[Critique] D’Argent et de Sang, piraterie des temps modernes
Deux ans après le succès d’Illusions Perdues, auréolé de sept César dont celui du Meilleur film, Xavier Giannoli revient là où on ne l’attend pas – c’est à dire à […]
Pour ceux qui se font des films en séries
Deux ans après le succès d’Illusions Perdues, auréolé de sept César dont celui du Meilleur film, Xavier Giannoli revient là où on ne l’attend pas – c’est à dire à […]
Deux ans après le succès d’Illusions Perdues, auréolé de sept César dont celui du Meilleur film, Xavier Giannoli revient là où on ne l’attend pas – c’est à dire à la télévision – avec son nouveau projet. D’Argent et de Sang, qui se révèle être l’adaptation du livre-enquête de Fabrice Arfi, développée pour le groupe Canal. Une création originale portée par Vincent Lindon, Niels Schneider, Ramzy Bedia, Judith Chemla, David Ayala, Olga Kurylenko, Lyes Kaouah ou encore Yvan Attal, revenant sur l’arnaque du siècle…celle des ‘Quotas Carbone’.
Changement de medium pour le réalisateur Xavier Giannoli qui, pour la première fois en trente ans de carrière, débarque sur le petit écran avec D’Argent et de Sang, sa toute première série, qui adapte librement l’investigation menée par le journaliste de Médiapart, Fabrice Arfi, qui avait détaillé dans son ouvrage éponyme cette fameuse affaire de fraude à la taxe carbone. Ou comment un golden boy et deux escrocs issus de Belleville ont subtilisé pas moins de 283 millions d’euros à l’État français à la fin des années 2000 en achetant des quotas d’émission de CO2 hors taxe dans un pays étranger, avant de les revendre dans l’hexagone à un prix incluant la TVA – sans en reverser la différence au fisc.
Une histoire incroyable, déjà portée au cinéma par Olivier Marchal dans Carbone, qui trouve ici une nouvelle portée avec cette version télévisée, bien meilleure à suivre. Prenant le parti du thriller policier, cette mini-série divisée en deux parties – de six épisodes chacune – offre au spectateur une collision entre deux mondes, celui de la justice face à la petit délinquance, devenant grande par sa progressive montée en puissance. S’articulant avant tout sur la quête de vérité de Simon Weynachter (le nom des principaux protagonistes ont été modifiés), l’intrigue savamment tissée par le réalisateur et son coscénariste Jean-Baptiste Delafon retrace le parcours de ce directeur du service national des douanes judiciaires, dont le témoignage sert de fil rouge à cette magouille hors-normes.
Nous revenons ainsi en 2009 où, au hasard d’une perquisition Weynachter et ses équipes, chargés de lutter contre la délinquance financière, mettent au jour une escroquerie à la TVA. Une trouvaille marquant le point de départ d’une affaire moins banale qu’il n’y paraît, chaque avancée représentant pour notre homme de loi le démantèlement d’un simple engrenage d’un mécanisme savamment huilé, que l’on doit à Jérôme Attias, un trader des beaux quartiers et deux petites frappes tunisiennes, Fitous et Bouli. Des pirates des temps modernes, bien décidés à s’en mettre plein les poches en profitant d’une faille dans cette nébuleuse qu’est le système libéral.
S’initie dès lors un jeu du chat et de la souris entre notre trio de malfrats aux dents longues et les services des douanes, qui tient toutes ses promesses d’un bout à l’autre de cette première partie, notamment grâce à la partition de Vincent Lindon – impeccable en figure d’autorité obsessionnelle – Ramzy Bedia et David Ayala, qui par les excès de leur alter-ego forment un tandem flamboyant. Mais outre les tenants de cette arnaque à la taxe carbone, ce qui fait réellement le sel d’Argent et de Sang s’avère être le regard de Xavier Giannoli sur notre époque. Une vision en clair-obscur, où l’homme se laisse envahir par le chaos inhérent à une société totalement déboussolée, floutant plus que de raison la frontière entre le bien et le mal. Un point appuyé par une réalisation de haut-vol, tantôt grandiloquente, tantôt mélancolique. Une excellente entrée en matière, donnant fortement envie de savoir comment l’équipe créative va refermer cette frénétique fresque où l’argent fait tourner les têtes avec les six épisodes restants. Réponse dans quelques mois.
Pour son arrivée sur le petit écran Xavier Giannoli frappe fort, nous livrant avec D’Argent et de Sang (dont la première partie se dévoile actuellement sur Canal +) une mini-série pour le moment de qualité revenant avec frénésie sur la fameuse ‘arnaque du siècle’, celle de la taxe carbone. Un premier chapitre convaincant, ce qui est de bon augure pour la suite.