soit dans une voiture endommagée au beau milieu d’un territoire hostile ou dans un tunnel truffé de pièges mortels, le réalisateur trouve toujours le moyen de placer ses personnages dans des situations anxiogènes et ne déroge pas à la règle qu’il s’est lui-même fixé avec sa troisième réalisation, Gueules Noires. Soit une expérimentation horrifique convoquant le spectre de H.P. Lovecraft afin de nourrir une descente en enfer – littérale – dans les entrailles d’une mine, théâtre d’un conflit cauchemardesque avec une figure chimérique redoutable et redoutée.

Lorgnant du côté de la série B, le cinéaste, qui officie également à l’écriture, s’engouffre dans un projet ne manquant pas d’ambition, s’inspirant de fleurons des années 80 tels que Alien et The Thing pour mener à bien une rencontre du troisième type dans un cadre atypique. En effet, quoi de mieux que les dédales de galeries souterraines composant une exploitation minière pour donner du corps à un survival surnaturel ? Sur le papier, ce choix se révèle judicieux, avec le potentiel de proposer un The Descent à la française bien gore et poisseux pour marquer les esprits. Mais à l’écran, force est de constater que le résultat n’est pas aussi saisissant qu’espéré. Passée une scène d’introduction alléchante, qui nous donne quelques indices sur le calvaire qui va suivre, le scénario concocté par Mathieu Turi se joue des attentes, préférant dans un premier temps familiariser le public avec le monde qu’il a décidé de dépeindre et ce à travers les yeux d’Amir, jeune adulte débauché de son Maroc natal pour aller au charbon dans le nord de la France.

Entre la pénibilité propre à ce travail éreintant et les difficultés d’adaptation, avec des collègues souvent peu avenants, les conditions de vie dans ce milieu ne sont pas éludées, démontrant qu’en dépit des préjugés, des incompatibilités d’humeur, une fois dans l’ascenseur de la fosse, l’union doit primer dans l’adversité – tout le monde étant une gueule noir. Un contexte aidant à préparer le terrain quant aux enjeux qui attendront notre protagoniste et ses camarades d’infortune, alors qu’ils doivent servir de guide à un mystérieux professeur cherchant à faire des prélèvements à mille mètres de profondeur. L’élément servant de déclencheur à la mise au jour d’une obscure crypte renfermant une sépulture devant rester scellée à tout prix, ce qui repose à l’intérieur dépassant l’entendement. C’était sans compter sur les bas instincts de l’homme, toujours prompt à céder à ses pulsions. En ouvrant la boîte de Pandore, une partie de nos personnages scelle le destin du groupe, les mineurs de fond devant faire face à une menace dépassant les frontières du réel – le tout dans un environnement restreint.

Piégés dans un étroit labyrinthe où se cachent une créature effroyable bien décidée à se dégourdir les pattes (et les griffes), nos victimes semblent définitivement abandonnés à leur sort, laissant craindre un combat perdu d’avance contre cet implacable ennemi. Des ingrédients annonçant un jeu de massacre en clair-obscur, la mort pouvant surgir de n’importe quel zone d’ombre dans cet espace opaque. Hélas, malgré la bonne volonté manifeste de Mathieu Turi, dès lors que le film se laisse aller à l’horreur dans sa seconde partie, le soufflet retombe. Et pour cause, alors qu’il y avait un boulevard pour créer une tension palpable et une atmosphère anxiogène, le réalisateur dévoile d’entrée son monstre sous toutes ses coutures et en pleine lumière, au lieu de progressivement faire grimper la pression.

En ne tirant que trop rarement profit de son cadre, à l’exception d’une séquence utilisant à bon escient le flash d’un appareil photo, Gueules Noires échoue à procurer ne serait-ce qu’un frisson, le mal étant clairement identifiable à l’image – la faute à une mise en scène ne laissant que peu de place au doute. Un manque de nuances pénalisant cette proposition horrifique, d’autant plus lorsque l’intrigue ici tissée maladroitement se conjugue à des dialogues peu inspirés, laissant à penser qu’il aurait été préférable de s’orienter vers une économie de paroles, comme l’avait fait Méandre précédemment. Heureusement, nos acteurs croient en ce qui se passe à l’écran et tous donnent le change malgré certains alter-egos archétypaux, en particulier Amir El Kacem et Samuel Le Bihan, qui forment de bons chefs de file. Mais tout n’est pas à jeter bien sûr, la sauce prenant même de temps à autres, lorsque l’équipe créative se rappelle de jouer avec la pénombre, la faible luminosité. Reste alors les effets gores, qui eux tiennent leurs promesses, avec un côté old school digne des eighties, de même que le design de notre démon lovecraftien, qui prend la forme d’un animatronic imposant grandement réussi.

Animé par la passion, Mathieu Turi continue de creuser son sillon dans le domaine de l’horreur et prend du galon avec Gueules Noires, un troisième film ne manquant pas d’ambition mais peinant à pleinement convaincre, ses défauts prenant le pas sur ses qualités – la principale étant de ne pas se servir de son concept à bon escient, la descente aux enfers proposée échouant de ce fait à réellement effrayer.

© Florent Grosnom

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